Comment les Indiens Hopi ont atteint leur monde (How the Hopi Indians Reached Their World) est l'histoire de la création de la nation amérindienne Hopi (la tribu Hopi d'Arizona) située aujourd'hui dans la réserve de la nation Navajo. La légende raconte en détail l'ascension des Hopis depuis les profondeurs de la terre jusqu'à sa surface et comment ils ont appris à vivre dans leur nouveau monde.
Le mythe Hopi décrit une odyssée à travers les mondes souterrains jusqu'à la surface de la Terre (la Grande Mère), et la façon dont le monde a ensuite été façonné. Comme beaucoup d'autres récits de création amérindiens, l'histoire souligne l'importance de la terre, qui fait partie intégrante de l'identité et de la culture de la nation Hopi.
Symboles et signification du mythe
Les Hopis (que l'on traduit par "civilisés", "bien élevés" ou "pacifiques") vivaient dans la région de l'Arizona actuel depuis au moins 1100 et, avant l'arrivée des Espagnols en 1540, ils observaient leurs pratiques culturelles traditionnelles, notamment la narration de contes. Comment les Indiens Hopi ont atteint leur monde explique non seulement la création, mais aussi des aspects de la vie quotidienne, comme la raison de l'apparence du coyote ou celle des montagnes et des cours d'eau, et clarifie également la compréhension qu'ont les Hopis de la mort et de l'au-delà.
La discussion sur la mort dans l'histoire est une allusion à leur dieu Maasaw (Masauwu), "l'ancien gardien", reconnu comme un agent de transformation qui, une fois que l'esprit de la vie a quitté le corps, le ramène à son lieu d'origine. Maasaw est considéré comme un ami et un guide, et la mort est donc considérée comme une transition d'un état à un autre, et non comme quelque chose à craindre. Les deux frères représentent le concept d'équilibre, une caractéristique commune à la littérature amérindienne en général, et symbolisent l'importance de maintenir l'harmonie et de travailler ensemble vers un but commun. La phrase "Essayons et voyons ce qu'il en est" illustre l'attitude progressiste des Hopis, un peuple innovateur, et l'histoire explique également l'origine de cette attitude.
Après l'arrivée des Espagnols et la colonisation européenne des Amériques, le mode de vie des Hopis fut affecté à tous les niveaux. Ils ont toutefois préservé leur héritage culturel, et l'un des aspects les plus importants de cet effort consistait à raconter les vieilles histoires de leur peuple, notamment comment ils étaient sortis de terre pour arriver sur les terres qu'ils appelaient alors leur foyer.
Texte
Le texte suivant est extrait de Voices of the Winds : Native American Legends par Margot Edmonds & Ella Clark, Chartwell Books, 2021:
Lorsque le monde était nouveau, le peuple ancien et les créatures anciennes ne vivaient pas au sommet de la terre. Ils vivaient sous la terre. Tout était ténèbres, tout était noirceur, au-dessus de la terre comme en dessous.
Il y avait quatre mondes: celui-ci au sommet de la terre et, en dessous, trois mondes troglodytes, l'un au-dessous de l'autre. Aucun des mondes des cavernes n'était assez grand pour accueillir tous les hommes et toutes les créatures.
Leur nombre augmenta si vite dans le monde des cavernes le plus bas qu'ils l'encombrèrent. Ils étaient pauvres et ne savaient pas où se tourner dans l'obscurité. Lorsqu'ils se déplaçaient, ils se bousculaient les uns les autres. La grotte était remplie de la saleté des gens qui y vivaient. Personne ne pouvait se tourner pour cracher sans cracher sur l'autre. Personne ne pouvait jeter de la morve de son nez sans qu'elle ne tombe sur quelqu'un d'autre. Les gens remplissaient l'endroit de leurs plaintes et de leurs expressions de dégoût.
Certains dirent: "Il n'est pas bon que nous vivions ainsi."
Un homme demanda : "Comment peut-on faire mieux?"
"Essayons et voyons ce qu'il en est", répondit un autre.
Deux Frères, l'un plus âgé et l'autre plus jeune, s'adressèrent aux prêtres-chefs du peuple dans le monde des cavernes: "Oui, Essayons et voyons ce qu'il en est. Alors tout ira bien. Par notre volonté, tout ira bien."
Les Deux Frères percèrent les toits des grottes et descendirent dans le monde le plus bas, là où les gens vivaient. Les Deux Frères semèrent une plante après l'autre, espérant que l'une d'entre elles pousserait jusqu'à l'ouverture par laquelle ils étaient eux-mêmes descendus et qu'elle aurait la force de supporter le poids des hommes et des créatures. Ceux-ci, espéraient les Deux Frères, pourraient grimper le long de la plante jusqu'au deuxième monde des cavernes. L'une de ces plantes était une canne.
Enfin, après de nombreux essais, la canne devint si grande qu'elle passa à travers l'ouverture du toit, et si forte que des hommes purent grimper à son sommet. Elle était faite de telle sorte qu'elle ressemblait à une échelle que l'on pouvait facilement gravir. Depuis lors, la canne pousse avec des jointures, comme nous le voyons aujourd'hui le long du fleuve Colorado.
Le long de cette canne, beaucoup de gens et d'êtres ont grimpé jusqu'au deuxième monde des cavernes. Après être montés dans la grotte, une partie d'entre eux craignait que celle-ci ne soit également trop petite. Il faisait si sombre qu'ils ne pouvaient pas voir à quel point elle était grande. Ils secouèrent donc l'échelle et firent reculer ceux qui montaient. Puis ils tirèrent l'échelle. On dit que ceux qui restèrent en bas sont sortis plus tard de la grotte la plus basse. Ce sont nos frères à l'ouest.
Après un long moment, la deuxième grotte se remplit d'hommes et d'êtres, comme l'avait fait la première. Comme au début, on entendit des plaintes et des querelles. De nouveau, la canne fut placée sous la bouche d'aération du toit, et de nouveau des hommes et des êtres pénétrèrent dans le monde de la grotte supérieure. De nouveau, ceux qui tardèrent à sortir furent secoués ou laissés en bas. Bien que plus grande, la troisième grotte était aussi sombre que la première et la deuxième. Les Deux Frères trouvèrent du feu. Des torches furent allumées et, à leur lumière, les hommes construisirent leurs huttes et leurs kivas ou se déplacèrent d'un endroit à l'autre.
Alors que les hommes et les êtres vivaient dans ce troisième monde des cavernes, des périodes de malheur les frappèrent. Les femmes devinrent si folles qu'elles négligèrent tout pour la danse. Elles oubliaient même leurs bébés. Les femmes se mêlangèrent aux femmes, de sorte que les maris ne distinguaient plus les leurs des autres. En ce temps-là, il n'y avait pas de jour, il n'y avait que la nuit, la nuit noire. Pendant toute cette nuit, les femmes dansaient dans les kivas (les "maisons des hommes"), ne s'arrêtant que pour dormir. Les pères devaient donc être les mères des petits. Lorsque ces derniers pleuraient de faim, les pères les portaient dans les kivas où les femmes dansaient. Entendant leurs cris, les mères venaient les allaiter, puis retournaient danser. Là encore, les pères s'occupaient des enfants.
Ces troubles ont incité les gens à aspirer à la lumière et à chercher une nouvelle fois à fuir les ténèbres. Ils montèrent dans le quatrième monde, qui était ce monde-ci. Mais il était lui aussi plongé dans l'obscurité, car la terre était fermée par le ciel, tout comme les mondes des cavernes avaient été fermés par leurs toits. Les hommes sortirent de leurs huttes et travaillèrent à la lumière des torches et des feux. Ils trouvèrent les traces d'un seul être, le seul maître du monde non peuplé, les traces du Démon Cadavre ou de la Mort. Le peuple essaya de suivre ces traces, qui menaient vers l'est. Mais le monde était humide et sombre, et les gens ne savaient pas quoi faire dans l'obscurité. Les eaux semblaient les entourer, et les traces semblaient s'enfoncer dans les eaux.
Le peuple était accompagné de cinq êtres qui étaient sortis avec lui du monde des cavernes: l'araignée, le vautour, l'hirondelle, le coyote et le criquet. Le peuple et ces êtres se consultèrent, essayant de trouver un moyen de faire de la lumière. De très nombreuses tentatives furent faites, mais sans succès. On demanda à l'araignée d'essayer en premier. Elle fila un manteau de pur coton blanc. Il donna un peu de lumière, mais pas assez. L'araignée devint donc notre grand-mère.
Ensuite, les gens se procurèrent et préparèrent une peau de cerf très blanche qui n'avait été percée à aucun endroit. Ils en firent un étui de bouclier qu'ils peignirent avec de la peinture turquoise. Ce bouclier répandit une lumière si brillante qu'il éclaira le monde entier. La lumière du manteau de coton paraissait bien pâle. Le peuple envoya donc la lumière du bouclier à l'est, où elle devint la lune.
Dans le monde des cavernes, le coyote avait volé une jarre très lourde, si lourde qu'il se lassa de la porter. Il décida de la laisser derrière lui, mais il était curieux de voir ce qu'elle contenait. Maintenant que la lumière avait remplacé les ténèbres, il ouvrit la jarre. De nombreux fragments brillants et des étincelles s'envolèrent vers le haut, lui brûlant le visage au passage. C'est pourquoi le coyote a encore aujourd'hui le visage noir. Les fragments brillants et les étincelles s'envolèrent vers le ciel et devinrent des étoiles.
Grâce à ces lumières, le peuple s'aperçut que le monde était effectivement très petit et entouré d'eau, ce qui le rendait humide. Les gens appelèrent le vautour à l'aide. Celui-ci déploya ses ailes et balaya les eaux, qui s'écoulèrent à l'est et à l'ouest jusqu'à ce que des montagnes apparaissent.
Les Deux Frères creusèrent des canaux à travers les montagnes. L'eau s'engouffra dans les canaux et creusa leur cours de plus en plus profondément. C'est ainsi que se sont formés les grands canyons et les grandes vallées du monde. Les eaux ont continué à couler et à s'écouler pendant des siècles. Le monde s'est asséché et continue de s'assécher.
Maintenant qu'il y avait de la lumière, les gens suivaient facilement les traces de la Mort vers l'est sur la nouvelle terre qui apparaissait. La Mort est donc notre plus grand père et notre plus grand maître. Nous avons suivi ses traces lorsque nous avons quitté le monde des cavernes, et c'est le seul être qui nous attendait sur le grand monde des eaux où se trouve maintenant ce monde.
Bien que toute l'eau se soit écoulée, les hommes ont trouvé la terre douce et humide. C'est pourquoi nous pouvons voir aujourd'hui les traces des hommes et de nombreuses créatures étranges entre l'endroit vers l'ouest et l'endroit où nous sommes venus du monde des cavernes.
Depuis l'époque des premiers hommes, la terre a été transformée en pierre, et toutes les traces ont été conservées telles qu'elles étaient à l'origine.
Après avoir suivi les traces du Démon Cadavre sur une courte distance, les gens l'ont rattrapé. Parmi eux se trouvaient deux petites filles. L'une était la jolie fille d'un grand prêtre. L'autre était l'enfant de quelqu'un d'autre. Elle n'était pas belle, et elle était jalouse de la petite beauté. Avec l'aide du démon cadavre, la fille jalouse provoqua la mort de l'autre enfant. Ce fut la première mort.
Quand les gens virent que la fille dormait et ne pouvait pas être réveillée, qu'elle avait froid et que son cœur avait cessé de battre, son père, le grand prêtre, se mit en colère.
"Qui a fait mourir ma fille?" s'écria-t-il à haute voix.
Mais les gens se regardèrent les uns les autres.
"Je vais faire une boule de farine sacrée, dit le prêtre. "Je la lancerai en l'air, et quand elle tombera, elle frappera quelqu'un à la tête. Celui qu'elle frappera, je le reconnaîtrai comme celui dont la magie et l'art maléfique ont provoqué ma tragédie."
Le prêtre fit une boule de farine sacrée et de pollen et la lança en l'air. Lorsqu'elle tomba, elle frappa la tête de la petite fille jalouse, la fille de quelqu'un d'autre. Le prêtre s'exclama alors: "C'est donc toi qui as provoqué cette chose! Tu as causé la mort de ma fille".
Il convoqua un conseil du peuple, et on fit le procès de la jeune fille. Ils l'auraient tuée si elle n'avait pas demandé de la pitié et un peu de temps. Puis elle supplia le prêtre et son peuple de retourner au trou d'où ils étaient tous sortis et d'y jeter un coup d'œil.
"Si vous voulez toujours me détruire après avoir regardé dans le trou, dit-elle, je mourrai volontiers".
Les gens furent donc persuadés de retourner au trou qui menait au monde des cavernes. Lorsqu'ils regardèrent en bas, ils virent des plaines de fleurs magnifiques dans un pays où l'été était éternel et fructueux. Et ils virent la jolie petite fille, la fille du prêtre, qui se promenait parmi les fleurs. Elle était si heureuse qu'elle ne faisait pas attention aux gens. Elle semblait n'avoir aucun désir de retourner dans ce monde.
"Regarde! dit la fille qui avait causé sa mort. "Il en sera ainsi pour tous les enfants des hommes."
"Quand nous mourrons, se dirent les gens, nous retournerons dans le monde d'où nous venons. Nous y serons heureux. Pourquoi aurions-nous peur de mourir? Pourquoi devrions-nous en vouloir à la mort?"
Ils ne tuèrent donc pas la petite fille. Ses enfants devinrent les puissants sorciers et sorcières du monde, dont le nombre augmenta au fur et à mesure que la population s'accroissait. Ses enfants vivent encore et possèdent toujours des pouvoirs merveilleux et redoutables.
Ensuite, les gens partirent encore plus loin vers l'est. En chemin, ils découvrirent le criquet au milieu d'eux.
Ils lui demandèrent: "D'où viens-tu?"
"Je suis sorti avec vous et les autres êtres", répondit-il.
"Pourquoi es-tu venu avec nous dans notre voyage?" demandèrent-ils.
"Pour que je sois utile", répondit le criquet.
Mais les gens, pensant qu'il ne pouvait guère leur être utile, lui dirent: "Tu dois retourner à l'endroit d'où tu viens".
Mais le criquet ne voulut pas leur obéir. Alors les gens se mirent tellement en colère contre lui qu'ils le transpercèrent de flèches, jusqu'au cœur. Tout le sang sortit de son corps et il mourut. Au bout d'un certain temps, il revint à la vie et se mit à courir de tous côtés, comme avant, sauf qu'il était noir.
Les gens se dirent l'un à l'autre: "Le criquet revit, bien que nous l'ayons transpercé de part en part. Maintenant, il sera utile et il voyagera avec nous. Qui d'autre que le criquet a ce merveilleux pouvoir de renouveler sa vie? Il doit posséder le remède pour renouveler la vie des autres. Il deviendra le remède des blessures mortelles et de la guerre".
Ainsi, aujourd'hui, le criquet est d'abord blanc, comme l'était le premier criquet apparu avec les anciens. Comme lui, le criquet meurt, et après une longue période de mort, il revient à la vie, noir. Il est aussi notre père. Grâce à sa médecine, nous sommes les plus grands des hommes. Le criquet médicinal guérit encore les blessures mortelles.
Après avoir parcouru une longue distance, les anciens ont eu très faim. Dans leur hâte de quitter le monde inférieur des cavernes, ils avaient oublié d'emporter des graines. Après s'être lamenté, l'Esprit de la rosée renvoya l'hirondelle pour qu'elle apporte des semences de blé et d'autres aliments. Lorsque l'hirondelle revint, l'Esprit de la rosée planta la graine dans le sol et lui adressa des prières. Grâce à la puissance de ces prières, le blé poussa et mûrit en un seul jour.
Ainsi, pendant longtemps, alors que le peuple poursuivait son voyage, il n'emportait que la quantité de semences nécessaire à la plantation d'une journée. Ils comptaient sur l'Esprit de rosée pour faire pousser pour eux, en un seul jour, une abondance de blé et d'autres aliments. Il donna cette semence au clan du blé, et pendant longtemps, ils purent cultiver suffisamment de blé pour leurs besoins en très peu de temps.
Mais les pouvoirs des sorciers et des magiciens ont fait que le temps nécessaire à la production de nourriture est devenu de plus en plus long. Aujourd'hui, il arrive que notre blé n'ait pas le temps de vieillir et de mûrir dans l'épi, et que nos autres aliments ne mûrissent pas. Sans les enfants de la petite fille que le peuple ancien a laissé vivre, nous n'aurions pas besoin de surveiller nos champs de blé tout au long de l'été, et nous n'aurions pas à transporter de lourds paquets de nourriture lors de nos voyages.
Au fur et à mesure que le peuple ancien avançait, les enfants de la petite fille essayaient leurs pouvoirs et causaient d'autres problèmes. Ces faiseurs d'espièglerie provoquèrent des gens qui étaient sortis du monde des cavernes avant l'arrivée de nos anciens. Ils firent la guerre à nos anciens. Les guerres ont obligé les gens à construire des maisons chaque fois qu'ils s'arrêtaient de voyager. Ils construisirent leurs maisons sur de hautes montagnes accessibles par un seul sentier, ou dans des grottes accessibles par un seul chemin, ou encore sur les flancs de profonds canyons. Ce n'est que dans ces endroits qu'ils pouvaient dormir en paix.
Seul un petit nombre de personnes furent capables de sortir de leurs cachettes secrètes et d'émerger dans le Quatrième Monde. Les légendes révèlent que c'est dans le Grand Canyon que ces personnes ont émergé. De là, ils ont commençé à chercher les maisons que les Deux Frères leur avaient destinées.
Ces quelques personnes étaient les Indiens Hopi qui vivent aujourd'hui sur les Trois Mesas au nord-est de l'Arizona.