Ce sport, connu simplement sous le nom de jeu de balle, était pratiqué par toutes les grandes civilisations mésoaméricaines et les impressionnants terrains en pierre sont devenus une caractéristique de nombreuses villes. Plus qu'un simple jeu, il pouvait avoir une signification religieuse et figurait dans des épisodes de la mythologie. Les concours fournissaient même des candidats pour les sacrifices humains et devenaient littéralement un jeu de vie ou de mort.
Origines
Le jeu fut inventé au cours de la période préclassique (2500-100 av. JC), probablement par les Olmèques, et devint un élément commun du paysage urbain mésoaméricain à la période classique (300-900 de notre ère). Finalement, le jeu fut même exporté vers d'autres cultures d'Amérique du Nord et des Caraïbes.
Dans la mythologie mésoaméricaine, le jeu était un élément important de l'histoire des dieux mayas Hun Hunahpú et Vucub Hunahpú. Les deux frères agaçaient les dieux des enfers par leurs jeux bruyants et furent amenés par la ruse à descendre à Xibalba (les enfers) où ils furent défiés à un jeu de balle. Ayant perdu la partie, Hun Hunahpú fut décapité, un avant-goût de ce qui allait devenir une pratique courante pour les joueurs ayant la malchance de perdre un match.
Une autre légende raconte qu'un célèbre jeu de balle eut lieu à Tenochtitlan, la capitale aztèque, entre le roi aztèque Moctezuma (r. 1502-1520) et le roi de Texcoco. Ce dernier avait prédit que le royaume de Moctezuma s'effondrerait et une partie fut organisée pour établir la vérité de cette audacieuse prédiction. Moctezuma perdit le match et, bien sûr, perdit son royaume aux mains des envahisseurs de l'Ancien Monde. L'histoire soutient également l'idée que le jeu de balle était parfois utilisé à des fins de divination.
Le terrain
Les terrains faisaient généralement partie de l'enceinte sacrée d'une ville, ce qui suggère que le jeu de balle était plus qu'un simple jeu. Les premiers terrains de jeu préclassiques étaient de simples rectangles de terre aplatie, mais à la fin de la période formative (à partir de 300 av. JC), ils évoluèrent vers des zones plus imposantes, constituées d'une surface rectangulaire plate placée entre deux murs de pierre parallèles. Chaque côté pouvait avoir un grand anneau de pierre vertical placé haut dans le mur. Les murs pouvaient être perpendiculaires ou inclinés vers l'arrière et les extrémités du terrain pouvaient être laissées libres mais définies à l'aide de repères ou, dans d'autres configurations, un mur fermait l'espace de jeu pour créer un terrain en forme de I. Le terrain de Monte Albán, dans l'État d'Oaxaca, est un exemple typique de terrain en forme de I. La longueur du terrain pouvait varier, mais le terrain de 60 m de long de la ville epiclassique d'El Tajín (650-900 de notre ère) représente une taille typique.
La surface plane du terrain comportait souvent trois grands marqueurs circulaires en pierre, alignés sur toute la longueur du terrain. Certains de ces marqueurs provenant de sites mayas comportaient un cartouche quadrilobé indiquant l'entrée du monde souterrain, ce qui donna lieu à des spéculations selon lesquelles le jeu aurait symbolisé le déplacement du soleil (la balle) dans le monde souterrain (le terrain) chaque nuit. Il se peut aussi que la balle ait représenté un autre corps céleste, comme la lune, et que le terrain soit le monde.
Les terrains qui ont survécu sont nombreux et répartis dans toute la Méso-Amérique. La ville épiclassique de Cantona possède un nombre incroyable de 24 terrains, dont au moins 18 sont contemporains. El Tajín possède également un nombre remarquable de terrains (au moins 11) et il se pourrait bien qu'il ait été un centre sacré pour le sport, un peu comme Olympie pour l'athlétisme dans la Grèce antique. Le plus ancien terrain connu provient de la ville olmèque de San Lorenzo, tandis que le plus grand terrain de jeu en pierre qui subsiste se trouve dans la ville maya-toltèque de Chichén Itzá. Avec une longueur de 146 m et une largeur de 36 m, ce terrain semble presque trop grand pour que l'on puisse y jouer, surtout si les anneaux sont placés à une hauteur difficile de 8 m.
Les règles
Les règles exactes du jeu ne sont pas connues avec certitude et, selon toute probabilité, il y avait des variations entre les différentes cultures et les différentes périodes. Cependant, le but principal était de faire passer une balle en caoutchouc solide (latex) à travers l'un des anneaux. C'était plus difficile qu'il n'y paraît, car les joueurs ne pouvaient pas utiliser leurs mains. On peut imaginer que les bons joueurs devinrent très habiles à diriger la balle à l'aide de leurs coudes, genoux, cuisses et épaules rembourrés. Les équipes étaient composées de deux ou trois joueurs et étaient réservées aux hommes. Il existait également une version alternative, moins répandue, où les joueurs utilisaient des bâtons pour frapper la balle.
La balle pouvait être une arme mortelle en soi, car mesurant de 10 à 30 cm de diamètre et pesant de 500 g à 3,5 kg, elle pouvait facilement briser des os. De façon remarquable, sept balles en caoutchouc ont été conservées dans les tourbières d'El Manatí, près de la cité olmèque de San Lorenzo. Ces balles ont un diamètre de 8 à 25 cm et datent d'entre 1600 et 1200 avant notre ère.
Les joueurs
Les joueurs pouvaient être des professionnels ou des amateurs et il existe des preuves de paris sur l'issue de matchs importants. Le jeu était également fortement associé aux guerriers et les captifs de guerre étaient souvent forcés de jouer.
Les joueurs sont fréquemment représentés dans l'art mésoaméricain, que ce soit dans les sculptures, les céramiques ou les décorations architecturales - ces dernières décorant souvent les terrains eux-mêmes - et ces représentations montrent souvent que les joueurs portaient des équipements de protection tels que des ceintures et des rembourrages pour les genoux, les hanches, les coudes et les poignets. Les joueurs de ces œuvres d'art portent aussi généralement un casque rembourré ou une énorme coiffe de plumes, cette dernière étant peut-être réservée aux cérémonies. Les reliefs zapotèques de Dainzú représentent également des joueurs de balle portant des casques rembourrés ainsi que des protège-genoux et des gants.
Les gagnants du match recevaient des trophées, dont beaucoup ont été retrouvés et comprennent des hachas et des palmas. Une hacha était une représentation de la tête humaine (les premières étaient peut-être de vraies têtes) avec une poignée attachée et était utilisée comme trophée pour un joueur gagnant, comme pièce d'équipement cérémoniel ou comme marqueur sur le terrain. Une palma était aussi très probablement un trophée ou un élément du costume de cérémonie porté par les joueurs de balle. Ils sont fréquemment représentés en pierre et peuvent prendre la forme de bras, de mains, d'un joueur ou d'un oiseau à queue en éventail. Parmi les autres trophées des vainqueurs, on trouve des jougs en pierre (généralement en forme de U à porter autour de la taille, à l'instar des tenues de protection portées par les joueurs) et des pierres à main, souvent finement sculptées. Tous ces trophées sont fréquemment retrouvés dans des tombes et rappellent le lien entre le sport et le monde souterrain dans la mythologie mésoaméricaine.
Comme les jeux avaient souvent une signification religieuse, le capitaine de l'équipe perdante, ou même parfois l'équipe entière, était sacrifié aux dieux. De telles scènes sont représentées dans les sculptures décoratives des terrains, notamment sur le terrain de boules sud d'El Tajín et de Chichén Itzá, où un panneau en relief montre deux équipes de sept joueurs, dont l'un avait été décapité. Un autre indicateur inquiétant de la tournure macabre que pouvait prendre cet événement sportif est la présence de tzompantli (les supports de crânes où étaient exposées les têtes coupées des sacrifices) représentés dans des sculptures en pierre près des terrains de balle. Les Mayas classiques ont même inventé un jeu parallèle où les captifs, une fois vaincus dans le jeu réel, étaient attachés et utilisés comme boules elles-mêmes et roulés sans cérémonie en bas d'un long escalier.