La petite fille et le fantôme est une légende de la nation cheyenne qui raconte l'histoire d'une jeune fille enlevée par un fantôme après avoir été chassée par sa mère. L'histoire explore de nombreux thèmes communs à la littérature cheyenne, notamment l'importance de suivre les instructions, mais elle contient également une leçon sur les dangers d'agir précipitamment sous l'effet de la colère.
Les Cheyennes, comme toutes les nations amérindiennes, accordent une grande importance à la tradition et à l'observation fidèle des rituels communautaires, et un aspect important de cette tradition est le simple respect des instructions. Dans les temps anciens, un individu aurait reçu un message du monde des esprits lui indiquant comment accomplir un rite donné, comment se comporter avec les autres, comment se conduire en privé et comment honorer le divin dans la vie de tous les jours. Ces instructions avaient ensuite été partagées avec d'autres, transmises et étaient devenues des traditions communautaires.
C'est pourquoi de nombreux contes cheyennes - si ce n'est tous à un degré ou à un autre - soulignent l'importance de suivre les instructions. En cela, ils ne sont pas différents des Sioux, des Iroquois, des Pawnees ou de tout autre peuple autochtone d'Amérique du Nord, puisqu'ils ont en commun le concept du "passé présent", c'est-à-dire que le passé est éternellement présent dans les histoires que l'on raconte et les rituels que l'on observe, mais ce passé ne peut être présent que si l'on est fidèle à la vision originale de l'histoire et à l'esprit du rituel.
Il existe de nombreuses versions différentes des contes des diverses nations amérindiennes. Le conte Cheyenne/Arapaho/Sioux How the Turtle Went to War (Comment la tortue s'en est allée à la guerre), par exemple, ainsi que les contes de Wihio cheyennes ou les contes d'Iktomi sioux, présentent d'importantes variations. Les détails de ces histoires n'ont pas tant d'importance que le message général, le thème et la morale qui est finalement le but de l'histoire. Comprendre pourquoi on raconte l'histoire est un aspect essentiel du respect des instructions: on raconte l'histoire, comme ceux qui l'ont déjà racontée, parce que les gens ont besoin d'entendre ce qu'elle a à dire. Le conteur amérindien n'est que le canal par lequel les vérités d'un conte donné sont rendues accessibles aux autres.
Le texte
En racontant cette histoire, le conteur mettait certainement l'accent sur l'importance culturelle de l'obéissance aux instructions, mais il y a beaucoup d'autres aspects de l'histoire qui touchent à d'autres leçons importantes. Les Cheyennes, comme d'autres nations, croient en la réalité des fantômes, et de nombreux contes amérindiens traitent des dangers liés à l'interaction avec ces esprits. Parmi les nombreux dangers que présentaient les fantômes, il y avait l'idée qu'ils enlevaient les enfants, en particulier les filles, pour les manger. On pensait que les fantômes s'attaquaient aux enfants parce qu'ils étaient plus vulnérables que les adultes. Cette croyance est présente dans La petite fille et le fantôme, comme dans beaucoup d'autres histoires, mais ici, elle sert de mise en garde contre les actions précipitées sous l'effet de la colère.
La mère, fatiguée d'entendre sa fille pleurer et incapable d'arrêter le bruit, la pousse avec colère hors de la loge et, sans réfléchir, crie pour qu'un fantôme l'emmène. La mère ne le souhaite pas vraiment, comme on le voit plus tard lorsqu'elle part en pleurs à la recherche de sa fille disparue, mais le mal est fait et ne peut être réparé puisque le fantôme, invisible, a pris la mère au mot et a enlevé la fille. L'histoire met donc en garde contre les conséquences d'un acte de colère: après coup, peu importe que l'on soit désolé, car ce qui a été fait ne peut être défait.
Tout comme dans de nombreux contes cheyennes, le chiffre quatre est mis en exergue tout au long du récit, car il s'agit d'un chiffre sacré associé aux quatre points cardinaux de la boussole. Lorsque le vieil homme habille la jeune fille pour qu'elle retourne enfin auprès de son peuple, le conteur dit: "Elle était donc habillée comme une Contraire" (159), une référence au rôle social connu sous le nom de Contraire, quelqu'un qui s'habille et se comporte délibérément en opposition aux autres membres de sa communauté, ce qui a souvent pour résultat d'éveiller en eux une compréhension plus claire de leur propre comportement. Dans son rôle de Contraire, le personnage principal signale que l'histoire doit être comprise comme un appel au public pour qu'il examine ses propres attitudes et sa propre conduite.
Le texte suivant est la traduction d'extrait de By Cheyenne Campfires (1926) de George Bird Grinnell, réédité en 1971 par les Presses de l'Université du Nebraska :
Il était une fois un camp et, dans l'une des huttes, une petite fille était assise en train de pleurer; elle était en colère à cause de quelque chose. Sa mère fit tout ce qu'elle put pour que l'enfant s'arrête mais, finalement, la mère se mit en colère, ouvrit la porte de la loge et poussa l'enfant dehors en disant: "Fantôme, emmène cette enfant!".
Un fantôme devait se tenir quelque part près de la porte, car lorsque la mère mit l'enfant dehors, quelque chose la souleva. Dès qu'elle fut sortie, l'enfant cessa de pleurer. Au bout d'un certain temps, la femme sortit et, ne trouvant pas sa fille, elle passa de hutte en hutte en pleurant et en la cherchant. Celui qui avait enlevé l'enfant était un jeune fantôme et, à l'endroit d'où venait le jeune fantôme, il y avait un vieux fantôme. Le jeune fantôme apporta l'enfant au vieux fantôme et lui dit: "Voici ta nourriture."
Le matin, le vieux fantôme dit à la petite fille: "Va chercher du bois." La petite fille sortit et ramassa du bois sec. Un petit oiseau vola près d'elle et lui dit: "Tu prends ce bois pour toi", c'est-à-dire qu'il devait servir à la cuisiner. Elle apporta le bois à la hutte et le vieux fantôme le regarda et dit: "Ce n'est pas le genre de bois que je veux" et l'envoya en chercher d'autres. Le petit oiseau lui dit à nouveau: "Tu prends ce bois pour toi." Elle le porta jusqu'à la hutte et, de nouveau, le vieux fantôme trouva à redire et l'envoya chercher d'autre bois. Elle y retourna une troisième fois et, de nouveau, le petit oiseau lui parla. Elle fut renvoyée une quatrième fois. L'oiseau vola près d'elle et lui dit: "C'est la dernière fois; quand tu y retournera, on te fera cuire".
La jeune fille dit: "C'est inutile de me dire cela; le grand fantôme m'a attrapée et je ne peux pas m'en sortir. Peux-tu m'aider?" L'oiseau répondit: "Oui, je peux t'aider. Maintenant, juste ici, il y a un sommet de montagne. Je vais t'y emmener et, quand tu y seras, tu devras dire à la porte du rocher: "Mon grand-père, je suis venue pour être protégée; mon père, je suis venue pour être protégée; mon frère, je suis venue pour être protégée; mon mari, je suis venue pour être protégée". Cela doit être dit à la porte. Je vais t'y conduire. Il y a une grosse pierre posée contre le sommet, c'est la porte".
L'oiseau lui dit de mettre une main sur chacune de ses épaules et, volant près du sol, il la porta jusqu'au sommet. Lorsqu'ils arrivèrent, la jeune fille répéta ce que l'oiseau lui avait dit. L'oiseau lui dit: "Place ta main sur le rocher et pousse-le sur le côté". Elle le fit, entra et vit un vieil homme assis là. Il lui dit: "Entre, ma petite-fille. Je sais que tu es venue me demander protection."
Lorsque le vieux fantôme ne vit pas la jeune fille, il sortit et la suivit. Il savait qu'elle était allée au sommet. Lorsqu'il s'approcha, il se mit à hululer comme un hibou, et lorsqu'il hulula, le sol trembla. Il hulula quatre fois et, à chaque fois, le sol trembla. Lorsque l'enfant entendit le fantôme, elle eut peur et courut à l'intérieur de la hutte, essayant de se cacher; mais son grand-père lui dit de se taire et de ne pas avoir peur. Après avoir hululé quatre fois, le fantôme s'approcha du rocher. Il se tint devant la porte et dit: "Faites sortir ma viande! Si vous ne le faites pas, il faudra que je vienne la chercher." Il répéta cela quatre fois.
Le vieil homme dit: "Entre et fais-la sortir." Le fantôme dit: "Ouvrez la porte, que je puisse entrer." Après quatre demandes, le vieil homme se leva et ouvrit la porte juste assez pour que le fantôme puisse passer la tête à l'intérieur. Lorsque le fantôme eut passé la tête à l'intérieur, le vieil homme fit voler la porte en arrière et coupa la tête du fantôme; elle tomba sur le sol à l'intérieur. Le vieil homme la ramassa et la jeta à l'extérieur de la hutte, puis il dit à la jeune fille: "Va chercher du bois sec et jette-en par-dessus la tête."
Après qu'elle eut fait un tas de bois, le vieil homme y mit le feu, puis il jeta le corps du fantôme dans le feu et tendit un bâton à la jeune fille en lui disant: "Maintenant, si quelque chose roule, ne le touche pas avec ta main, mais repousse-le dans le feu avec ce bâton." Après avoir allumé le feu, la tête et le corps s'ouvrirent et des morceaux de silex et des perles d'antan en sortirent. La petite fille voulut les ramasser, mais le vieil homme lui dit: "Non, pousse-les dans le feu." Ils regardèrent le feu jusqu'à ce que le fantôme soit entièrement brûlé.
Lorsque la jeune fille eut dix-sept ans, le vieil homme lui dit qu'elle pouvait retourner dans son village. Il l'habilla comme un homme, lui fit une robe qu'il peignit avec de la peinture rouge indienne; ses jambières et ses mocassins furent également peints en rouge. Il lui fabriqua un arc et mit des queues de bison sur les talons de ses mocassins. Enfin, il lui attacha la peau d'une chouette de prairie sur le front. Elle était donc habillée comme un Contraire.
Lorsqu'elle fut prête à partir, le vieil homme lui donna un vison vivant et lui dit de le mettre à l'intérieur de sa robe, sur sa poitrine. Il lui dit:
"Tu dois passer par quatre villages; ne t'arrête à aucun d'entre eux; ils t'appelleront, mais continue et passe. Après cela, tu trouveras une seule hutte. Entre et arrête-toi, car le soleil sera couché. Dans cette hutte, tu trouveras une vieille femme qui a un grand pouvoir; elle essaie de tuer tous ceux qui viennent dans sa hutte. Lorsque vous serez entrées, elle fera bouillir une marmite de cervelle et de nourriture pour que vous la mangiez. La cervelle est celle d'une personne qu'elle a tuée. Elle te tendra un bol avec une cuillère en corne, mais tu ne dois pas manger. Donne-la à manger au vison. Ensuite, elle te préparera de la viande de bison; mange-la".
Avant que la jeune fille ne le quitte, le vieil homme lui dit que, lorsqu'elle s'arrêtera à la hutte de cette vieille femme, elle ne devra pas dormir. Il lui dit: "Si tu dors, elle essaiera de te tuer; mais si tu t'endors, garde le vison près de ton cou et il agira comme un gardien. Quand elle pensera que tu dors, elle commencera à se gratter la jambe et sa jambe enflera; elle se servira alors de sa jambe comme d'une massue et te frappera sur la tête avec".
Lorsque la jeune fille passa le premier village qu'elle rencontra sur son chemin, les femmes lui crièrent: "Viens ici, jeune homme, et arrête-toi", mais elle n'y prêta pas attention. Quand les femmes s'aperçurent qu'elle ne faisait pas attention à elles, elles lui crièrent: "Tu marches comme une femme! Cela se produisit dans chacun des quatre villages.
Au coucher du soleil, elle arriva au sommet d'une colline et aperçut, dans la vallée, une hutte isolée. La vieille femme sortit et dit: "Descends, ma petite-fille"; elle la prit par la main et la fit entrer dans la hutte. La petite fille accrocha son arc à la branche d'un arbre, puis elle entra et vit que tout était très beau dans la hutte. La vieille femme dit: "Ma petite-fille doit avoir faim; je vais te faire cuire de la bouillie". Elle mit la cervelle sur le feu dans une marmite. Quand la bouillie fut cuite, elle lui donna un bol plein et une cuillère, mais la petite fille la donna à manger au vison. La vieille femme dit: "Ma petite-fille doit avoir faim" et commença à lui faire bouillir de la viande de bison que la jeune fille mangea.
Au bout d'un certain temps, la vieille femme demanda à la jeune fille si elle avait sommeil. Elle répondit: "Oui, j'aimerais dormir" et s'allongea, le vison près de sa gorge. La vieille femme dit: "Je vais m'asseoir et garder le feu allumé pour que tu aies chaud". La jeune fille fit semblant de dormir et ronfla. Elle vit la vieille femme s'approcher du feu et commencer à se gratter la jambe. Elle commença à grossir, rampa jusqu'à la jeune fille et leva sa jambe pour la frapper, mais au moment où elle la tenait au-dessus de sa tête, la jeune fille poussa le vison vers elle. Le vison s'accrocha à la jambe de la femme et lui arracha un morceau de chair. La vieille femme s'écria: "Tu m'as tuée" et tomba à la renverse; puis elle se mit à pleurer et dit: "Tu as un grand pouvoir spirituel".
La jeune fille se leva d'un bond, sortit et, ce faisant, ramassa un tison enflammé et mit le feu à la hutte. Elle prit son arc et partit en direction de son camp.
Elle voyagea toute la nuit et, le lendemain, arriva au grand village. Elle se plaça sur la colline avec son arc et tout le village sortit pour voir l'étrange jeune homme. Deux jeunes gens s'approchèrent d'elle et lui dirent: "D'où viens-tu ?". Elle répondit: "C'est mon village; j'ai été longtemps absente et je suis revenue."
Ils la conduisirent au centre du camp et appelèrent un vieillard pour lui annoncer l'arrivée d'un jeune homme du village. Le vieil homme l'annonça dans tout le village, et tout le monde s'approcha pour la regarder. Personne ne savait qui elle était. Finalement, on lui demanda qui était sa famille.
Elle baissa la tête, car elle avait honte de se rappeler que sa mère l'avait chassée de sa hutte. Elle dit qu'elle était la fille que sa mère avait chassée de la hutte et qui avait été emportée par le fantôme. Tous la reconnurent alors et les siens l'emmenèrent dans leur hutte.