Contes d'Iktomi

Article

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 02 mai 2024
Disponible dans ces autres langues: anglais
Écouter cet article
X
Imprimer l'article

Iktomi (également connu sous le nom d'Unktomi) est un personnage de la tradition des Sioux Lakota semblable aux personnages d'autres nations, tels que Wihio des Cheyennes, Nanabozho (Manabozho) des Ojibwés, Coyote des Navajos, ou Glooscap des Algonquins. En tant qu'esprit farceur, il peut faire du mal ou du bien, mais il apporte toujours une transformation.

A Modern Depiction of Iktomi
Une représentation moderne d'Iktomi
Naomichanart (CC BY-SA)

Le concept de transformation est relayé sous la forme d'une leçon apprise soit par lui-même, soit par un autre personnage de l'histoire, qui enseigne au public l'une des leçons suivantes: le respect de la nature, l'importance de dire la vérité, de reconnaître le mensonge, de se contenter de ce que l'on a, le respect de soi-même et de sa communauté, et bien d'autres encore. Ces histoires encouragent toujours la reconnaissance d'une valeur culturelle importante, soit en illustrant le concept en action, soit en montrant les conséquences de sa violation. Iktomi apparaît parfois sous la forme d'une araignée, parfois sous la forme d'un homme (un chasseur, un guerrier ou un sage sioux), et est connu sous les noms d'Ictinike, d'Ikto, d'Unktome et surtout d'Unktomi par les différentes bandes de Sioux.

Supprimer la pub
Publicité

On ne sait pas quand le personnage fut créé ni quelle est l'ancienneté des histoires. Les contes furent transmis oralement, de génération en génération, jusqu'à ce qu'ils ne soient mis par écrit par les colons européens et euro-américains, principalement au 19e et au début du 20e siècle. C'est à peu près à la même époque que des écrivains amérindiens commencèrent à consigner les légendes de leur nation et celles d'autres peuples, y compris les contes d'Iktomi.

Iktomi l'esprit farceur

Iktomi interagit souvent avec Coyote, qui joue parfois le rôle de tricheur alors que c'est Iktomi qui reçoit la leçon (tout comme Ma'ii, le coyote des Navajos, le fait dans ces histoires). Il existe de nombreuses variantes du personnage d'Iktomi, et lorsqu'il est présenté pour la première fois au début d'une histoire, le public n'a aucune idée du rôle qu'il va jouer. L'histoire elle-même reflète donc la nature changeante du personnage. Dans un récit, il sera le méchant, dans un autre le héros, dans un autre encore un sage médiateur, un clown ou un bouffon.

Supprimer la pub
Publicité
Les contes d'Iktomi sont toujours divertissants tout en apportant une morale culturelle, religieuse ou de bon sens importante.

Dans Les enfants ligotés, par exemple, Iktomi est le sage qui arbitre un conflit entre les membres de la communauté, tandis que dans Plume Blanche, il est le méchant qui tente d'usurper l'identité du héros et de s'approprier la belle jeune fille. Dans les deux contes suivants, Unktomi et les pointes de flèche et Iktomi et le coyote, le personnage est présenté respectivement comme un aidant maltraité et comme un bouffon incapable de faire la différence entre un animal vivant et un animal mort. Unktomi et les pointes de flèches encourage le respect des autres êtres vivants, tandis que la morale d'Iktomi et le coyote serait similaire au vieil adage "ne vendez pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué".

Les contes d'Iktomi étaient, et sont toujours, parmi les légendes sioux les plus populaires car ils sont toujours divertissants tout en apportant une morale culturelle, religieuse ou de bon sens importante. En cela, ils ont en commun avec les contes populaires de toutes les cultures, anciennes ou modernes, du monde entier, car les personnages filous en général sont souvent le moteur de certains des textes les plus captivants, comme Loki dans la mythologie nordique, Hermès dans la mythologie grecque ou Renart le Renard dans le folklore médiéval européen, pour ne citer qu'eux. À propos de ces personnages, le spécialiste Larry J. Zimmerman écrit:

Supprimer la pub
Publicité

Malgré ses différentes formes, le filou présente des caractéristiques similaires partout où on le rencontre. Il peut s'agir d'un plaisantin rusé et d'un saboteur, qui est généralement défait par son propre jeu ou sa propre ruse, se retrouvant blessé ou même mort - pour ensuite ressusciter, apparemment pas pour autant plus sage. Parfois irrévérencieuses et idiotes, ses actions soulignent de manière divertissante l'importance des règles et des limites morales. (188)

L'importance culturelle de la figure du filou a été reconnue par le psychiatre suisse Carl Jung (1875-1961), qui a inclus le concept dans ses archétypes en tant que manifestation psychologique des impulsions juvéniles et immatures d'une personne, qui doit néanmoins être reconnue car, à travers son expression, on peut reconnaître d'importantes vérités personnelles. Dans l'œuvre de Jung, le filou est un avatar qui remet en question la façon dont on se définit et qui offre la possibilité de changer et de grandir. Les contes d'Iktomi illustrent bien le concept de Jung en offrant à leur public la même possibilité de voir le monde, et eux-mêmes, sous un jour différent.

Texte

Les contes suivants sont extraits de Mythes et légendes des Sioux de Marie L. McLaughlin (Unktomi et les pointes de flèche) et de American Indian Stories and Old Indian Legends de Zitkala-Sa (Iktomi et le Coyote).

Unktomi et les pointes de flèche

Il était une fois deux jeunes hommes qui étaient de très bons amis et qui étaient constamment ensemble. L'un était un jeune homme très réfléchi, l'autre très impulsif, qui ne s'arrêtait jamais pour réfléchir avant de commettre un acte.

Supprimer la pub
Publicité

Un jour, ces deux amis se promenaient en se racontant leurs expériences amoureuses. Ils montèrent une haute colline et, arrivés au sommet, entendirent un bruit de tic-tac, comme si de petites pierres ou des cailloux étaient frappés l'un contre l'autre.

En regardant autour d'eux, ils découvrirent une grande araignée assise au milieu d'un grand nombre de pointes de flèches en silex. L'araignée était occupée à transformer les pierres de silex en pointes de flèches. Ils regardèrent l'araignée, mais elle ne bougea pas, continuant à marteler un morceau de silex qu'elle avait presque fini de transformer en une autre pointe de flèche.

"Frappons-la", dit l'insouciant.

"Non, répondit l'autre, il ne fait de mal à personne; en fait, il fait un grand bien, puisqu'il fabrique les pointes de flèches en silex dont nous nous servons pour décocher nos flèches.

Supprimer la pub
Publicité

"Oh, tu as peur", dit le premier jeune homme. "Il ne peut pas te faire de mal, regarde-moi le frapper." Ce disant, il ramasse une pointe de flèche et, la lançant sur "Unktomi", il le frappe sur le côté. Tandis qu'Unktomi roule sur le côté, se relève et reste debout à les regarder, le jeune homme rit et dit: "Eh bien, partons, car votre grand-père, "Unktomi", n'a pas l'air d'aimer notre compagnie."

Ils commencèrent à descendre la colline, quand soudain, celui qui avait frappé Unktomi fut pris d'une violente quinte de toux. Il toussait et toussait, et finalement de petites particules de sang s'échappèrent de sa bouche. Le sang devenait de plus en plus épais et jaillissait à gros bouillons. Finalement, il s'écoula si vite et si abondamment que l'homme ne put reprendre son souffle et tomba sur le sol, mort.

Le jeune homme réfléchi, voyant que son ami n'était plus, se précipita au village et raconta ce qui s'était passé. Les parents et les amis se précipitèrent sur la colline et, effectivement, le jeune homme insouciant gisait là, immobile et froid dans la mort. Ils tinrent un conseil et envoyèrent chercher le chef de la tribu Unktomi. Lorsque celui-ci apprit ce qui s'était passé, il déclara au conseil qu'il ne pouvait rien faire à son Unktomi, car il n'avait fait que se défendre.

Vous aimez l'Histoire?

Abonnez-vous à notre newsletter hebdomadaire gratuite!

Il dit alors "Mes amis, voyant que votre tribu manquait de pointes de flèches, j'ai mis un grand nombre d'hommes de ma tribu au travail pour fabriquer des pointes de flèches en silex pour vous. Lorsque mes hommes sont ainsi occupés, ils ne veulent pas être dérangés, et votre jeune homme a non seulement dérangé mon homme, mais l'a grossièrement insulté en le frappant avec l'une des pointes de flèches qu'il avait travaillé si dur à fabriquer. Mon homme ne pouvait pas rester assis à supporter cette insulte, et alors que le jeune homme s'éloignait, l'Unktomi lui a tiré dessus avec une toute petite pointe de flèche. Cela a provoqué une hémorragie qui a causé sa mort. Maintenant, mes amis, si vous voulez bien remplir et passer le calumet de la paix, nous nous quitterons en bons amis et ma tribu vous fournira toujours des pointes de flèches en silex en abondance. En disant cela, Unktomi Tanka termina son calumet de paix et retourna dans sa tribu.

Depuis lors, lorsque les Indiens entendaient un tic-tac dans l'herbe, ils s'efforçaient de contourner le bruit en se disant qu'Unktomi fabriquait des pointes de flèches et qu'il ne fallait pas le déranger.

C'est ainsi qu'Unktomi Tanka (Grande Araignée) obtint le respect de cette tribu et ne fut plus jamais dérangé dans son travail de fabrication de pointes de flèches.

Iktomi et le coyote

Au loin, sur un vaste terrain plat, un soleil d'été brillait. Ici et là, sur la verdure ondoyante, s'élevaient de hautes grappes de mauvaises herbes grises et grossières. Iktomi, dans ses peaux de daim à franges, marchait seul dans la prairie, sa tête noire nue luisant sous le soleil. Il marchait dans l'herbe sans suivre aucun sentier bien tracé.

D'un gros bouquet de mauvaises herbes à l'autre, il se faufilait dans la grande plaine. Il levait légèrement le pied et le posait doucement en avant, comme un chat sauvage qui rôde sans bruit dans l'herbe épaisse. Il s'arrêta à quelques pas d'un très gros bouquet de sauge sauvage.

Il inclina la tête d'une épaule à l'autre. Plus loin encore, il se pencha d'un côté à l'autre, d'abord bas sur une hanche, puis sur l'autre. Très en avant, il se baissa, étirant son long cou mince comme un canard pour voir ce qui se cachait sous un manteau de fourrure au-delà du bouquet d'herbes grossières.

Un loup de prairie au pelage gris et élancé, le nez noir et pointu enfoncé entre ses quatre pattes serrées l'une contre l'autre, sa belle queue touffue enroulée sur son nez et ses pattes. Un coyote - šuŋgmánitu endormi à l'ombre d'un bouquet d'herbe, voilà ce qu'aperçut Iktomi.

Avec précaution, il leva un pied et tendit prudemment les orteils. Doucement, il souleva le pied qui se trouvait derrière et le plaça devant l'autre. Ainsi, il s'approcha de la boule de fourrure ronde qui gisait immobile sous l'herbe de sauge.

Iktomi se tenait maintenant à côté, regardant les paupières fermées qui ne tremblaient pas le moins du monde. Pressant ses lèvres en lignes droites et hochant lentement la tête, il se pencha sur le loup. Il approcha son oreille du nez du Coyote, mais pas un souffle d'air n'en sortit.

"Mort!" dit-il enfin. "Mort, mais il n'y a pas longtemps qu'il a couru dans ces plaines! Voyez! Il a attrapé une plume fraîche dans sa patte. Il est bien dodu!"

Saisissant la patte sur laquelle était accrochée la plume d'oiseau, il s'exclama: "Mais il est encore chaud! Je vais le porter dans ma demeure et j'en ferai un rôti pour mon repas du soir. Ah-ha!" rit-il en saisissant le coyote par les deux pattes avant et les deux pattes arrière et en le faisant basculer par-dessus sa tête sur ses épaules.

Le loup était grand et le tipi était loin dans la prairie. Iktomi avançait péniblement avec son fardeau, claquant ses lèvres affamées l'une contre l'autre. Il clignait des yeux pour empêcher la transpiration salée de couler sur son visage.

Pendant ce temps, le coyote sur son dos regardait le ciel les yeux grands ouverts. Ses longues dents blanches brillaient tandis qu'il souriait et souriait encore.

"Courir sur ses propres pieds est fatigant, mais être porté comme un guerrier après un combat courageux est très amusant", dit le Coyote dans son cœur. Il n'avait jamais été porté sur le dos de quelqu'un auparavant, et cette nouvelle expérience le ravissait. Il resta paresseusement allongé sur les épaules d'Iktomi, clignant de temps en temps ses yeux bleus.

N'avez-vous jamais vu un oiseau faire un clin d'œil bleu? C'est ainsi que l'expression est devenue un dicton chez les gens des plaines. Lorsqu'un oiseau se tient à l'écart et observe vos étranges manières, un fin tissu blanc bleuté glisse rapidement sur ses yeux et s'en va tout aussi rapidement, si vite que vous pensez qu'il ne s'agissait que d'un mystérieux clin d'œil bleu. Parfois, lorsque les enfants s'endorment, ils font des clins d'œil bleus, tandis que d'autres, trop fiers pour regarder les gens avec des yeux amicaux, font des clins d'œil à la manière froide d'un oiseau.

Le Coyote était affecté à la fois par la somnolence et l'orgueil. Ses clins d'œil étaient presque aussi bleus que le ciel. Au milieu de ce nouveau plaisir, le mouvement de balancier cessa. Iktomi avait atteint sa demeure. Le Coyote ne se sentait plus somnolent, car l'instant d'après, il glissait des mains d'Iktomi. Il tombait, tombait dans l'espace, puis il heurta le sol avec une telle secousse qu'il ne voulut plus respirer pendant un moment. Il se demandait ce qu'Iktomi allait faire. Il resta donc immobile là où il était tombé.

En fredonnant une chanson de danse tirée de son recueil de chants mystérieux, Iktomi sauta et s'élança dans une danse et un festin imaginaires. Il ramassa des bâtons de saule secs et les brisa en deux contre son genou. Il fit un grand feu à l'extérieur. Les flammes s'élançaient vers le haut en traînées rouges et jaunes. Iktomi revint vers le Coyote qui l'avait regardé à travers ses cils.

Le prenant à nouveau par les pattes et les pieds arrière, il le balança de droite à gauche. Puis, alors que le loup se dirigeait vers les flammes rouges, Iktomi le lâcha. Une fois de plus, le Coyote tomba dans l'espace. De l'air chaud lui brûlait les narines. Il voyait le feu rouge danser, et maintenant il frappait un lit de braises craquantes. D'un tour rapide, il bondit hors des flammes. De ses talons jaillit une pluie de charbons rouges sur les bras et les épaules nus d'Iktomi. Abasourdi, Iktomi crut voir un esprit sortir de son feu. Il resta bouche bée. Il porta une paume à son visage, durement sur sa bouche! Il avait du mal à s'empêcher de hurler.

Se roulant sur l'herbe et se frottant les côtés de la tête contre le sol, le Coyote eut tôt fait d'éteindre le feu sur sa fourrure. Les yeux d'Iktomi étaient presque prêts à sauter de sa tête alors qu'il tentait de refroidir de son souffle une brûlure sur son bras brun.

Assis sur ses fesses, de l'autre côté du feu où se tenait Iktomi, le Coyote commença à se moquer de lui.

"Au futur, mon ami, ne prends pas les choses pour acquises. Assure-toi que l'ennemi est bien mort avant de faire un feu!" Puis il se mit à courir si vite que sa longue queue touffue pendait de son dos en ligne droite.

Supprimer la pub
Publicité

Questions & Réponses

Que sont les contes d'Iktomi?

Les contes d'Iktomi sont des histoires et des légendes de la nation sioux qui mettent en scène le personnage d'Iktomi (parfois appelé dieu filou). Ils enseignent toujours une valeur culturelle importante.

Iktomi est-il le même qu'Unktomi dans les légendes sioux?

Oui, Iktomi et Unktomi désignent le même personnage. La différence de nom est liée aux variations de langue entre les bandes sioux.

Iktomi est-il bon ou mauvais?

Iktomi n'est ni bon ni mauvais. Iktomi est un personnage trompeur et peut donc provoquer des expériences agréables ou désagréables, mais celles-ci ne sont ni "bonnes" ni "mauvaises" - il s'agit simplement de changements dans la vie d'une personne, qu'elle doit ensuite interpréter et dont elle doit tirer des enseignements.

Quel est l'âge des contes d'Iktomi?

Les contes Iktomi furent transmis de génération en génération par voie orale et il est donc impossible de dater leur composition. Ils ont commencé à être écrits aux XIXe et XXe siècles, mais ils circulaient déjà depuis longtemps.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Joshua J. Mark est cofondateur et Directeur de Contenu de la World History Encyclopedia. Il était auparavant professeur au Marist College (NY) où il a enseigné l'histoire, la philosophie, la littérature et l'écriture. Il a beaucoup voyagé et a vécu en Grèce et en Allemagne.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2024, mai 02). Contes d'Iktomi [Iktomi Tales]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2443/contes-diktomi/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Contes d'Iktomi." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le mai 02, 2024. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2443/contes-diktomi/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Contes d'Iktomi." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 02 mai 2024. Web. 20 nov. 2024.

Adhésion