Sammuramat et Sémiramis: l'Inspiratrice et le Mythe

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Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 16 septembre 2014
Disponible dans ces autres langues: anglais, arabe, persan
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Sammuramat (r. de 811 à 806 av. J.-C.) était la reine régente de l'Empire assyrien qui occupa le trône pour son jeune fils Adad Nerari III (r. de 811 à 783 av. J.-C.) jusqu'à ce qu'il n'atteigne la maturité. Elle est également connue sous les noms de Shammuramat, Sammu-ramat et, plus particulièrement, sous le nom de Sémiramis, la super-héroïne légendaire et semi-divine immortalisée par les historiens ultérieurs.

Cette dernière désignation, "Sémiramis", est la source d'une controverse considérable depuis plus d'un siècle, les chercheurs et les historiens se disputant pour savoir si Sammuramat aurait inspiré les mythes concernant Sémiramis, si Sammuramat aurait même bel et bien régné sur l'Assyrie et si Sémiramis aurait jamais existé en tant que personnage historique réel.

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Le débat dure depuis un certain temps et il est peu probable qu'il soit conclu dans un sens ou dans l'autre dans un avenir proche. Cependant, il semble possible de suggérer la possibilité que les légendes de Sémiramis aient été inspirées par le règne de la reine Sammuramat et qu'elles soient fondées, sinon sur ses actes réels, du moins sur l'impression qu'elle a laissée sur les gens de son époque.

Semiramis Receiving Word of the Revolt of Babylon
Sémiramis reçoit des nouvelles de la révolte de Babylone
Mr. Richard Bolla (Public Domain)

Sammuramat était l'épouse de Shamshi-Adad V (r. de 823 à 811 av. J.-C.) et, à la mort de ce dernier, elle prit le pouvoir jusqu'à ce qu'Adad Nerari III n'atteigne l'âge adulte, date à laquelle elle lui transmit le trône. Selon l'historienne Gwendolyn Leick, "cette femme a acquis une renommée et un pouvoir remarquables de son vivant et au-delà. D'après les archives contemporaines, elle avait une influence considérable à la cour assyrienne" (155). Cela expliquerait comment elle put conserver le trône après la mort de son mari. Les femmes n'étaient pas admises à des postes d'autorité dans l'Empire assyrien et il aurait été impensable d'avoir une femme monarque, à moins que cette femme n'ait eu suffisamment de pouvoir pour y parvenir.

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Le règne de SammuRamat fut peut-être si impressionnant que les légendes se sont multipliées jusqu'à ce que les événements réels ne soient oubliés.

Son règne fut si impressionnant que, si on l'accepte en tant que modèle pour Sémiramis, les Grecs, les Assyriens, les Arméniens et d'autres se souviendraient d'elle plus tard comme d'un être semi-divin né des dieux et élevé par des colombes. La source principale des récits concernant Sémiramis est l'historien grec Diodore de Sicile (c. 90-30 av. J.-C.), qui cite un ouvrage antérieur de Ctésias (c. le Ve siècle av. J.-C.), aujourd'hui perdu, bien qu'Hérodote et Strabon fassent également référence à Sémiramis, et que de nombreuses légendes la concernant aient été conservées par d'autres écrivains tels que Polyen, Plutarque, Justin et Eusèbe, entre autres.

Un passage célèbre du Regum et Imperatorum Apophthegmata (Apophtegmes des rois et des capitaines célèbres) de Plutarque raconte:

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Sémiramis avait fait construire elle-même son tombeau, avec cette inscription: Si quelque prince a besoin d'argent, qu'il ouvre ce tombeau, et qu'il en prenne autant qu'il voudra. Darius le fit ouvrir, et, au lieu d'argent, il y trouva cette autre inscription : Si tu n'étais pas un méchant homme, et d'une avarice insatiable, tu ne serais pas venu troubler les cendres des morts (4, trad. D. Richard)

Eusèbe fait référence à l'écrivain babylonien Bérose, qui se plaint que les Grecs attribuent à Sémiramis de grands projets de construction auxquels elle n'aurait pas participé, tandis que Polyen fait référence à des inscriptions de Sémiramis témoignant de ses exploits et de la construction des "murs imprenables" de ses villes.

Même avant l'époque où Diodore écrit, Sémiramis était associée à Ishtar/Inanna, Astarté et à la divinité en général. Elle était vénérée par les Assyriens et vilipendée par les Arméniens (peut-être en raison d'une campagne militaire victorieuse qu'elle avait menée contre eux), mais elle était généralement tenue en haute estime jusqu'à l'avènement du christianisme, lorsqu'elle, tout comme Ishtar, Aphrodite, Astarté et les autres dieux anciens, tomba en disgrâce avec la nouvelle foi.

Elle a été rendue tristement célèbre au XIXe siècle par le livre de propagande anticatholique The Two Babylons, écrit par le pasteur chrétien Alexander Hislop, qui l'a associée à la Prostituée de Babylone dans le livre de l'Apocalypse 17 (bien qu'elle ne soit jamais mentionnée par son nom dans l'Apocalypse, et qu'aucune variation possible de son nom ne soit mentionnée dans la Bible en termes négatifs). Bien que tout ce qui précède puisse être vrai, l'identification de Sammuramat avec Sémiramis a été contestée à plusieurs reprises depuis la fin du XIXe siècle. Les historiens sont divisés sur la question de savoir si Sammuramat a jamais régné sur l'Assyrie, si son règne a donné naissance à la figure de Sémiramis et si elle a réellement accompli quoi que ce soit; pour cette raison, et en raison de son identification avec le récit biblique de l'Apocalypse, elle reste l'une des figures les plus controversées de l'histoire ancienne.

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Le règne historique de Sammuramat

Shamshi-Adad V était le fils du roi Salmanazar III (r. de 859 à 824 av. J.-C.) et le petit-fils d'Assurnasirpal II (r. de 884 à 859 av. J.-C.). Leurs règnes fructueux et leurs campagnes militaires auraient fourni à Shamshi-Adad V la stabilité et les ressources nécessaires pour entamer son propre règne sans la rébellion de son frère aîné. Le fils aîné de Salmanazar III, Assur-danin-pal, se serait apparemment lassé d'attendre le trône et lança une révolte contre Salmanazar III en 826 avant notre ère. Shamshi-Adad V prit le parti de son père et réprima la rébellion, mais il lui fallut six ans pour y parvenir. Lorsque Assur-danin-pal fut vaincu, une grande partie des ressources dont Shamshi-Adad V aurait pu disposer avait disparu, et l'Empire assyrien était affaibli et instable.

Stela of King Shamshi-Adad V
Stèle du roi Shamshi-Adad V
Osama Shukir Muhammed Amin (Copyright)

C'est à cette époque que Sammuramat apparaît dans les archives historiques. On ne sait pas en quelle année elle épousa le roi, mais lorsque son mari mourut et qu'elle monta sur le trône, elle put apporter à la nation la stabilité dont elle avait besoin. Les historiens ont émis l'hypothèse que, puisque les temps semblaient si incertains au peuple d'Assyrie, le règne glorieux d'une femme aurait engendré une sorte de crainte plus grande que celle d'un roi parce qu'elle était sans précédent. Elle était suffisamment puissante pour que son propre obélisque soit inscrit et placé en évidence dans la ville d'Assur. On peut y lire:

Stèle de Sammuramat, reine de Shamshi-Adad, roi de l'univers, roi d'Assyrie, mère d'Adad Nerari, roi de l'univers, roi d'Assyrie, belle-fille de Salmanazar, roi des quatre régions du monde.

On ne sait pas exactement ce que Sammuramat réalisa pendant son règne, mais il semble qu'elle ait lancé un certain nombre de projets de construction et qu'elle ait personnellement mené des campagnes militaires. Selon l'historien Stephen Bertman, avant la mort de Shamshi-Adad, Sammuramat "a pris l'initiative extraordinaire d'accompagner son mari dans au moins une campagne militaire, et elle est mentionnée de manière proéminente dans les inscriptions royales" (102). Après la mort de son mari, elle semble avoir continué à mener elle-même de telles campagnes, bien que cela, comme beaucoup d'autres aspects de son règne, ait été remis en question.

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Quoi qu'elle ait fait, cela permit de stabiliser l'empire après la guerre civile et de fournir à son fils une nation importante et sûre lorsqu'il monta sur le trône. On sait qu'elle vainquit les Mèdes et annexa leur territoire, qu'elle aurait peut-être conquis les Arméniens et, selon Hérodote, qu'elle aurait peut-être fait construire les digues de Babylone sur l'Euphrate, qui étaient encore célèbres à son époque. Le reste de son action s'est cependant confondu avec le mythe dans les années qui suivirent son règne. L'historienne Susan Wise Bauer commente ce fait en écrivant:

La princesse babylonienne Sammuramat a pris le pouvoir. Une femme sur le trône assyrien: cela n'avait jamais été fait auparavant, et Sammuramat le savait. La stèle qu'elle s'est construite prend soin de la relier à tous les rois assyriens disponibles. Elle est appelée non seulement reine de Shamshi-Adad et mère d'Adad-Nerari, mais aussi "belle-fille de Salmanazar, roi des quatre régions". L'emprise de Sammuramat sur le pouvoir était si frappante qu'elle s'est répercutée dans la lointaine mémoire historique d'un peuple qui venait d'arriver sur la scène. Les Grecs se sont souvenus d'elle et lui ont donné le nom grec de Sémiramis. L'historien grec Ctésias raconte qu'elle était la fille d'une déesse-poisson, élevée par des colombes, qui épousa le roi d'Assyrie et donna naissance à un fils appelé Ninyas. À la mort de son mari, Sémiramis s'empara par traîtrise de son trône. L'histoire ancienne conserve un écho du nom d'Adad-Nerari dans Ninyas, le fils de la reine légendaire; et ce n'est pas la seule histoire à suggérer que Sammuramat aurait pris le pouvoir d'une manière qui n'était pas exactement honnête. Un autre historien grec, Diodore, raconte que Sémiramis aurait convaincu son mari de lui confier le pouvoir pendant cinq jours seulement, pour voir si elle était capable de le gérer. Lorsqu'il accepta, elle le fit exécuter et s'empara définitivement de la couronne. (349)

Ses campagnes militaires et ses projets de construction, ainsi que son administration compétente du gouvernement, firent une telle impression sur les gens de l'époque qu'elle prit de l'ampleur et devint plus grande que nature. L'historien antique Strabon écrit:

Il reste même encore de la domination de Sémiramis, comme vestiges subsistants, sans parler des grands travaux de Babylone, d'innombrables monuments répandus sur toute la surface du continent, des terre-pleins ou terrasses dites de Sémiramis, des murailles, des forteresses avec galeries souterraines, des aqueducs, des escaliers taillés dans la montagne, des canaux dérivés de fleuves, des émissaires ouverts à des lacs, des chaussées, des ponts. (xvi.1.2, trad. A. Tardieu)

Les commentaires d'Hérodote à son sujet ont le même ton, et Diodore, bien sûr, prétendait qu'elle était divine.

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Tout cela est documenté par les anciens, même si les historiens modernes prétendent qu'elle n'a peut-être rien fait du tout, qu'elle n'a peut-être pas existé, ou que Sammuramat n'a rien à voir avec la mythique Sémiramis. L'historien Wolfram von Soden écrit: "Que Sammuramat, la Sémiramis de la littérature grecque, ait été temporairement régente après 810 avant notre ère ne peut cependant pas être prouvé" (67). Von Soden n'est pas le seul à être de cet avis, mais d'autres historiens, comme Bauer, sont tout aussi catégoriques dans leurs affirmations du contraire.

Il semble cependant évident, en raison des similitudes et des identifications dans les histoires anciennes entre une reine assyrienne qui conquit les Mèdes et les Arméniens et Sémiramis en tant que reine guerrière assyrienne, que le mythe de Sémiramis s'est développé à partir des accomplissements d'une femme historique réelle, et que cette femme n'était autre que Sammuramat.

Le règne mythique de Sémiramis

Selon Diodore, Sémiramis aurait été conçue lorsque Aphrodite se mit en colère contre la déesse-poisson Dercéto de la ville d'Ascalon (en Syrie) et

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lui inspira un violent amour pour un beau jeune homme qui allait lui offrir un sacrifice; que Dercéto, cédant à sa passion pour ce Syrien, donna naissance à une fille, mais que honteuse de sa faiblesse, elle fit disparaître le jeune homme et exposa l'enfant dans un lieu désert et rocailleux; enfin, qu'elle-même, accablée de honte et de tristesse, se jeta dans le lac et fut transformée en un poisson. (4.2, trad. F. Hoefer)

L'enfant aurait dû mourir, mais une bande de colombes lui vint en aide et lui donna du lait avec leurs becs, qu'elles prenaient dans les villages voisins, et plus tard, elles lui donnèrent aussi du fromage. Elles gardèrent le bébé au chaud en s'enroulant autour de lui. Les fermiers, constatant la perte de leur fromage et de leur lait, se mirent à la recherche de la cause et trouvèrent la petite fille d'un an au bord du lac, entourée de colombes. Elle fut ramenée chez elle par un fermier nommé Simma, qui l'appela Sémiramis, ce qui, selon Diodore, signifie "colombes".

Elle devint une belle jeune femme, aussi connue pour son intelligence et sa grâce que pour son apparence. Un jour, le gouverneur de Syrie, un certain Menonès, visita la ferme, la vit et en tomba amoureux. Il demanda sa main à Simma, qui la lui accorda. Diodore écrit:

Sémiramis, qui joignait à la beauté de son corps toutes les qualités de l'esprit, était maîtresse absolue de son époux qui, ne faisant rien sans la consulter, réussissait dans tout. (5.2)

Menonès fit progresser sa carrière et sa position à la cour en suivant les conseils de sa femme, jusqu'à ce qu'il ne devienne l'un des conseillers les plus écoutés du roi.

C'est alors que le roi, Ninus, lança une campagne militaire contre la Bactriane et prit d'assaut toutes les villes, à l'exception de celle qu'il convoitait le plus: Bactres. Il assiégea la ville, mais les défenses étaient si fortes qu'il ne put l'emporter. Après que le siège eut duré un certain temps, Menonès pensa à consulter Sémiramis sur le problème et à voir si elle pouvait trouver une solution. C'est ce qu'écrit Diodore:

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Comme le siège traînait en longueur, l'époux de Sémiramis, qui se trouvait dans l'armée du roi, envoya chercher sa femme qu'il était impatient de revoir. Douée d'intelligence, de hardiesse et d'autres qualités brillantes, Sémiramis saisit cette occasion pour faire briller de si rares avantages. Comme son voyage devait être de plusieurs jours, elle se fit faire un vêtement, par lequel il était impossible de juger si c'était un homme ou une femme qui le portait. Ce vêtement la garantissait contre la chaleur du soleil ; il était propre à conserver la blancheur de la peau, ainsi que la liberté de tous les mouvements et il seyait à une jeune personne ; il avait d'ailleurs tant de grâce, qu'il fut adopté d'abord par les Mèdes lorsqu'ils se rendirent maîtres de l'Asie, et plus tard par les Perses. A son arrivée dans la Bactriane, elle examina l'état du siège ; elle vit que les attaques se faisaient du côté de la plaine et des points d'un accès facile, tandis que l'on n'en dirigeait aucune vers la citadelle, défendue par sa position ; elle reconnut que les assiégés, ayant en conséquence abandonné ce dernier poste, se portaient tous au secours des leurs qui étaient en danger à l'endroit des fortifications basses. Cette reconnaissance faite, elle prit avec elle quelques soldats habitués à gravir les rochers : par un sentier difficile, elle pénétra dans une partie de la citadelle, et donna le signal convenu à ceux qui attaquaient les assiégés du côté des murailles de la plaine. Epouvantés de la prise de la citadelle, les assiégés désertent leurs fortifications et désespèrent de leur salut (6.5-8).

Toute la ville tomba ainsi au pouvoir des Assyriens. Le roi, admirant le courage de Sémiramis, la combla d'abord de magnifiques présents ; puis, épris de sa beauté, il pria son époux de la lui céder, en promettant de lui donner en retour, sa propre fille, Sosane. Menonès ne voulant pas se résoudre à ce sacrifice, le roi le menaça de lui faire crever les yeux, s'il n'obéissait pas promptement à ses ordres. Tourmenté de ces menaces, saisi tout à la fois de chagrin et de fureur, ce malheureux époux se pendit. Sémiramis parvint aux honneurs de la royauté. (6.9-10).

Une fois devenue reine, elle ne cessa d'accroître son pouvoir par des conquêtes militaires et des projets de construction. Ninus mourut et Sémiramis l'enterra sous un grand monticule au bord de l'Euphrate (un tombeau qui, selon Diodore, était encore visible à son époque). Elle fonda ensuite la ville de Babylone, fit construire deux énormes palais reliés par un tunnel souterrain, des digues pour empêcher le fleuve d'inonder la ville, puis se lança dans des campagnes militaires. De nombreux historiens ont noté que le récit de Diodore sur sa campagne contre l'Inde présente de nombreuses similitudes avec celui d'Alexandre le Grand et de sa conquête des Mèdes.

Ne souhaitant pas être dominée par un autre homme, elle prit une série d'amants parmi les plus beaux hommes de son armée. Elle couchait avec eux et les faisait exécuter le lendemain matin ou, selon d'autres récits, enterrer vivants le jour suivant. Dans toutes ses excursions militaires, elle se montra brillamment ingénieuse (en créant par exemple de faux éléphants pour sa campagne en Inde) et aussi impitoyable que n'importe quel roi assyrien.

À la fin de son règne, elle régnait sur toute l'Anatolie, la Mésopotamie et l'Asie centrale. Elle mourut à l'âge de 62 ans, après avoir régné pendant 42 ans, et se transforma en colombe, qui s'envola vers les cieux. Selon un autre récit, auquel Diodore fait allusion, à sa mort, les colombes qui l'avaient aidée dans sa jeunesse revinrent et l'emportèrent dans le ciel.

La controverse

La question de savoir si l'on croit que la mythique Sémiramis a eu quelque chose à voir avec le règne de Sammuramat dépend entièrement de l'historien et des sources primaires que l'on choisit d'accepter. Après avoir consacré 20 chapitres à Sémiramis, Diodore conclut son récit en déclarant: "C'est ainsi que les récits des historiens varient au sujet de Sémiramis." (20.5). La même affirmation pourrait être faite aujourd'hui à propos des historiens modernes. Sir Henry Rawlinson (1810-1895), considéré comme "le père de l'assyriologie", commença à déchiffrer l'inscription de Behistun en 1835. Cette inscription, située sur une haute falaise, avait été mentionnée par des historiens anciens tels que Ctésias (principale source de Diodore pour l'histoire de Sémiramis) comme ayant été décrétée par Sémiramis de Babylonie (elle fut en fait décrétée plus tard, par Darius Ier le Grand, vers 522 av. J.-C.).

Rawlinson est, semble-t-il, le premier historien moderne à avoir relié Sémiramis à Sammuramat en essayant de trouver une reine assyrienne historique sur laquelle la légendaire Sémiramis était basée. Pour ce faire, il établit un lien entre l'affirmation de Ctésias concernant l'inscription de Behistun et une personne historique réelle, puis il passa aux inscriptions des annales assyriennes concernant la reine régente, qui régna de 811 à 806 avant notre ère et qui mena des campagnes militaires sous le nom de Sémiramis. Les historiens qui suivirent Rawlinson se prononcèrent pour ou contre cette affirmation, citant souvent les mêmes sources anciennes pour étayer leur argumentation. La controverse est compliquée par des passages de la Bible qui, pour certains, associent Sémiramis à des récits bibliques.

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Il a été noté que le nom "Schemiramoth" apparaît dans la Bible en I Chroniques 15:18, 15:20-24, 16:5, et II Chroniques 17:8. En I Chroniques, le nom s'applique à un musicien du temple, tandis qu'en II Chroniques, il s'applique à un enseignant de la loi. Certains historiens en déduisent qu'une divinité sémitique du nom de Shemiram (une version d'Astarté) était vénérée dans la région d'Ascalon en Syrie (un site connu pour la vénération d'Astarté), le long du Levant jusqu'en Israël et à travers l'Arménie et la Perse, et que cette déesse est donc mentionnée dans la Bible.

Le nom de la Bible, "Schemiramoth", se traduirait, selon cette théorie, par "images de Shemiram" ou "choses de Shemiram", et il est certain que la musique et la loi (comme mentionné ci-dessus) étaient considérées comme des dons des dieux à l'humanité. Sémiramis serait donc Astarté et l'individu - ou les individus - mentionné(s) dans la Bible lui serait (seraient) lié(s).

Cette théorie n'explique cependant pas pourquoi une déesse païenne est mentionnée de manière aussi neutre dans la Bible, alors que toutes les autres allusions à de telles divinités sont négatives. Elle n'explique pas non plus pourquoi "Schemiramoth", dans les passages cités, fait allusion à un lévite qui n'aurait rien eu à voir avec une déesse mésopotamienne. Elle ne tient pas non plus compte de la possibilité que la Sémiramis grecque n'ait rien à voir avec la Schemiramoth de la Bible.

Astarte
Astarté
Metropolitan Museum of Art (Copyright)

L'ouvrage d'Alexander Hislop (1807-1865), The Two Babylons (1858), complique davantage encore l'identification de Sammuramat avec Sémiramis (et constitue également un excellent exemple de propagande en tant qu'histoire). Hislop était un pasteur de l'Église libre d'Écosse qui croyait que l'Église catholique était un culte satanique et qui écrivit son livre pour prouver cette "vérité". Ce livre affirme que Sémiramis était l'épouse du roi biblique Nimrod et la mère de Tammuz, et la relie directement à la prostituée de Babylone du livre de l'Apocalypse 17.

La Bible ne mentionne jamais Sémiramis en relation avec Nimrod. La Genèse 10:8 dit: "Cusch engendra aussi Nimrod", mais ne mentionne pas du tout la femme de Nimrod. Bien qu'il devrait être clair pour toute personne ayant ne serait-ce qu'une connaissance superficielle de la Bible et de l'histoire mésopotamienne que cet ouvrage n'est rien d'autre que de la propagande anticatholique, il est toujours cité comme une autorité en matière d'histoire ancienne par certains sites web chrétiens protestants et dans la presse écrite (comme, par exemple, dans l'attaque anticatholique contre Pâques sur le site The Truth About Easter, que l'on trouve dans la bibliographie ci-dessous). L'insistance de ces auteurs chrétiens sur le fait que Sémiramis est bel et bien la prostituée de Babylone et l'ennemie jurée du bien l'éloigne encore plus d'un lien précoce avec une reine assyrienne réelle - une distance déjà notée dans les écrits antérieurs qui maintiennent la divinité de Sémiramis.

Les récits sur l'appétit sexuel de Sémiramis et le triste sort de ses nombreux amants sont très proches des récits sur Ishtar/Inanna/Astarté, et son association avec les colombes et Ascalon l'identifie sans aucun doute à Astarté. Certains historiens en déduisent qu'il n'est pas nécessaire de chercher un personnage historique pour la légende de Sémiramis et que "chercher un prototype historique pour elle est aussi insensé que de chercher un tel prototype pour Hercule ou Romulus" (R. Bedrosian, 3). D'autres historiens ne sont pas d'accord:

Il faut voir l'importance de la reine Sammuramat, qui a inspiré la légendaire Sémiramis... elle est restée si influente sous le règne de son fils Adad-Nerari III que les inscriptions officielles mentionnent qu'ils agissaient ensemble. (Van De Mieroop, 244-245)

Même si Sammuramat n'a jamais participé aux exploits attribués à Sémiramis, il est possible que le règne de la reine historique ait été si impressionnant qu'il donna naissance à des légendes qui s'amplifièrent au fur et à mesure qu'elles étaient racontées et redécrites jusqu'à ce que, finalement, les événements réels soient oubliés au profit de la figure plus grande que nature de la mythique Sémiramis.

Ce schéma de l'histoire mésopotamienne est déjà connu à travers le genre littéraire connu sous le nom de "littérature naru", qui semble avoir vu le jour aux alentours de 2000 avant notre ère. Dans la littérature naru, un écrivain prend un personnage historique bien connu et le réimagine dans des situations qui n'ont jamais existé afin de créer une histoire captivante qui divertirait et éclairerait le public.

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On retrouve ce même schéma dans d'autres cultures anciennes et même dans des cultures plus récentes. Un exemple comparable, bien qu'à plus petite échelle, peut être vu dans l'histoire des États-Unis du XIXe siècle, où le personnage historique réel de David Crockett (1786-1836) a été transformé par la pièce de James Kirke Paulding de 1831, Le Lion de l'Ouest, en Davy Crockett, le héros populaire. David Crockett n'était pas capable d'accomplir les mêmes exploits que Davy Crockett, mais ce dernier était inspiré de la vie du premier. De même, les mythes de la semi-divine Sémiramis ont probablement été inspirés par la vie de la reine Sammuramat d'Assyrie.

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Questions & Réponses

Qui était Sammuramat?

Sammuramat, reine régente de l'empire assyrien entre 811 et 806 avant notre ère, est à l'origine de la figure légendaire de Sémiramis.

Qui était Sémiramis?

Sémiramis était la reine légendaire et semi-divine associée à Inanna/Ishtar, Astarté et d'autres déesses antiques. On dit qu'elle était née des dieux, qu'elle avait été élevée par des colombes, qu'elle mena des guerres et construisit de grandes villes. On pense qu'elle est basée sur la figure historique de Sammuramat d'Assyrie.

Sémiramis est-elle la prostituée biblique de Babylone?

Il n'existe aucune source fiable reliant la figure de Sémiramis à la prostituée de Babylone dans le livre biblique de l'Apocalypse.

Comment savons-nous que le Sammuramat a vraiment existé?

Le règne de Sammuramat est attesté par une inscription sur un obélisque de son époque et par les travaux des historiens antiques postérieurs.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Joshua J. Mark est cofondateur et Directeur de Contenu de la World History Encyclopedia. Il était auparavant professeur au Marist College (NY) où il a enseigné l'histoire, la philosophie, la littérature et l'écriture. Il a beaucoup voyagé et a vécu en Grèce et en Allemagne.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2014, septembre 16). Sammuramat et Sémiramis: l'Inspiratrice et le Mythe [Sammu-Ramat and Semiramis: The Inspiration and the Myth]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-743/sammuramat-et-semiramis-linspiratrice-et-le-mythe/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Sammuramat et Sémiramis: l'Inspiratrice et le Mythe." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le septembre 16, 2014. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-743/sammuramat-et-semiramis-linspiratrice-et-le-mythe/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Sammuramat et Sémiramis: l'Inspiratrice et le Mythe." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 16 sept. 2014. Web. 02 avril 2025.

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