Commerce Carthaginois

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Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 17 juin 2016
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Les Carthaginois, comme leurs ancêtres phéniciens, étaient des commerçants très prospères qui sillonnaient la Méditerranée avec leurs marchandises, et leur succès fut tel que Carthage devint la ville la plus riche du monde antique. Les métaux, les denrées alimentaires, les esclaves et les produits manufacturés de haute qualité, tels que les tissus fins et les bijoux en or, étaient achetés et vendus à tous ceux qui pouvaient se les offrir. Les Carthaginois devinrent célèbres pour leurs compétences commerciales et leur capacité à vendre n'importe quoi à n'importe qui, mais toujours à un certain prix.

Carthaginian Silver Coin
Pièce d'argent carthaginoise
The British Museum (Copyright)

Empire et partenaires commerciaux

Dès sa fondation à la fin du IXe siècle avant notre ère par des colons venus de la cité phénicienne de Tyr, Carthage commença presque immédiatement à prospérer grâce à sa position stratégique sur les routes commerciales entre la Méditerranée occidentale et le Levant. En l'espace d'un siècle, la ville avait fondé ses propres colonies et, au VIe siècle avant notre ère, elle succéda à la Phénicie en tant que plus grande puissance commerciale de la région. L'empire commercial de Carthage s'étendait à l'Afrique du Nord, à la péninsule ibérique, à la Sicile, à la Sardaigne, à la Corse, à Chypre, à Malte et à de nombreuses autres îles de la Méditerranée. Toujours pas contentés, des expéditions furent organisées pour trouver de nouveaux débouchés commerciaux encore plus lointains, comme le voyage d'Himilcon en Grande-Bretagne vers 450 avant notre ère et celui d'Hannon le Navigateur le long de la côte atlantique de l'Afrique vers 425 avant notre ère.

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Les nouveaux territoires seraient une source de richesse considérable, principalement grâce aux ressources naturelles telles que l'or et l'argent extraits des régions conquises. Tout comme les Européens exploiteraient les indigènes des anciennes Amériques au XVIe siècle, les Carthaginois récolteraient eux aussi de riches récompenses en transférant des métaux acquis à bas prix vers des régions où ils avaient une valeur bien plus élevée. En outre, ces nouveaux territoires, qui nécessitèrent plus tard la fondation de colonies pour protéger les intérêts commerciaux et les monopoles de marché, finirent par fournir de nouveaux marchés vers lesquels les Carthaginois purent exporter leurs propres produits manufacturés et ceux qu'ils avaient acquis par le biais du commerce avec d'autres cultures. Les Carthaginois n'étaient pas non plus limités aux routes maritimes, puisqu'ils exploitèrent également les routes caravanières du Sahara.

[Image:68]

Hérodote, au Ve siècle avant notre ère, décrit la méthode utilisée par les Carthaginois pour faire du troc avec les peuples indigènes dans les nouveaux territoires situés le long de la côte nord-africaine, au-delà des piliers d'Hercule:

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Les Carthaginois disent qu'au delà des colonnes d'Hercule il y a un pays habité où ils vont faire le commerce. Quand ils y sont arrivés, ils tirent leurs marchandises de leurs vaisseaux, et les rangent le long du rivage : ils remontent ensuite sur leurs bâtiments, où ils font beaucoup de fumée. Les naturels du pays, apercevant cette fumée, viennent sur le bord de la mer, et, après y avoir mis de l'or pour le prix des marchandises, ils s'éloignent. Les Carthaginois sortent alors de leurs vaisseaux, examinent la quantité d'or qu'on a apportée, et, si elle leur paraît répondre au prix de leurs marchandises, ils l'emportent et s'en vont. Mais, s'il n'y en pas pour leur valeur, ils s'en retournent sur leurs vaisseaux, où ils restent tranquilles. Les autres reviennent ensuite, et ajoutent quelque chose, jusqu'à ce que les Carthaginois soient contents. Ils ne se font jamais tort les uns aux autres. Les Carthaginois ne touchent point à l'or, à moins qu'il n'y en ait pour la valeur de leurs marchandises ; et ceux du pays n'emportent point les marchandises avant que les Carthaginois. n'aient enlevé l'or.(Livre IV, 196, trad. Larcher, Remacle)

Bien entendu, les marchands carthaginois commerçaient également avec les puissances contemporaines de Grèce, d'Égypte, de Phénicie et des royaumes hellénistiques. Carthage signa des traités avec d'autres États pour convenir de zones d'opérations exclusives, notamment avec les Étrusques et avec Rome vers 509 avant notre ère et 348 avant notre ère. Les commerçants carthaginois étaient très présents sur les grands marchés d'Athènes, de Délos et de Syracuse, et disposaient parfois de quartiers permanents dans les grandes villes de l'époque, comme le quartier de Vicus Africus à Rome. Des amphores puniques ont été découvertes à Massilia (Marseille), en Corse et à Rome.

Les commerçants carthaginois étaient très présents sur les grands marchés d'Athènes, de Délos et de Syracuse, et avaient parfois des quartiers permanents dans les grandes villes de l'époque.

Carthage accueillait également en retour des commerçants étrangers venus de Rhodes, d'Athènes et d'Italie. Ils étaient traités sur un pied d'égalité avec les marchands de la ville, leurs marchandises étaient achetées, stockées et réexportées par les marchands carthaginois. Les échanges furent facilités par la frappe de pièces de monnaie à partir du 5e siècle avant notre ère et les conversions furent facilitées lorsque les Ptolémées d'Égypte adoptèrent le même étalon phénicien pour leurs propres pièces de monnaie. Les pièces carthaginoises étaient fabriquées en or, en argent, en électrum et en bronze.

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La réputation des commerçants carthaginois était bien connue, même si elle n'était pas particulièrement flatteuse, dans le monde grec, comme l'atteste un personnage vedette d'une comédie grecque perdue, reprise par le dramaturge romain Plaute dans son Poenulus (Le Carthaginois). Il décrit un marchand, Hannon, qui possède parmi ses marchandises des pipes, des lanières de chaussures et des panthères, une cargaison comique destinée à montrer que les Carthaginois étaient prêts à faire commerce de tout ce qui leur tombait sous la main, du moment que cela leur rapportait.

Les commerçants de la mer

On ne sait pas exactement quelle part du commerce était assurée par l'État et quelle part par les marchands privés, mais il existe certainement des preuves de l'existence de ces deux types de commerce. Il est probable que l'essentiel du commerce était assuré par des marchands aristocratiques qui contrôlaient également les fonctions politiques et religieuses de Carthage. La puissante flotte carthaginoise constituait une forme importante d'intervention de l'État dans le domaine du commerce. Cette flotte permit à Carthage de maintenir sa mainmise sur les principaux points de passage des anciennes routes maritimes, tels que la Sicile et Gadès (Cadix), dans le sud de l'Espagne. Elle se montrait également impitoyable à l'égard des navires de commerce des puissances concurrentes. Tout navire étranger découvert dans les eaux considérées par Carthage comme relevant de sa juridiction était coulé. Les pirates étaient traités de la même manière.

Les navires de commerce carthaginois ressemblaient beaucoup à ceux utilisés depuis longtemps par les cités phéniciennes. Le plus courant était le grand hippos à fond arrondi. Le nom (cheval) provient de la tête de cheval qui figurait généralement sur la proue. Le second type était le gaulos ("navire" en phénicien), plus petit et doté d'une coque encore plus large.

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Phoenician-Punic Ship
Navire punico-phénicien
NMB (CC BY-SA)

Les navires carthaginois et ceux des marchands étrangers disposaient d'un grand port marchand rectangulaire relié au port naval circulaire de la ville. Les deux ports étaient artificiels, avec une profondeur d'environ deux mètres, et dataient probablement de 220-210 avant notre ère. Ce port remplaça, ou peut-être agrandit, le simple quai d'origine où les navires marchands s'amarraient en rangée. Le nouveau port marchand mesurait 300 x 150 mètres et était accessible par un chenal en arc de 250 mètres. Des chaînes de fer pouvaient être levées pour bloquer cette entrée si nécessaire.

Marchandises échangées

Les matières premières, en particulier les métaux précieux (or, argent, étain, cuivre, plomb et fer), les peaux d'animaux, la laine, l'ambre, l'ivoire et l'encens étaient importés et exportés. Les esclaves étaient une autre marchandise précieuse qui allait et venait dans le port de Carthage. Les ateliers de Carthage exportaient des objets d'art précieux en or, en argent et en ivoire. Il y avait aussi des textiles fins et brodés, notamment les tapis et les coussins raffinés qui faisaient la renommée des Carthaginois, ainsi que le tissu teint en pourpre, très recherché, fabriqué à partir d'un extrait du murex, un coquillage. Les produits manufacturés comprenaient des armes, des ustensiles alimentaires, des ciseaux, des outils, des strigiles en bronze (pour nettoyer le corps après l'exercice), des amulettes, des bijoux, de la verrerie décorative, des meubles en bois, des figurines en céramique, des œufs d'autruche décorés, des brûleurs d'encens et des masques ornementaux.

Phoenician-Punic Grinning Mask
Masque souriant phénicien-punique
Carole Raddato (CC BY-NC-SA)

Les denrées alimentaires échangées comprenaient des olives, de l'huile d'olive, du vin, des céréales, du poisson salé, de l'ail, des grenades, des noix, des herbes et des épices. Deux épaves puniques, l'une découverte au large d'Ibiza (Ve siècle av. J.-C.) et l'autre au large de Marsala en Sicile (IIIe siècle av. J.-C.), contenaient toutes deux des cargaisons de sauce de poisson, le garum, dont les Romains allaient devenir dépendants. L'épave de Marsala transportait également des amphores de vin et d'olives. Les poteries et les lampes de qualité inférieure, accessibles aux tribus les moins riches de certaines régions de l'empire comme l'Ibérie, étaient d'abord importées à Carthage depuis Corinthe via Syracuse et l'Italie centrale et méridionale, puis expédiées à des fins de troc avec les tribus locales.

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Conclusion

Naturellement, les Carthaginois ne réussirent pas à tout régenter et ils durent faire face à la concurrence pour l'accès à des territoires riches en ressources et pour le contrôle de routes commerciales lucratives. Cette situation conduisit à des guerres en Sicile, notamment contre les tyrans de Syracuse, et contre Rome, qui s'avéra être un ennemi qu'ils ne purent égaler. Après des siècles de domination de la Méditerranée occidentale, les guerres puniques, extrêmement coûteuses et débilitantes, s'achevèrent en 146 avant notre ère par la destruction de Carthage par Rome. La ville se relèverait un siècle plus tard et deviendrait un important centre de commerce et de culture au sein de l'Empire romain, peut-être même l'une des cinq premières villes de l'Empire, mais elle n'atteindrait jamais les sommets qu'elle avait atteints à l'époque où les navires carthaginois régnaient sur les mers.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2016, juin 17). Commerce Carthaginois [Carthaginian Trade]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-911/commerce-carthaginois/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Commerce Carthaginois." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le juin 17, 2016. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-911/commerce-carthaginois/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Commerce Carthaginois." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 17 juin 2016. Web. 21 nov. 2024.

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