Christiane Desroches Noblecourt, éternelle comme les pierres qu'elle réussit à sauvegarder

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Irene Fanizza
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 31 juillet 2012
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Son nom résonne dans les couloirs, dans les salles de classe et dans les livres. Christiane Desroches Noblecourt était une grande égyptologue française et, de l'avis de l'auteur, une femme suffisamment forte et déterminée pour avoir été la première femme à diriger des fouilles en 1938 et, par la suite, en 1960, peut-être l'entreprise archéologique la plus épique de tous les temps.

Jouant le rôle d'arbitre pendant la guerre froide, Christiane sut rassembler 50 pays autour d'un même objectif, trouver les financements et réunir la meilleure équipe pour mener à bien l'incroyable et monumental sauvetage d'Abou Simbel, opération qui allait coûter plus de 40 millions de dollars à l'époque.

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Au sud de l'Égypte, à la frontière avec le Soudan, la région d'Abou Simbel contient des dizaines de sites archéologiques. En 1960, avec la construction du barrage d'Assouan et de son alimentation artificielle en eau, ces sites risquaient d'être noyés et perdus à jamais.

Le barrage, construit pour contrôler les crues du Nil, est une extension du bassin précédent qui n'était pas assez grand pour les besoins du pays. Le nouveau grand barrage créerait un réservoir (le lac Nasser) suffisamment grand pour fournir de l'électricité à la moitié du pays. Ce nouveau lac a toutefois alarmé les archéologues, qui ont immédiatement compris le danger que ce réservoir si nécessaire ferait courir aux sites archéologiques, dont l'avenir serait au mieux celui d'une oblitération complète.

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Christiane fut chargée par l'UNESCO de recenser tous les sites menacés par les inondations.

Christiane fut chargée par l'UNESCO de recenser tous les sites menacés d'inondation, mais elle ne s'arrêta pas là, le nombre de sites menacés était trop élevé, l'importance de certains d'entre eux la conduisit à se lancer dans une croisade, une course contre la montre et tous les autres obstacles pour sauver ces sites.

Elle trouva des bailleurs de fonds et des architectes, elle facilita les rencontres avec les archéologues, mais surtout elle promut "l'idée" de sauver les sites archéologiques en danger. Le bassin était prêt et le projet de barrage bien avancé. Dans le journalisme, on parle souvent de "grand projet", de "traduction", de "sauvetage", de "translocation" ou de "relocalisation", mais à mon avis, aucun de ces mots ne décrit correctement l'ampleur du travail nécessaire pour sauver les temples, hauts de plusieurs dizaines de mètres, taillés dans la roche, fragiles et précieux comme le cristal le plus fin. Mais entre 1964 et 1968, les temples furent entièrement découpés en gros blocs (pesant de 20 à 30 tonnes), démontés, remontés et replacés 65 mètres plus haut et 300 mètres en retrait de la rive, grâce au travail de plus de deux mille ouvriers, dirigés par un groupe de carriers italiens, experts en marbre de Carrare, dans le cadre d'un effort technologique sans précédent. Ils relevèrent l'un des plus grands défis de l'histoire de l'ingénierie archéologique.

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Abu Simbel - Work in Progess
Abou Simbel pendant les travaux
Per-Olow Andersen (CC BY-SA)

Ne croyez pas que la décision de disséquer les statues ait été facile à prendre. C'était une décision tourmentée, profondément discutée et débattue, et il y eut probablement des pleurs de la part de certains archéologues. On pourrait dire aujourd'hui qu'ils auraient pu agir différemment, mais pour moi cela ne fait aucune différence, ce qui comptait c'était accomplir la mission.

Du point de vue de l'ingénierie, le mode de transport était résolu, la nouvelle installation était définie avec les dômes de ciment qui donneraient forme aux collines sur lesquelles les temples devaient s'appuyer, mais le point à considérer maintenant est celui des archéologues qui, en plus de vérifier que rien n'avait été ruiné par un travail un peu maladroit, s'engagèrent à rétablir l'équilibre entre l'emplacement d'origine des temples et la nouvelle installation.

A cet égard, les archéologues prirent la décision d'être cohérents avec ce qu'ils devaient faire, et choisirent de ne pas considérer le transport comme un simple sauvetage fortuit pour sauver uniquement la richesse matérielle des sites archéologiques en danger, mais ils prirent également l'engagement de "porter" le culte du temple, de le déplacer tout en honorant la raison fondamentale pour laquelle le temple se trouvait à cet endroit précis.

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Je veux parler du phénomène céleste qui prévoit les dates et les heures exactes où les rayons du soleil pénètrent dans le temple pour illuminer la grande salle et les effigies de pierre du pharaon, dorées par les rayons divins du Soleil vivant.

Construit sous le règne de Ramsès II (1265 av. J.-C.), le grand temple est le plus grand de la région et le plus grand à avoir été déplacé. Il est dédié aux dieux Amon, -Horakhty, Ptah et Ramsès en personne. Sa construction nécessita vingt ans de travail acharné, et pas seulement sur le plan architectural.

Les architectes de l'Égypte ancienne orientèrent le temple de manière à ce que, les 21 octobre et 21 février (61 jours avant et 61 jours après le solstice d'hiver), les rayons du soleil pénètrent dans le sanctuaire pour éclairer les sculptures du mur, à l'exception de la statue de Ptah, le dieu associé au monde souterrain, qui reste dans l'ombre.

D'après les études réalisées, mais qui restent très théoriques, les dates devraient correspondre à l'anniversaire du roi et au jour de son couronnement, mais il n'y a aucune preuve à l'appui, si ce n'est que si le soleil était autorisé à entrer à ces deux dates particulières, c'était dans un but important.

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La lumière pénètre et illumine les statues, les rayons étant dirigés principalement sur la statue de Ramsès. La puissance du soleil le recharge et le revitalise, à côté de lui Amon Râ et Râ-Horakhty sont également partiellement illuminés et Ptah, le dieu de l'obscurité, est parfaitement dans l'ombre à côté d'eux.

Les efforts déployés pour déplacer le temple afin de pouvoir reproduire pleinement l'événement entraînèrent toutefois une marge d'erreur d'un jour (en avant) par rapport aux dates d'origine, ce qui créa une controverse et un post-scriptum regrettable à cette saga par ailleurs parfaitement réussie. Toutefois, compte tenu de l'engagement dont firent preuve les personnes qui contribuèrent au sauvetage, il ne devrait pas y avoir de controverse, mais seulement du soulagement et de la gratitude, car le destin a voulu que les temples, bien qu'ils ne aient pas encore été inscrits au patrimoine mondial, le deviennent plus tard à l'achèvement des travaux dans leur nouvel emplacement.

Ramesses II, Abu Simbel
Ramsès II, Abou Simbel
Steve F-E-Cameron (CC BY)

On pourrait presque espérer que, quelque part, Ramsès II et son épouse, la reine Néfertari, hochent la tête en signe d'approbation, lui pour la sauvegarde du temple, elle pour la force et l'initiative d'un membre de son sexe.

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Certains, nés il y a quelques siècles, auraient aimé vivre à l'époque des grands empereurs romains ou au XVIIe siècle. J'aurais aimé naître à l'époque de Christiane Desroches Noblecourt, égyptologue et archéologue décédée le 23 juin 2011 et dont les archéologues, les érudits et les grands centres d'études archéologiques se souviennent aujourd'hui comme d'un défenseur de l'un des plus grands et des plus impressionnants travaux archéologiques jamais entrepris, la première femme de l'histoire à diriger des fouilles, Christiane, conservateur du Louvre, qui, avec le ministre du patrimoine culturel égyptien, a partagé avec le monde ce qu'ils ont pu sauver, laissant aux musées du monde les images d'Abou Simbel et de ses temples, racontant l'histoire de ce qu'ils ont fait par devoir et pas seulement dans le cadre du travail.

Elle a conduit le peuple français à lancer un appel au monde réticent et indifférent, un appel à l'aide, lancé conjointement avec le ministre français des affaires culturelles en exercice à l'époque, André Malraux : " La puissance qui a créé les monuments colossaux menacés aujourd'hui nous parle d'une voix aussi exaltée que celle des architectes de Chartres, que celle de Rembrandt. Votre appel est historique, non pas parce qu'il propose de sauver les temples de Nubie, mais parce qu'à travers lui la première civilisation mondiale revendique publiquement l'art du monde comme son patrimoine indivisible. Il n'y a qu'une action sur laquelle l'indifférence des étoiles et le murmure éternel des fleuves n'ont pas de prise, c'est l'acte par lequel l'homme arrache quelque chose à la mort".

Elle qui, devant le général Charles de Gaulle,fut déconfite par le fait que celui-ci n'avait d'abord pas compris ce que Christiane avait mis en route et dit : "Mais enfin, Madame, comment avez-vous osé dire que la France sauverait le temple, sans avoir été habilitée par mon gouvernement ? "; ce à quoi elle aurait répondu: "Et comment, Général, avez-vous osé envoyer un appel à la radio, alors que vous n'aviez pas été habilité par Pétain ? ".

J'aurais aimé naître à l'époque de Christiane Desroches Noblecourt et répondre à son appel au secours.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

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Style APA

Fanizza, I. (2012, juillet 31). Christiane Desroches Noblecourt, éternelle comme les pierres qu'elle réussit à sauvegarder [Christiane Desroches Noblecourt - Strong as the Stones she was able to move]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-437/christiane-desroches-noblecourt-eternelle-comme-le/

Style Chicago

Fanizza, Irene. "Christiane Desroches Noblecourt, éternelle comme les pierres qu'elle réussit à sauvegarder." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le juillet 31, 2012. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-437/christiane-desroches-noblecourt-eternelle-comme-le/.

Style MLA

Fanizza, Irene. "Christiane Desroches Noblecourt, éternelle comme les pierres qu'elle réussit à sauvegarder." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 31 juil. 2012. Web. 20 nov. 2024.

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