Contexte Culturel et Théologique de la Momification en Égypte

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Article

John S. Knox
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 29 juin 2016
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol
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De nombreux mythes et fausses informations concernant la pratique égyptienne de la momification ont été présentés au grand public dans des films, des émissions de télévision et des documentaires. Bien que ces programmes soient divertissants et fascinants à regarder, les objectifs et les détails concernant la préparation des morts dans l'Antiquité étaient très complexes, tant sur le plan technique que sur le plan culturel. La momification n'était pas simplement destinée à protéger le corps du défunt de la pourriture et de la décomposition; la plupart des Égyptiens de l'Antiquité la pratiquaient - aussi bien les riches que les pauvres - pour s'assurer un passage réussi dans l'autre vie. La momification était beaucoup plus élaborée et faisait davantage partie intégrante de la vie courante des Égyptiens que ce que la culture populaire présente généralement.

Mummy of a Child
Momie d'enfant
Osama Shukir Muhammed Amin (Copyright)

Pour bien comprendre la momification, il faut en examiner les différents aspects culturels, religieux, anatomiques et pragmatiques. Trop souvent, l'accent est mis uniquement sur le gore et les légendes fantastiques. En outre, l'image hollywoodienne d'un corps momifié placé dans un grand tombeau voûté, entouré de murs magnifiquement peints, de monticules de bijoux et de trésors dans tous les coins, le corps soigneusement enveloppé de lin et péniblement oint d'encens et de bitume, déposé dans un sarcophage de pierre calcaire délicieusement sculpté, avec des pièges mortels vicieux prêts à piéger et à exécuter l'avide pilleur de tombes, est, en général, une grossière exagération des faits en la matière.

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Origines de la momification

Certes, il existait des sites funéraires où les corps étaient somptueusement traités et entourés d'imposantes réserves de richesse et d'opulence (la prestigieuse découverte archéologique de la tombe du roi Toutânkhamon par Howard Carter en 1922 en témoigne), mais la réalité est que les cérémonies de momification humbles et modestes étaient plus fréquentes que les somptueuses cérémonies.

Comme l'indique Wallis Budge,

Après que le corps eut été trempé pendant un court moment dans du bitume ou du natron [un sel minéral], ou peut-être simplement frotté avec ces substances, les quelques ornements personnels de l'homme étaient placés dessus, il était enveloppé dans un morceau de lin, et avec son bâton pour soutenir ses pas, et ses sandales pour protéger ses pieds fatigués dans le monde souterrain, il était déposé dans un trou ou une grotte, ou même dans le sable du désert ouvert, pour entamer son dernier voyage. (153-154)

Dans une culture comme celle de l'Égypte, qui remonte à des milliers d'années, une question fréquente concerne les origines de cette pratique unique. La plupart des égyptologues s'accordent à dire que, dès la première dynastie, les Égyptiens disposaient de suffisamment de connaissances médicales et scientifiques pour conserver les restes corporels des animaux (et même des humains) après la mort. En fait, le magicien paysan Teta, sous le règne de Khoufou (Khéops), le deuxième roi de la quatrième dynastie d'Égypte, écrivit un livre sur l'anatomie et ses expériences scientifiques avec des médicaments et des herbes. Bien qu'il s'agisse probablement d'une légende, il semblerait que la recherche scientifique ait été une affaire de famille - même la mère de Teta aurait participé à des expériences biologiques et chimiques et aurait fini par inventer un produit de lavage des cheveux efficace.

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La sophistication du processus de momification témoigne d'une opération qui a dû se développer et évoluer sur une longue période.

Bien que certains historiens contestent l'idée que la momification remonte aussi loin dans l'histoire de l'Égypte, citant de nombreuses tombes excavées contenant des restes de squelettes non préparés (bien que ceux-ci aient pu être le résultat des sacrifices humains de l'époque), la plupart pensent que la momification était pratiquée depuis un certain temps - un processus aussi complexe de préservation anatomique et de culture ne se met pas en place du jour au lendemain. La sophistication du processus de momification témoigne d'une opération qui a dû se développer et évoluer sur une longue période. Pourtant, il n'existe aucune preuve historique ou archéologique spécifique permettant de confirmer avec certitude la date à laquelle la momification égyptienne a commencé.

En raison des associations religieuses avec la momification, on pourrait penser que d'anciens documents religieux fourniraient des informations sur les débuts de la momification, mais, une fois de plus, ses origines religieuses sont obscures. Ward affirme que "les origines de la religion égyptienne - nous conservons ce terme faute de mieux - se perdent dans les âges pré-alphabétisés" (117). Il ajoute qu'il n'existe pas de "système" permettant de clarifier la théologie funéraire [égyptienne] (125), car la plupart des pratiques se sont développées au fur et à mesure que la religion polythéiste égyptienne progressait et évoluait au fil des siècles.

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Contexte théologique

Le polythéisme égyptien a engendré beaucoup de confusion et d'incertitude théologiques; dans les écrits anciens, la pensée égyptienne semble souvent se contredire. Bien que cela puisse déranger certains occidentaux, qui exigent de la cohérence et des données empiriques concernant la possibilité du surnaturel, d'une ou de plusieurs divinités et du rôle de l'homme dans l'au-delà, des siècles de pratique et d'acceptation montrent que les Égyptiens acceptaient facilement de telles dissonances théologiques. Comme le remarque Hérodote, "ils sont religieux à l'excès, bien au-delà de toute race d'hommes...". (Livre 2, chapitre 37)

En outre, l'idée de la vie après la mort était plus un effort d'apaisement qu'un événement garanti dans la religion égyptienne. Alors que le système de foi judéo-chrétien comprend (et dépend) d'un sens moral de l'équilibre et de la sotériologie, la position égyptienne était moins tenable, mais pas nécessairement terminale. Comme le dit Perry,

L'une des caractéristiques essentielles de la religion égyptienne était la vie après la mort. À travers les tombes-pyramides, la momification pour préserver les morts et l'art funéraire, les Égyptiens montraient leur aspiration à l'éternité et leur désir de vaincre la mort. (12-13)

L'une des caractéristiques les plus marquantes des Égyptiens de l'Antiquité était le lien qu'ils établissaient entre leur vie et leur environnement. Comme l'indique Perry, "les Égyptiens croyaient également que les grandes puissances de la nature - le ciel, le soleil, la terre, le Nil - étaient des dieux ou les demeures de dieux" (13). Le terrain et le climat qui les entouraient pouvaient être sauvages et mortels; une vie abondante était liée à une bande de terre relativement mince qui dépendait d'une irrigation intelligente et d'inondations annuelles (si les dieux le voulaient). Cette préoccupation était renforcée par la nature préservatrice de la terre égyptienne elle-même.

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Male Egyptian Mummy with Amulets
Momie égyptienne avec amulettes
Osama Shukir Muhammed Amin (Copyright)

En raison du manque naturel d'humidité, la décomposition dans le désert était lente et, par conséquent, de nombreux Égyptiens retrouvaient les restes de leurs ancêtres, longtemps après leur mort, dans un état étrangement semblable à celui où ils avaient été enterrés. Cela eut certainement une forte influence sur leur vision de l'immortalité, qui est considérée comme le "fondement de la religion égyptienne" (Wallis Budge, 173).

Le concept d'immortalité

La culture égyptienne intégra très bien ce concept d'immortalité dans son système religieux à travers le mythe d'Osiris. En fait, une minorité d'historiens pensent qu'Osiris aurait été un être humain réel à un moment donné de l'histoire égyptienne - peut-être un ancien souverain qui avait connu une guerre civile pendant son règne, et qui aurait reçu gloire et déification post-mortem comme les anciens le faisaient souvent pour les héros d'antan. Quoi qu'il en soit, le mythe d'Osiris suggérait que, grâce aux pouvoirs surnaturels d'Horus et aux habiles machinations vengeresses de l'épouse d'Osiris, Isis, Osiris était devenu un dieu et revenait à la vie chaque année lors de la crue annuelle du Nil en tant que pharaon de la terre. Son fils, Horus, et sa femme, Isis, se réincarnaient également dans un cycle continu qui garantissait que la lignée divine royale ne s'éteindrait jamais.

Divine Family from Ancient Egypt
Famille divine de l'Égypte ancienne
Osama Shukir Muhammed Amin (Copyright)

Selon Hamilton-Paterson et Andrews, cette histoire ne donnait pas seulement du pouvoir à l'aristocratie égyptienne, mais aussi à l'ensemble de la population égyptienne. En raison de la grande "puissance" de ce mythe, "l'Égyptien ordinaire pouvait facilement s'identifier à lui [Osiris]" (23). Dans une société fortement hiérarchisée, ce mythe permettait au paysan égyptien de jouir de la vie au-delà de la mort, tout comme le pharaon, et les unissait dans une pratique religieuse divine et éternelle. Des découvertes archéologiques telles que la vallée des momies d'or dans l'oasis de Bahariya, au sud-ouest de l'actuel Caire, témoignent de cette grande acceptation de la momification.

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Budge décrit clairement les objectifs de la momification. Il affirme que la momification était utilisée pour permettre que:

l'âme[Ba] et l'intelligence[Ka] de l'Égyptien, lorsqu'elles reviendraient quelques milliers d'années plus tard pour chercher le corps dans la tombe, pourraient entrer dans le corps une fois de plus, le revivifier et vivre avec lui pour toujours dans le royaume d'Osiris. (Wallis Budge, 159)

Pour atteindre cet objectif, des rites funéraires soigneusement élaborés étaient mis en œuvre pour protéger et sécuriser le Ka en vue d'une vie future. Le Ba était le nom donné au corps momifié après qu'il se soit uni au Ka. Dans le Ba, l'Égyptien pouvait "prendre la forme de son choix lorsqu'il quittait sa tombe" (Hamilton-Paterson & Andrews, 18). En outre, l'Akh égyptien était cette partie de lui qui "habitait parmi les étoiles plutôt que dans l'au-delà" (Hamilton-Paterson & Andrews, 20). Il pouvait donc partager l'immortalité avec Osiris, bien qu'il ne puisse jamais l'égaler.

Croyances et vie après la mort

Comme nous l'avons vu plus haut, dans ce processus de mort et de réincarnation impliquant le Ba et le Ka, une contradiction se produit. L'esprit de l'Égyptien mort est-il dans la tombe (ou là où le corps a été placé) ou tourne-t-il autour des cieux? Cette question est restée sans réponse dans la théologie égyptienne. Néanmoins, les Égyptiens semblent avoir réussi à mettre de côté des idées mutuellement contradictoires sur l'immortalité et à admettre une dissonance divine et une compréhension limitée de la vie après la mort. Toutefois, des événements tels que le passage spectaculaire au pseudo-monothéisme d'Akhenaton au 14e siècle avant notre ère suggèrent que la vie religieuse égyptienne n'était pas gravée dans le marbre.

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Mummy of Amenirdis
Momie d'Amenardis
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

L'un des problèmes que pose la compréhension des concepts religieux entourant la mort et la momification est l'impossibilité de savoir à quel point ces croyances étaient répandues et dogmatiques dans l'ensemble de la société égyptienne. Malheureusement, la quasi-totalité des documents égyptiens anciens proviennent des riches, de la royauté ou de la prêtrise. Comme l'affirment Hamilton-Paterson et Andrews, "on en sait tellement sur la vie et la culture des Égyptiens de la classe supérieure qu'il n'y a plus de place pour les spéculations transcendantales" (20) ; cependant, il n'en va pas de même pour les croyances des paysans de la société égyptienne inférieure. La prévalence de la magie et des cultes (comme en témoignent les nombreuses références dans les tombes et les sites funéraires) comprend également des références à des divinités obscures ou inouïes et à des religions à mystères, ce qui suggère que tous les Égyptiens n'adhéraientt pas forcément aux présomptions théologiques du mythe d'Osiris.

Malgré tout, on peut percevoir un fil conducteur dans presque toutes les pratiques funéraires anciennes, de l'Ancien au Nouvel Empire, en dépit des différences superflues. Les archéologues et les historiens ont été (et sont toujours) stupéfaits et impressionnés par le soin et la délicatesse apportés au défunt pendant le processus de momification. Il ne fait aucun doute que ce traitement méticuleux et méthodique est né dans l'Égypte ancienne d'un sentiment culturel d'unité et d'espoir dans l'au-delà, où la décomposition "bouleversait toute cette théologie"». (Hamilton-Paterson & Andrews, 35).

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

John S. Knox
Le Dr John S. Knox a enseigné la sociologie, l'histoire et la religion pendant près de 20 ans dans des universités chrétiennes du nord-ouest du Pacifique et de la côte est. Il est l'auteur de 10 livres à ce jour, ainsi que de nombreux articles scientifiques sur la sociologie, l'histoire et la religion.

Citer cette ressource

Style APA

Knox, J. S. (2016, juin 29). Contexte Culturel et Théologique de la Momification en Égypte [Cultural & Theological Background of Mummification in Egypt]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-914/contexte-culturel-et-theologique-de-la-momificatio/

Style Chicago

Knox, John S.. "Contexte Culturel et Théologique de la Momification en Égypte." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le juin 29, 2016. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-914/contexte-culturel-et-theologique-de-la-momificatio/.

Style MLA

Knox, John S.. "Contexte Culturel et Théologique de la Momification en Égypte." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 29 juin 2016. Web. 20 déc. 2024.

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