Pirates de la Méditerranée Ancienne

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Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 23 août 2019
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Les pirates de l'ancienne Méditerranée n'étaient pas, pour la plupart, les étrangers sans allégeance et les ennemis de la civilisation fréquemment décrits dans les romans et autres médias. Ils étaient souvent employés (ou du moins encouragés) par un gouvernement contre les intérêts d'un autre et les riches citoyens et les agences gouvernementales comptaient sur eux pour obtenir des esclaves. Les gouvernements eux-mêmes n'hésitaient pas à recourir à la piraterie en temps de guerre, et certains des pirates les plus célèbres de l'Antiquité étaient des chefs militaires ou politiques. Même les célèbres pirates ciliciens pouvaient être achetés moyennant une somme d'argent appropriée, comme le montre leur implication avec Mithridate VI (r. de 120 à 63 av. J.-C.) lorsqu'il les employa contre Rome.

Moni Agios Georgios Valsamitis Ruins
Ruines d'Agios Georgios Valsamitis
Zde (CC BY-NC-SA)

De nos jours, les pirates sont souvent imaginés sous les traits de Jack Sparrow et des autres personnages de la célèbre franchise cinématographique Pirates des Caraïbes ou de la série télévisée Black Sails. Ces pirates s'inspirent des figures notables de ce que l'on appelle l'âge d'or de la piraterie (1650-1730) et de la guerre contre la piraterie (c. 1716-1726) et, dans le cas de Black Sails, de l'œuvre de l'écrivain écossais Robert Louis Stevenson (1850-1894) et n'ont pas grand-chose en commun avec les pirates de la Méditerranée antique. Les anciens pirates étaient souvent des équipages fournissant un service (notamment la capture, le transport et la vente d'esclaves) à des gouvernements ou à des contingents militaires agissant dans l'intérêt de leur propre gouvernement, bien qu'il y ait eu des pirates qui agirent de manière indépendante, uniquement dans leur propre intérêt et pour leur propre profit.

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La piraterie est mentionnée pour la première fois dans les documents égyptiens sous le règne du pharaon Akhenaton (1353-1336 av. J.-C.) et était encore pratiquée en Méditerranée au Moyen Âge (c. 476-1500 av. J.-C.). Les pirates de l'âge d'or des XVIIe et XVIIIe siècles n'avaient donc rien inventé. Ils s'inscrivaient dans une tradition déjà ancienne.

Les premiers pirates

Les pirates sont mentionnés dans les Lettres d'Amarna (14e siècle av. J.-C.), un recueil de correspondance entre divers souverains du Proche-Orient et des pharaons égyptiens du Nouvel Empire (c. 1570-c. 1069 av. J.-C.). Dans une lettre, le pharaon Akhenaton écrit au roi d'Alasiya (dans l'actuelle Chypre) pour l'accuser d'héberger, d'aider et de soutenir des pirates des terres de Lukka (dans l'actuelle Turquie). Le roi d'Alasiya nie toute implication avec les pirates qui attaquent les ports égyptiens et souligne qu'il est tout autant victime des attaques de pirates qu'Akhenaton:

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Pourquoi mon frère me parle-t-il en ces termes? Mon frère ne sait-il pas ce qui se passe? En ce qui me concerne, je ne sais rien de tout cela! En effet, chaque année, les Lukka s'emparent de villes dans mon propre pays. (Bryce, 368)

Les Lukka étaient un peuple d'Anatolie dont on sait qu'il était tantôt l'allié, tantôt l'ennemi des Hittites. Il se peut qu'ils aient été des Louvites, l'une des tribus originelles de la région, mais cela n'est pas sûr. Leur région d'origine était régulièrement appelée "les terres de Lukka", mais il semble qu'ils n'aient pas eu de frontières fixes, car ils concentraient leurs efforts sur la mer et sont les premiers peuples de la Méditerranée à avoir été définis comme pirates.

Peuples de la mer et Tyrrhéniens

Les pirates les plus célèbres sont les peuples de la mer, qui détruisirent des régions entières et renversèrent des empires entre 1276 et 1178 avant notre ère. Ils sont surtout connus par les inscriptions des pharaons égyptiens du Nouvel Empire qui les vainquirent: Ramsès II (Le Grand, r. de 1279 à 1213 av. J.-C.), son fils et successeur Mérenptah (r. de 1213 à 1203 av. J.-C.) et Ramsès III (r. de 1186 à 1155 av. J.-C.).

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Les Tyrrhéniens sont devenus synonymes de piraterie dès le 7e siècle avant J.-C.

Les Peuples de la mer étaient une coalition de différentes nations, et non un groupe ethnique ou une nationalité unique. Ils étaient composés des Akawasha, Denyen (Danuna), Lukka, Peleset, Dhardana, Shekelesh, Tjeker, Tursha (Teresh) et Weshesh. Seuls deux de ces peuples ont été identifiés de nos jours, les Lukka et les Peleset (Philistins). Les Denyen/Danuna ont été associés à la ville cilicienne d'Adana et les Tursha/Teresh aux Étrusques et aux Tyrrhéniens, mais aucune de ces affirmations n'a été universellement acceptée et personne ne sait qui étaient réellement les peuples de la mer ni d'où ils venaient.

Ramsès II, Mérenptah et Ramsès III rapportèrent tous le même type d'expérience face à eux. Ils arrivèrent de la mer et frappèrent rapidement, causant des destructions massives, puis furent vaincus au prix d'un certain effort. Les inscriptions égyptiennes exagèrent notoirement les difficultés rencontrées par le pharaon pour vaincre ses ennemis, mais les rapports sur les Peuples de la mer semblent correspondre à des récits similaires provenant d'autres nations.

Empires of the Mediterranean, 218 BCE.
Empires de la Méditerranée, 218 avant notre ère.
Goran tek-en (CC BY-SA)

Le dernier roi d'Ougarit, Ammourapi (r. de 1215 à 1180 av. J.-C.), écrivant au roi d'Alasiya, rapporte la même expérience que les pharaons égyptiens. La destruction de l'Anatolie et la chute de l'empire hittite sont également similaires aux récits égyptiens. Ramsès II note que les peuples de la mer étaient en train de conquérir le monde connu et que ce ne fut qu'au prix de grands efforts qu'il les empêcha de s'emparer de l'Égypte. Ils furent finalement vaincus par Ramsès III en 1178 avant notre ère et disparurent ensuite de l'histoire.

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Il est possible, bien sûr, qu'ils n'aient jamais vraiment disparu mais qu'ils aient été enregistrés plus tard sous d'autres noms. Les Teresh, comme indiqué, pourraient être les derniers Tyrrhéniens qui étaient si célèbres qu'un hymne du VIIe siècle avant notre ère attribué (à tort) à Homère raconte qu'ils étaient si culotttés qu'ils avaient même kidnappé le dieu Dionysos et allaient le vendre comme esclave avant que Dionysos ne prenne le contrôle de leur navire, ne le remplisse de vignes et de bêtes, et ne les transforme tous en dauphins lorsqu'ils sautèrent dans la mer pour lui échapper. Les Tyrrhéniens étaient peut-être des Teresh ou des Étrusques, mais leur nationalité importe peu, car leur nom est devenu synonyme de piraterie dès le 7e siècle avant notre ère.

Les Illyriens et la reine Teuta

Les Illyriens sont un autre peuple régulièrement associé à la piraterie. Le roi Agron (r. de 250 à 231 av. J.-C.) d'Illyrie (dans la péninsule balkanique) mena une politique expansionniste durant son règne, en se concentrant notamment sur une marine puissante capable de contrôler ses côtes. L'Illyrie était un royaume composé de nombreuses tribus différentes, mais celle d'Agron, les Ardiens, devint la plus puissante et, sous sa direction, elle domina les autres. Agron conquit les puissants Étoliens en 231 avant notre ère et était si fier de lui qu'on dit qu'il consomma trop de vin lors de la fête qui suivit et mourut quelques jours plus tard. Le trône revint à sa seconde épouse Teuta (r. de 231 à 227 avant J.-C.) qui servit de régente à son jeune fils Pinnes.

Statue of Queen Teuta
Statue de la reine Teuta
Bardhyl222 (CC BY-SA)

Teuta poursuivit la politique d'Agron, mais avec une différence importante: elle laissa la flotte en liberté dans la mer Adriatique en tant que pirates, libres de piller tous les navires non illyriens qu'ils rencontraient. Nombre de ces navires étaient romains et les ports de certaines îles, comme Pharos et Vis, étaient des escales régulières pour les marchands romains. Les pirates de Teuta étaient omniprésents dans l'Adriatique, rendant le commerce presque impossible car ils continuaient à attaquer les navires et à s'emparer des cargaisons. Rome finit par intervenir. Elle envoya deux émissaires pour demander à Teuta de contrôler ses pirates, mais cette demande offensa tellement la reine qu'elle fit tuer l'un d'entre eux et fit l'autre prisonnier.

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Rome envoya alors une flotte et une armée sous les ordres de Lucius Postumius Albinus (+ 216 av. J.-C.) qui s'assura l'aide de Démétrios de Pharos (r. de 222 à 214 av. J.-C.) qui avait été nommé gouverneur de Pharos par Agron. Il trahit Teuta et aida Rome à vaincre son armée lors de la première guerre d'Illyrie (229-228 av. J.-C.). De lourdes restrictions furent alors imposées au règne et à la marine de Teuta mais, au lieu de s'y plier, elle démissionna. Selon la légende, elle se serait ensuite suicidée, mais cela n'est pas certain. Les Romains élevèrent alors Démétrios au pouvoir, pensant qu'il serait un roi client loyal, mais dès que l'attention de Rome fut dirigée ailleurs, il reconstruisit la flotte et relâcha ses pirates sur les mers une fois de plus. Après sa défaite et sa mort, Gentius (r. de 181 à 168 av. J.-C.) poursuivit exactement la même politique, ce qui aboutit à la conquéte de l'Illyrie par Rome, mettant ainsi fin au règne des pirates illyriens.

Les pirates ciliciens

Les pirates illyriens avaient suivi le code établi précédemment par les pirates grecs, qui consistait à ne pas attaquer leur propre peuple ou région. Le pirate grec Denys le Phocéen (alias Dyonisos de Phocée, 5e siècle av. J.-C.) était connu pour s'emparer de tous les navires qu'il rencontrait, mais laissait les navires grecs tranquilles. Les pirates ciliciens n'observaient pas une telle politique pour la simple raison qu'ils n'étaient pas tous originaires de Cilicie (dans l'actuelle Turquie, l'ancienne Anatolie). Les pirates ciliciens étaient composés de nombreuses nationalités différentes et leur seul lien était qu'ils utilisaient la Cilicie comme base d'opérations. Les criques et les ports de Cilicie étaient parfaits pour se dissimuler, que ce soit pour préparer une attaque sur un navire de passage ou pour se cacher des autorités. La région était également riche en bois, ce qui en faisait une excellente ressource pour la construction et la réparation de navires.

Daorson Ruins, Ancient Illyria
Ruines de Daorson, ancienne Illyrie
Prof saxx (CC BY-SA)

Les pirates ciliciens utilisaient de nombreux types de navires, mais quatre d'entre eux sont mentionnés plus souvent que d'autres: les hemioliae et les myoparones (navires de transport légers et de faible tonnage), ainsi que la birème (ou dière) et la trirème (ou trière), des navires de guerre lourds capturés à Rome ou, plus rarement, construits par les pirates. Comme nous l'avons vu, l'Anatolie était déjà connue pour ses actes de piraterie depuis l'époque des Lukka, sous le règne d'Akhenaton. Les pirates ciliciens avaient établi un réseau dans toute la région - très probablement en place depuis les Lukka - pour s'approvisionner et vendre leurs marchandises par le biais d'intermédiaires.

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Ils commencèrent à gagner en puissance lorsque l'empire séleucide, qui contrôlait une partie de la Cilicie, commença à décliner après 190 avant notre ère, lorsqu'il fut vaincu par Rome. Rome permit aux rois clients des Séleucides de continuer à régner, mais chacun d'entre eux était plus préoccupé par son propre pouvoir que par la région dans son ensemble, et en 140 avant notre ère, les guerres civiles et autres troubles facilitèrent la piraterie, car personne n'y prêtait attention. En outre, l'empire séleucide n'aurait rien pu faire de toute façon puisque, comme tous les autres à l'époque, il comptait sur les pirates pour obtenir les esclaves dont il avait besoin.

La piraterie offrait la possibilité d'une mobilité ascendante et bien plus de profits que l'agriculture, la pêche ou le combat au service d'un tiers.

Rome envoya un émissaire pour examiner le problème en 140 avant notre ère, qui rapporta que des mesures immédiates devaient être prises contre les pirates, mais cette suggestion fut ignorée car Rome avait d'autres préoccupations qu'elle jugeait plus urgentes. En 103 avant notre ère, cependant, les pirates avaient dépassé leurs limites trop souvent en harcelant ou en capturant des navires romains et Marcus Antonius (143-87 av. J.-C., grand-père de Marc-Antoine) fut envoyé en campagne et conquit la région de la plaine de Cilicie (la future Cilicie Campestris). Entre 78 et 74 avant notre ère, le consul Publius Servilius Vatia (79 av. J.-C.) fit campagne dans la région et conquit la Cilicie montagneuse (la future Cilicie Aspera), mais rien de tout cela n'arrêta ni même ne ralentit les activités des pirates. En 75 avant notre ère, les pirates ciliciens enlevèrent le jeune Jules César (100-44 av. J.-C.) alors qu'il était en route pour étudier à Rhodes, et en 70 avant notre ère, les pirates furent payés par le rebelle Spartacus (c. 111-71 av. J.-C.) pour le transporter avec son armée en Sicile; ils prirent l'argent mais ne se présentèrent jamais au rendez-vous convenu, mettant ainsi un terme à la rébellion de Spartacus.

En 67 avant notre ère, Mithridate VI du Pont était allié à Tigrane le Grand d'Arménie (r. de 95-à 56 av. J.-C. environ) et utilisait les pirates ciliciens dans sa guerre contre Rome. Il dut faire face au redoutable général romain Pompée le Grand (c. 106-48 av. J.-C.), qui fit du problème des pirates une priorité. Il divisa la Méditerranée en 13 districts, attribua une flotte et un commandant à chacun d'eux et, lorsqu'un district était débarrassé des pirates, cette flotte se joignait aux efforts déployés dans un autre district. Grâce à ce processus, Pompée tua et captura des pirates sans relâche jusqu'à ce qu'il finisse par vaincre le dernier d'entre eux à la bataille de Korakesion en 67 avant notre ère, juste au large de la Cilicie. Au lieu d'exécuter les pirates (par décapitation ou crucifixion), il les réinstalla dans les basses terres de Cilicia Campestris, où ils s'assimilèrent au reste de la population et devinrent des membres productifs de la société.

La piraterie et Rome

Après avoir résolu le problème de la piraterie en seulement 89 jours, Pompée remporta la guerre contre Mithridate VI en 63 avant notre ère, mais cela ne signifie pas que les pirates aient été définitivement éliminés. La piraterie resta un moyen viable de gagner sa vie parce qu'elle offrait la possibilité d'une mobilité ascendante et beaucoup plus de profits que l'agriculture, la pêche ou le combat au service d'un tiers. Les pirates ciliciens qui n'avaient pas été déplacés - ou peut-être même certains qui l'avaient été - s'étaient probablement regroupés avant même que Pompée ne quitte la région.

Lors de la guerre civile entre Pompée et César (49-45 av. J.-C.), les deux camps eurent recours à la piraterie. Le propre fils de Pompée, Sextus Pompée (67-35 av. J.-C.), était un pirate et commandait sa propre flotte, cherchant à se venger de César après l'assassinat de son père en 48 av. Après l'assassinat de César en 44 avant notre ère, son neveu Octave (le futur Auguste, r. de 27 av. J.-C. à 14 ap. J.-C.) et Marc-Antoine (83-30 av. J.-C.) traquèrent les assassins puis, à la suite de la liaison d'Antoine avec Cléopâtre VII d'Égypte (c. 69-30 av. J.-C.), se battirent l'un contre l'autre. Octave battit Antoine et la marine de Cléopâtre à la bataille d'Actium en 31 avant notre ère et devint peu après le premier empereur romain.

Trireme Hull with Bronze Ram
Coque de trière avec bélier en bronze
Magnus Manske (CC BY-SA)

L'empire avait besoin d'encore plus d'esclaves que la République romaine n'en avait, et les pirates ciliciens se remirent donc au travail. Rome n'avait plus aucune raison d'interférer, car ils étaient quasiment des sous-traitants qui fournissaient des esclaves à Rome. Le port cilicien de Sidé devint le centre administratif du commerce des esclaves en Méditerranée et généra d'énormes richesses. Cependant, tous les pirates n'étaient pas amis avec Rome, comme en témoigne le soulèvement du pirate Anicetus (mort en 69 de notre ère). Anicetus mena une révolte contre Vespasien (r. de 69 à 79 de notre ère) en faveur de Vitellius (r. avril-décembre 69). Anicetus fut trahi par ses alliés et exécuté en 69 de notre ère, et Vespasien devint empereur.

Piraterie byzantine et arabe

Après la chute de l'Empire romain d'Occident en 476 de notre ère, l'Empire byzantin d'Orient garda le contrôle de la Méditerranée et du commerce des esclaves jusqu'à l'avènement de l'islam au début du VIIe siècle. L'islam interdisait l'asservissement des musulmans par les musulmans, mais les Arabes avaient recours au travail des esclaves tout autant que les Byzantins. Au début de la propagation de l'islam (c. 610-750), les non-musulmans qui n'étaient pas tués ou convertis étaient vendus comme esclaves. Lorsque l'islam se répandit en Afrique du Nord et en Méditerranée, les flottes arabes attaquaient les villes côtières, les mettaient à sac et les incendiaient, et repartaient avec une quantité de leurs citoyens pour les marchés d'esclaves. La ville de Sidé tomba aux mains des raiders musulmans au cours du VIIe siècle et, en 700, ils avaient entièrement pris la Cilicie aux Byzantins.

Hosoviotissa Monastery, Amorgos Greece
Monastère de la Panaghia Chozoviotissa, Amorgos, Grèce
Roland Godefroy / User: (WT-shared) Teddy at wts wikivoyage (CC BY)

Le commerce des esclaves était la principale cause de piraterie et les navires négriers musulmans rôdaient autour de la Méditerranée, comme les Ciliciens l'avaient fait auparavant. La Crète, sous contrôle musulman en tant qu'émirat de Crète depuis les années 820, était un refuge pour les pirates qui justifiaient leurs actions par le djihad islamique. Ce furent en partie les activités de ces pirates en Crète qui conduisirent à sa conquête par l'empereur byzantin Nicéphore II Phocas (r. de 963 à 969) en 961, avant qu'il ne récupère la Cilicie, elle aussi associée à la piraterie, en 965. La traite des esclaves diminua progressivement dans l'Empire byzantin après le VIIe siècle, car elle était considérée comme moralement répréhensible, mais les Byzantins conservaient toujours des esclaves, qui leur étaient fournis par les commerçants et les pirates arabes.

Les nations chrétiennes européennes s'engagèrent également activement dans la piraterie et la traite des esclaves, en dépit de la condamnation byzantine de ces deux activités. En 1192, l'empereur byzantin Isaac II Ange (1156-1204) se plaignit à l'État de Gênes que ses pirates avaient volé des marchandises importantes aux navires byzantins. Ange exigea que Gênes rembourse les marchands byzantins pour leurs pertes, faute de quoi il tiendrait pour responsables les citoyens génois vivant dans sa capitale, Constantinople, et les forcerait à payer. La menace d'Ange ne semble pas avoir eu d'effet sur Gênes ou ses pirates, qui continuèrent comme avant.

Conclusion

La piraterie se poursuivit en Méditerranée après la chute de l'Empire byzantin en 1453 et la montée en puissance de l'Empire ottoman. Dès 1198, la piraterie musulmane et la traite des esclaves étaient devenues un problème suffisamment grave pour que l'ordre monastique des Trinitaires ait été fondé afin de racheter les chrétiens européens réduits en esclavage en Extrême-Orient. Les pirates berbères d'Afrique du Nord étaient les principaux agents qui allaient étendre leur champ d'action sous la direction du corsaire Kemal Reis (c. 1451-1511), qui fit des pirates une menace importante (Barbaresques) . Reis se montra si efficace dans la capture de navires et d'équipages chrétiens européens pour en faire des esclaves qu'il fut nommé amiral de l'Empire ottoman.

Les pirates de Bérbérie enlevèrent et vendirent en esclavage plus d'un million de chrétiens européens entre le moment où ils furent créés par Kemal Reis et 1830 environ, date à laquelle la France prit possession de leur base d'opérations à Alger. Même cette date ne marqua pas la fin de la piraterie en Méditerranée, car elle se poursuivrait tout au long du XIXe siècle, à plus petite échelle, avec le type de pirates que l'on connaît dans les romans et les films d'aujourd'hui.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2019, août 23). Pirates de la Méditerranée Ancienne [Pirates of the Mediterranean]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-47/pirates-de-la-mediterranee-ancienne/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Pirates de la Méditerranée Ancienne." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le août 23, 2019. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-47/pirates-de-la-mediterranee-ancienne/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Pirates de la Méditerranée Ancienne." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 23 août 2019. Web. 22 oct. 2024.

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