Le rite de passage d'un jeune romain, cérémonie ou rituel marquant une période de transition entre l'enfance et l'âge adulte, consistait à revêtir la toga virilis, la toge de l'adulte. La cérémonie se déroulait généralement entre le 14e et le 17e anniversaire du garçon; la décision était prise par le père ou le tuteur du garçon.
La cérémonie est largement évoquée dans les écrits historiques, les biographies, les lettres et les discours, mais les sources primaires anciennes dont nous disposons ne fournissent pas beaucoup de détails. D'une manière générale, les écrits anciens sur les enfants sont rares et nous disposons certainement de plus d'informations sur la vie des familles de la classe moyenne et de l'élite que sur celle des classes inférieures, et le rite de passage d'un jeune garçon ne fait pas exception à la règle.
Le moment choisi
Le rite de passage d'un jeune garçon correspondait à la puberté, une période définie par certains anciens comme une période de"ferocitas", c'est-à-dire d'impétuosité ou d'agitation. La transition physique de garçon à jeune homme était marquée par plusieurs éléments, dont la mue de la voix, connue sous le nom de"gallulascere" (coqueliner), et la croissance de la pilosité faciale. À 14 ans, un jeune garçon pouvait commencer à avoir de la barbe; cette première pousse était associée à l'adolescence et distinguait visuellement le jeune garçon de l'homme adulte. On laissait cette pousse devenir une barbe complète et on ne la rasait pas avant que le garçon n'ait atteint la fin de l'adolescence ou le début de la vingtaine. Lorsque la barbe était enfin rasée, elle était considérée comme la fin de la jeunesse insouciante et le passage à une vie plus adulte. Le rasage de la barbe pouvait parfois avoir lieu lors d'une fête publique connue sous le nom de Iuvenali; lors de cette fête, la barbe du jeune homme était dédiée à un dieu de son choix et conservée dans une petite boîte dans le sanctuaire des dieux de la famille.
Un garçon au début de l'adolescence était encore sous la surveillance de son pédagogue, qui l'accompagnait également à l'extérieur de la maison. L'éducation romaine d'un jeune issu de la société aisée ou de l'élite comprenait la rhétorique, l'art oratoire, le droit, la politique, l'astronomie, la géographie, le droit, la littérature, la philosophie et la mythologie. Certains garçons étaient susceptibles d'envisager de quitter le domicile familial pour poursuivre leurs études ; il y avait des étudiants romains à Athènes et dans les autres centres intellectuels de la Méditerranée orientale. Dans de nombreux cas, ils étaient accompagnés à l'étranger par leur pédagogue.
Lorsque les garçons romains atteignaient l'âge de 14 ans, de nombreux pères emmenaient déjà leurs fils observer la vie sur le Forum romain, ils assistaient à des réunions publiques et aux cours de justice romaines, et les fils étaient présentés aux amis et aux relations d'affaires de leur père. Les bases de la transition d'un garçon vers l'âge adulte et de ce qu'elle pourrait impliquer étaient ainsi posées. Les jeunes garçons étaient soumis à la patria potestas et restaient sous le pouvoir de leur père jusqu'à la mort de celui-ci; aucun passage à l'âge adulte ou rite de passage ne libérait les fils de cette position.
Néanmoins, la cérémonie de la toga virilis était un moment décisif dans la vie d'un garçon. C'est le père ou le tuteur qui décidait à quel âge un garçon était prêt pour le rite de passage et pour être enrôlé comme citoyen, mais la cérémonie se déroulait généralement entre le 14e et le 17e anniversaire du garçon. L'homme d'État Marcus Tullius Cicero (alias Cicéron, 106-43 av. J.-C.) fêta son passage à l'âge adulte à 16 ans, son fils Marcus également, tandis que le premier empereur romain Auguste (de 63 av. J.-C. à 14 de notre ère), Octave, n'avait que 15 ans, et que l'empereur Marc Aurèle (de 121 à 180 de notre ère) revêtit sa toge à 16 ans. Un jour populaire choisi pour cet événement important dans la vie du garçon et de sa famille était le 17 mars, lors de la fête de Liber, bien que d'autres dates soient également possibles.
La Toga Virilis
Les célébrations commençaient dans le lararium, qui se trouvait le plus souvent dans l'atrium des maisons des Romains aisés. C'est dans le lararium que le jeune garçon, en présence de sa famille et de ses amis, consacrait son médaillon apotropaïque, appelé bulla, qu'il avait porté pendant toute son enfance pour le protéger des dangers physiques et moraux. La bulla (bulle) serait accrochée à la statue de Lares. Lors de la cérémonie, le garçon mettait de côté la toga praetexta de son enfance et se préparait à recevoir la toga virilis, la toge de l'adulte, d'un blanc pur. Dans la culture romaine, le vêtement pouvait avoir un pouvoir immense; la toge symbolisait de nombreux aspects clés de ce que signifiait être un homme romain, et la toga virilis indiquait non seulement que le porteur était un citoyen né libre, mais aussi son âge et son statut socio-économique.
Le fait d'endosser la toge d'adulte était sans aucun doute un événement capital dans la vie d'un jeune romain, car il marquait la fin de l'enfance et le début de l'âge adulte, avec toutes les libertés et les responsabilités qui l'accompagnaient. Ce vêtement au drapé ample était fait d'une pièce d'étoffe de forme ovale, aux plis volumineux; il fallait apprendre à l'enfiler, car son drapé exigeait une certaine habileté. La toge était considérée comme le vêtement de cérémonie ou d'apparat des citoyens romains plutôt que comme leur vêtement de tous les jours, mais les citoyens masculins étaient censés porter la toge pour toutes les occasions civiques. Aulu-Gelle (c. 125-180 de notre ère) raconte dans Noctae Atticae un épisode survenu alors qu'il se trouvait avec son professeur d'art oratoire, qui, semble-t-il, respectait des normes vestimentaires strictes, et qui, voyant certains de ses élèves en vacances porter des tuniques et des sandales au lieu de toges, les réprimanda et leur rappela qu'ils étaient des sénateurs du peuple romain et qu'ils devaient s'habiller en tant que tels (13.22).
À la fin de la République romaine, la toge était certainement associée à l'identité romaine et l'un des signes les plus révélateurs de la place centrale de la toge dans l'histoire romaine est probablement le fait que ceux qui étaient bannis de Rome n'avaient plus le droit de la porter. Le passage de la toge praetexta de l'enfance, avec sa bande violette le long du bord inférieur, à la toge virilis de l'adulte, d'un blanc uni, était un privilège associé uniquement à l'enfant mâle né libre. Avant de revêtir cette toge d'adulte, le garçon revêtait une tunique donnée par son père, appelée tunica recta. Il recevait ensuite la toge blanche des mains de son père, ce qui marquait le début de sa transition de garçon à homme adulte.
Célébration publique
Une fois les célébrations à la maison terminées, les rituels de clôture se poursuivaient à Rome: le jeune togati, accompagné de son père et de sa famille, se rendait au Forum et au Capitole (à partir du règne d'Auguste, la cérémonie se déroulait au Forum d'Auguste). Dans ses Epistulae Morales à Lucilius, le philosophe Sénèque (de 4 av. J.-C. à 65 ap. J.-C.) nous donne un aperçu de cette journée riche en émotions, en évoquant les souvenirs de la joie ressentie au moment de mettre de côté la toge de l'enfance, de revêtir la toga virilis de l'adulte et d'être escorté jusqu'au forum. Le forum et ses représentations, comme les statues d'Énée et de son père Anchise, encourageaient l'idée de responsabilités et d'obligations filiales et soulignaient le devoir du jeune homme envers ses parents, ses ancêtres et l'État.
Cette partie de la célébration était peut-être connue sous le nom de ad Capitolium ire, c'est-à-dire "aller au Capitole", où les jeunes togati sacrifiaient à Liber. Au Capitole, le jeune garçon pouvait également sacrifier à Jupiter et à Juventas dans le temple de Jupiter Optimus Maximus, et dans ce cas là, il pouvait déposer une pièce de monnaie dans le petit sanctuaire de Juventas dans le temple du Capitole ou dans son temple près du Circus Maximus. Le nom complet du jeune garçon était peut-être enregistré dans la liste des citoyens du tabularium, le bureau des archives de l'État situé dans le temple de Saturne. Nous trouvons également dans un document du début du IIe siècle de notre ère, considéré comme un "certificat de la toga pura", une liste des noms des jeunes garçons ayant récemment acquis la toga virilis. Ce document était exposé au Forum Augustus et des copies auraient pu être conservées dans les archives locales d'autres provinces.
Une fois tous les rituels terminés, le jeune garçon, sa famille et ses amis pouvaient se rendre à nouveau au Forum. Les gens se rassemblaient pour souhaiter bonne chance au jeune togati, Ovide (Fasti 3.787-788) mentionne les foules autour du jeune garçon; ces foules auraient également profité de la coutume des sportulae, des dons d'argent ou de nourriture distribués par la famille.
Au IIe siècle, la cérémonie était devenue partie intégrante de la vie quotidienne romaine, et de telles cérémonies avaient lieu dans toute l'Italie, et la pratique s'était également répandue dans les provinces. Les jeunes garçons des familles d'élite qui possédaient la citoyenneté romaine dans les cités grecques auraient revêtu la toge d'adulte lors d'une cérémonie publique similaire.
Inquiétudes pour les jeunes
Dans l'Antiquité, la jeunesse était considérée comme un âge critique de tensions et de conflits. Claude Ptolémée (c. 100 à c. 170 de notre ère) va jusqu'à décrire cette période comme une sorte de frénésie, qui s'empare du jeune homme et peut entraîner un aveuglement du jugement dans de nombreux domaines de sa vie (4.10. 203-7). Pseudo-Plutarque conseille donc d'encadrer les impulsions des jeunes hommes. Cicéron évoque un moyen de freiner l'exubérance juvénile, à savoir limiter la mobilité des nouveaux togati par un mode vestimentaire unique qui, selon lui, était utilisé au 1er siècle avant notre ère. Il raconte que lorsqu'il était jeune, les garçons en formation passaient généralement un an à garder un bras partiellement dans leur toge. La toge était portée de manière à ce que le bras gauche soit en grande partie immoblisé et que le droit ne soit libéré que pour permettre des gestes modérés (Cael. 5.11). Sénèque l'Ancien (54 av. J.-C. à 39 av. J.-C.), se référant à l'ancien temps, dit qu'il aurait été scandaleux pour un jeune homme, qui commençait sa carrière et dont on attendait qu'il fasse preuve de modestie, d'avoir le bras hors de sa toge (Controv.5.6).
Il ne fait aucun doute que les libertés nouvellement acquises à l'occasion de ce rite de passage pouvaient être énormes et que certains jeunes hommes en abusaient parfois. En revêtant la toga virilis, le jeune homme pouvait désormais se marier, avec l'accord de ses parents; il avait acquis la pleine citoyenneté, la liberté sociale et la liberté sexuelle. Pour certains jeunes garçons, comme nous l'apprend l'expérience personnelle du satiriste Perse (34-62 de notre ère), qui avait 16 ans lorsqu'il revêtit la toge d'adulte, la perte de la protection de la bulla et de la toge praetexta provoquait un sentiment de vulnérabilité. Ce sentiment de vulnérabilité s'accentua lorsqu'il apprit qu'il pouvait faire des choses qui étaient auparavant interdites, comme se promener librement dans la Subura, le quartier chaud de Rome (Sat, 5. 30-6).
Cicéron parlait de la période de l'adolescence comme d'un " ...grand nombre de chemins glissants sur lesquels cet âge peut à peine se tenir debout ou marcher sans tomber ou glisser "(Pro. Cael. 17. 41). Il parle de ses propres inquiétudes pour son neveu dont il a la charge et pour son fils Marcus. Marcus, qui avait déjà passé un certain temps dans la sphère militaire, avait rejoint d'autres étudiants romains à Athènes pour poursuivre ses études. Nous apprenons qu'à Athènes, il a assurément pris goût à son indépendance et mis à dure épreuve la patience de son père en faisant la fête et en négligeant ses études (Ad Fam.16.21.2.).
La formation des nouveaux Togati
Le rite de passage n'impliquait pas automatiquement que le jeune devienne un adulte et un citoyen responsable. A l'origine, dans la République romaine, le jeune homme était astreint au service militaire à 17 ans, marquant la fin de l'enfance et le début de l'âge adulte. À partir du 1er siècle avant notre ère, la plupart des citoyens ne servaient pas dans l'armée romaine et l'âge du rite de passage fut abaissé. Le tirocinium militae et le tirocinium fori marquaient une période pendant laquelle les jeunes se préparaient à la vie. Le tirocinium militae comprenait un entraînement au maniement des armes et des exercices martiaux sous la supervision d'un homme politique plus âgé, tandis que le tirocinium fori offrait une formation à la vie politique et judiciaire. On considérait qu'il était vital pour le jeune togati de recevoir les conseils d'un homme plus âgé qui l'aiderait à former son caractère et lui donnerait des conseils et une orientation. Le jeune était donc placé sous la supervision d'une telle personne qui pouvait être un orateur, un politicien ou un avocat de renom.
La période de tirocinium durait généralement un an. Cicéron raconte qu'il avait lui-même revêtu la toge et avait été présenté par son père à Scaevola; le jeune Cicéron resta aux côtés de Scaevola et tira grand profit de l'étude de ses compétences juridiques (Amic.1). Plus tard dans sa vie, Cicéron écrivit également pour défendre un jeune homme qui était autrefois sous sa responsabilité, Caelius Rufus. La formation de Caelius avait été confiée à Cicéron et à l'homme d'État Marcus Licinius Crassus (c. 115-53 av. J.-C.). Tous deux le conseillèrent et le chaperonnèrent, et Caelius ne voyait personne sans la présence de son père ou de ses mentors, Cicéron ou Crassus. Cependant, lorsque Caelius eut 19 ans et que cette surveillance et cette tutelle prirent fin, Caelius se laissa aller à des plaisirs et à des passions inconsidérés, qui le conduisirent sur la mauvaise voie.
Les jeunes hommes attendaient généralement l'âge de 25 ans avant d'être considérés comme des adultes à part entière; cette période était parfois appelée iuventas et adulescentia. Deux lois, la Lex Plaetoria (c. 200 av. J.-C.) et la Lex Villia Annalis (180 av. J.-C.) empêchaient les jeunes hommes de prendre une part active aux affaires ou d'occuper un poste dans le gouvernement romain avant l'âge de 25 ans au moins. L'élection à un poste était considérée comme la dernière étape du passage d'un jeune homme à l'âge adulte. À l'époque augustéenne, un jeune homme de 25 ans pouvait devenir préteur.