Les noms de John Lloyd Stephens et de Frederick Catherwood sont à jamais liés aux Mayas et aux études mayas en tant que deux grands explorateurs qui ont documenté les ruines de Copan, au sud, à Chichen Itza, au nord. Les récits de Stephens dans ses Incidents of Travel in Central America, Chiapas and Yucatan (1841) et Incidents of Travel in Yucatan (1843), complétés par les illustrations de Catherwood, ont attiré l'attention du monde entier sur la civilisation maya. La publication par Catherwood de son livre de lithographies Views of Ancient Monuments in Central America, Chiapas and Yucatan (1844) a renforcé l'intérêt mondial et a permis à la civilisation maya de sortir de l'obscurité et d'entrer dans la conscience mondiale.
Comme indiqué ailleurs, Stephens et Catherwood ne furent pas les premiers explorateurs des anciens sites mayas (bien qu'ils soient régulièrement désignés comme tels). Ils furent cependant les premiers à visiter autant de sites et, plus important encore, à documenter ce qu'ils y trouvèrent avec précision et exactitude.
John Lloyd Stephens vit le jour le 28 novembre 1805 à Shrewsbury, dans le New Jersey. Il obtint un diplôme de droit à Columbia et exerça le métier d'avocat à New York jusqu'à ce qu'on lui diagnostique une infection de la gorge. Suivant les conseils de son médecin, Stephens quitta New York pour changer de climat et voyagea longuement à travers l'Europe, la Méditerranée, l'Asie mineure, la Palestine et l'Égypte. Ces voyages aboutiraient à la publication de ses deux premiers livres, Incidents of Travel in Egypt, Arabia Petraea and the Holy Land (1837) et Incidents of Travel in Greece, Turkey, Russia and Poland (1838), qui connaîtraient un immense succès et vaudraient à Stephens le surnom de "The American Traveler" (le voyageur américain).
Frederick Catherwood quant à lui était né le 27 février 1799 dans le nord de Londres et, à l'âge de vingt ans, il était déjà bien connu en tant qu'architecte, artiste et voyageur. Il avait déjà publié ses dessins de structures en Égypte, en Palestine, en Asie mineure et en Grèce et, en 1833, il fut le premier occidental à étudier et à dessiner le Dôme du Rocher à Jérusalem. Les deux hommes se rencontrèrent à Londres en 1836, où était exposé le panorama de Catherwood intitulé "Les ruines de Jérusalem". Les deux hommes étaient intéressés par l'exploration de la région décrite de manière si vivante dans les récits publiés sur la Mésoamérique par des explorateurs antérieurs comme Antonio del Rio et Juan Galindo, ainsi que dans les dessins des sites mayas réalisés par Jean-Frédéric Maximilien, comte de Waldek (Drew, p. 54-56).
Stephens était suffisamment célèbre en tant que voyageur et écrivain pour que le président Van Buren le nomme ambassadeur des États-Unis en Amérique centrale. Catherwood et lui quittèrent New York pour le Honduras britannique (l'actuel Belize) le 3 octobre 1839 (Drew, 37). Bien que conscient de ses devoirs diplomatiques, Stephens souhaitait avant tout explorer l'ancienne ruine de Copan et se rendre ensuite à Palenque. À cette époque, bon nombre des sites mayas aujourd'hui célèbres étaient inconnus, même des populations autochtones. Les siècles avaient lentement recouvert les grands temples et les pyramides et les avaient transformés en monticules de collines verdoyantes. Seules quelques villes mayas étaient connues à cette époque, parmi lesquelles Copan, Palenque, Topoxte/Tayasal (appelée "Islapag" par Galindo) et la mystérieuse ville sans nom située au fin fond de la jungle (qui serait connue sous le nom de Tikal). Il n'existait pas de cartes précises de la région et les deux hommes découvrirent souvent les sites de bouche à oreille, au cours de conversations (par exemple, la découverte de Quirigua par Catherwood). Ils voyagèrent sans l'important entourage qui accompagnait généralement les explorations du XIXe siècle. Ils n'avaient qu'un guide, quelques hommes pour porter le matériel et une carte grossièrement dessinée dont on leur avait déjà dit qu'elle était inexacte. Cela ne les empêcha pas d'explorer les jungles de Mésoamérique à la recherche des sites anciens dont ils avaient entendu parler et au sujet desquels ils avaient lu des écrits. Dans son livre Incidents of Travel in Central America, Chiapas and Yucatan, Stephens décrit ses premières impressions sur Copan:
En nous écartant de notre base et en nous frayant un chemin à travers les bois épais, nous sommes tombés sur une colonne de pierre carrée, d'environ 14 pieds de haut et trois pieds de chaque côté, sculptée en relief très audacieux sur les quatre côtés, de la base au sommet. L'avant représentait la figure d'un homme curieusement et richement vêtu, et le visage, manifestement un portrait, était solennel, sévère et propre à inspirer la terreur. Le dos était d'une conception différente, ne ressemblant à rien de ce que nous avions vu auparavant, et les côtés étaient couverts de hiéroglyphes. Notre guide appelait cela une "idole" et devant elle, à une distance d'un mètre, il y avait un grand bloc de pierre, également sculpté de figures et d'emblèmes, qu'il appelait un autel.
La vue de ce monument inattendu mit fin immédiatement et pour toujours, dans notre esprit, à toute incertitude concernant le caractère des antiquités américaines, et nous donna l'assurance que les objets que nous recherchions étaient intéressants, non seulement en tant que vestiges d'un peuple inconnu, mais aussi en tant qu'œuvres d'art, prouvant, comme les documents historiques nouvellement découverts, que le peuple qui occupait autrefois le continent américain n'était pas un peuple de sauvages.
Stephens paya cinquante dollars pour la ville de Copan et, comme il le dit, le propriétaire le prit pour un imbécile pour avoir acheté un terrain aussi inutile. Il espérait transporter la ville au complet dans un musée à New York, mais ne trouva pas les moyens de le faire. Après un court séjour dans la région, il acquit la conviction que les théories concernant l'origine hébraïque, égyptienne ou atlante des ruines et des glyphes mayas étaient erronées et que les structures et la langue étaient toutes deux autochtones. Après avoir cartographié et enregistré le site de Copan, ils poursuivirent leur route à travers la jungle, cartographiant et enregistrant des sites tels que Quirigua et Zaculeu, situés à proximité, sur le chemin de Palenque.
Stephens et Catherwood explorèrent chaque site ensemble, puis s'attelèrent à leurs tâches respectives, à savoir écrire et dessiner la région. Catherwood utilisait un appareil appelé camera lucida qui projetait l'image de l'objectif sur le papier afin que l'artiste puisse la dessiner avec plus de précision. C'est grâce à l'utilisation de cet appareil que les représentations de Catherwood des sites mayas sont si précises, jusqu'aux parchemins complexes et aux inscriptions sur les bâtiments (Danien, Sharer, 15). Bien que certains aient critiqué son travail comme étant "trop romantique", ses lithographies ont été utilisées par les Mayanistes de nos jours pour aider à restaurer les bâtiments et les temples décrits dans son travail. Catherwood semble parfois se permettre de placer des éléments, des objets ou des personnages dans une composition à des fins artistiques, mais les représentations des bâtiments eux-mêmes sont considérées comme tout à fait exactes. À Palenque, Catherwood contracta la malaria mais continua à travailler malgré sa maladie. Stephens le décrit comme refusant de se reposer et continuant à dessiner en portant des gants et des moustiquaires pour éloigner les moustiques. Le récit de Stephens est très descriptif et décrit les problèmes rencontrés avec les tiques, les moustiques, les mouches piquantes, les chauves-souris et les souris, sans parler de la nécessité de se frayer un chemin dans une jungle épaisse et de dégager suffisamment les sites pour voir ce qui se cachait sous la broussaille.
À New York, Stephens avait rencontré un certain Simon Peon, propriétaire d'un vaste terrain dans le nord du Yucatan, appelé Hacienda Uxmal, qui lui avait fourni une carte approximative pour trouver les ruines censées s'y trouver. En quittant Palenque et en s'arrêtant sur tous les sites qu'ils rencontraient ou dont ils entendaient parler, ils se rendirent à Uxmal. Parmi les sites qu'ils découvrirent ou documentèrent au cours de ce voyage, citons Copan, Kabah, Mérida, Palenque, Quirigua, Q'umarkaj (Utatlan), Sayil, Tonina, Topoxte et Uxmal. Bien qu'ils n'aient pas visité Tikal, Stephens mentionne les tours blanches de la ville et note leur emplacement approximatif. Ils restèrent à Uxmal, documentant largement ce site, jusqu'au 31 juillet 1840. À cette date, Stephens avait également contracté la malaria et ils quittèrent le Yucatan pour les États-Unis. Le livre publié à l'issue de ces voyages fascina le monde entier et donna lieu à un autre voyage au Yucatan (cette fois en compagnie du Dr Samuel Cabot) en 1841-1842, qui aboutit à la publication de Incidents of Travel in the Yucatan et, plus tard, du livre de lithographies de Catherwood, Views of Ancient Monuments in Central America, Chiapas and Yucatan (Vues de monuments anciens en Amérique centrale, au Chiapas et au Yucatan). Lors de ce deuxième voyage, ils documentèrent des sites tels que Ake, Chichen Itza, Dzibilnocac, Itzamal, Labna, Mayapan, Tulum, et visitèrent de nouveau Uxmal. Ils cartographièrent, étudièrent, dessinèrent et écrivirent sur 44 sites mayas distincts, tous devenus des trésors nationaux et, pour certains, des attractions mondialement connues.
Après ce deuxième voyage, les deux hommes décidèrent de se retirer des voyages. John Lloyd Stephens consacra son énergie à la gestion de l'Ocean Steam Navigation Company et, par la suite, de la Panama Railroad Company. Il se rendit personnellement au Panama pour superviser la pose de la voie ferrée et le défrichage du terrain. C'est à Panama ou à Bogota qu'il aurait été victime d'un accident qui, ajouté au poids de ses voyages, serait à l'origine de son décès le 13 octobre 1852 à son domicile de New York, à l'âge de 46 ans. Frederick Catherwood se rendit dans l'Ouest après leurs aventures et ouvrit un magasin de fournitures à San Francisco, en Californie, pour profiter de l'afflux de mineurs après la ruée vers l'or de 1849. Sa réputation d'artiste ne faiblit cependant pas et ses œuvres furent exposées dans les salons et les galeries de Manhattan. De retour d'un voyage à Londres à bord du S.S. Arctic en 1854, Catherwood faisait partie des 350 passagers qui perdirent la vie lorsque le navire entra dans un épais banc de brouillard et fut éperonné par le bateau à vapeur Vesta le 27 septembre. Il avait 55 ans.
Le travail qu'ils avaient effectué jeta les bases de toute étude future de la civilisation maya. Ils avaient méticuleusement documenté les sites qu'ils avaient visités, tracé avec soin les itinéraires qu'ils avaient empruntés et enregistré le temps de voyage entre un site et l'autre. En lisant le récit de Stephen et en suivant les cartes dessinées par Catherwood, d'autres explorateurs purent étoffer leur travail pour mettre en lumière la civilisation maya. En 1857, Désiré de Charnay arriva dans la région et se servit de leur travail pour orienter sa propre exploration vers d'autres sites mayas. Teobert Mahler se servit également de leurs livres pour son voyage photographique sur les sites en 1876. En 1891, Sir Alfred Percival Maudslay arriva dans la région et changea radicalement la portée et la profondeur de toutes les fouilles ultérieures. Maudslay est considéré comme le premier explorateur à employer une méthode scientifique stricte pour fouiller et examiner les sites des anciens Mayas. Il contribua à la préservation et à la protection de nombreux sites remarquables et établit la norme pour les expéditions et les fouilles futures. À la suite de Maudslay, de nombreux explorateurs de renom réalisèrent d'autres avancées majeures en matière de défrichage, de documentation et de photographie des sites mayas. William Holmes commença à travailler à Palenque en 1895, la même année où Teobert Maler documenta Tikal, et fut suivi par Alfred Tozzer. En 1914, Sylvanus Griswold Morley se rendit pour la première fois dans la région. Il est surtout connu pour avoir dirigé l'équipe qui fouilla Chichen Itza en 1923. En 1925, Franz Bloom documenta si bien Palenque que son travail, comme celui de Morley, reste aujourd'hui une référence importante pour les mayanistes sur le terrain. Moins de cent ans après le début du premier voyage de Stephens et Catherwood, la civilisation maya était enfin reconnue comme l'une des plus grandes du monde antique.