Bien que les mariages dans l'Égypte ancienne aient été arrangés pour la stabilité de la communauté et l'avancement personnel, il y a des preuves que l'amour romantique était aussi important pour le peuple qu'il l'est pour ceux d'aujourd'hui. L'amour romantique était un thème populaire pour la poésie, surtout au Nouvel Empire (1570-1069 av. J.-C.), où l'on trouve des œuvres louant les vertus d'un amant ou d'un épouse.
Le papyrus I Chester Beatty, datant d'environ 1200 avant notre ère, en fait partie. Dans cette pièce, l'orateur parle de sa "sœur", mais il ne s'agit pas d'une véritable parente. Les femmes étaient communément appelées "sœur", les femmes plus âgées "mère", les hommes du même âge "frères" et les hommes plus âgés "pères". Dans le passage du papyrus Chester Beatty, le locuteur ne fait pas seulement l'éloge de sa bien-aimée, mais présente l'idéal égyptien de la beauté féminine de l'époque :
Ma sœur est unique - personne ne peut rivaliser avec elle, car c'est la plus belle femme du monde. Elle est comme Sirius qui marque le début d'une bonne année. Elle rayonne de perfection et resplendit de santé. Le regard de ses yeux est magnifique. Ses lèvres parlent avec douceur, et pas un mot de trop. Elle a un long cou et une poitrine laiteuse, ses cheveux sont de la couleur du lapis pur. L'or n'est rien comparé à ses bras et ses doigts sont comme des fleurs de lotus. Ses fesses sont pleines mais sa taille est étroite. Quant à ses cuisses, elles ne font qu'ajouter à sa beauté. (Lewis, 203)
Dans l'Égypte ancienne, les femmes se voyaient accorder un statut presque égal à celui des hommes, conformément à un ancien conte selon lequel, après l'aube de la création, lorsqu'Osiris et Isis régnaient sur le monde, Isis avait rendu les sexes égaux en pouvoir. Pourtant, les hommes étaient considérés comme le sexe dominant et des scribes majoritairement masculins écrivaient la littérature qui influençait la façon dont les femmes étaient perçues.
Dans le passage ci-dessus, la femme est "à la poitrine laiteuse" (également traduit par "blanche de poitrine") non pas parce qu'elle était caucasienne mais parce que sa peau était plus claire que celle d'une personne qui devait travailler dans les champs toute la journée. Les femmes étaient traditionnellement responsables de la maison et les femmes de la classe supérieure mettaient un point d'honneur à ne pas s'exposer au soleil, car une peau plus foncée signifiait qu'elles appartenaient à la classe inférieure de la paysannerie qui travaillait à l'extérieur. Ces membres de la classe inférieure de la société éprouvaient les mêmes sentiments de dévotion et d'amour que ceux qui se trouvaient plus haut dans l'échelle sociale et de nombreux Égyptiens antiques vivaient l'amour, le sexe et le mariage de la même manière qu'un individu moderne.
Amour dans l'Égypte ancienne
Le roi d'Égypte le plus célèbre de nos jours n'est pas connu pour ses exploits, mais pour sa tombe intacte découverte en 1922. Le pharaon Toutânkhamon (1336-1327 av. J.-C.), encore jeune homme lorsqu'il accéda au trône, fit de son mieux pour restaurer la stabilité et les pratiques religieuses égyptiennes après le règne de son père Akhenaton (1353-1336 av. J.-C.). Il le fit en compagnie de sa jeune épouse et demi-sœur Ânkhésenamon (vers 1350 avant J.-C.) et les images d'eux deux ensemble sont parmi les représentations les plus intéressantes de l'amour romantique dans l'Égypte ancienne.
Ânkhésenamon est toujours représentée avec son mari, mais cela n'a rien d'inhabituel car ces images sont courantes. Ce qui rend ces images si intéressantes, c'est la façon dont l'artiste souligne leur dévouement mutuel par leur proximité, les gestes des mains et les expressions du visage. L'égyptologue Zahi Hawass note :
À en juger par leur représentation dans les œuvres d'art qui remplissent la tombe du roi d'or, c'était certainement le cas [qu'ils s'aimaient]. Nous pouvons ressentir l'amour entre eux lorsque nous voyons la reine debout devant son mari, lui offrant des fleurs et l'accompagnant pendant qu'il chassait. (51)
Toutânkhamon mourut vers l'âge de 18 ans et Ânkhésenamon disparut des archives historiques peu après. Même si les représentations de ces deux personnages étaient idéalisées, comme la plupart des œuvres d'art égyptiennes, elles n'en véhiculent pas moins un profond sentiment de dévotion que l'on retrouve, à des degrés divers, dans d'autres peintures et inscriptions de l'histoire de l'Égypte.
Dans une inscription de cercueil de la 21e dynastie, un mari dit de sa femme : "Malheur, tu m'as été enlevée, celle qui avait un beau visage ; il n'y en avait pas de semblable et je n'ai rien trouvé de mauvais en toi". Dans cette inscription, le mari se signe lui-même "ton frère et ton compagnon" et dans de nombreuses autres inscriptions similaires, les hommes et les femmes sont considérés comme des partenaires égaux et des amis dans une relation. Même si l'homme était le chef de famille et qu'il devait être obéi, les femmes étaient respectées en tant que collaboratrices de leur mari, et non en tant que subordonnées. L'égyptologue Erika Feucht écrit :
Dans les décorations de la tombe de son mari, l'épouse est représentée comme une égale, participant à la vie de son mari sur terre comme dans l'au-delà. Non seulement elle n'avait pas à cacher son corps à aucune période de l'histoire égyptienne, mais ses charmes étaient même accentués dans les peintures murales et les reliefs. (Nardo, 29)
La sexualité dans l'Égypte ancienne était considérée comme un aspect parmi d'autres de la vie sur terre. Il n'y avait pas de tabous concernant le sexe et aucun stigmate n'était attaché à aucun de ses aspects, à l'exception de l'infidélité et, parmi les classes inférieures, de l'inceste. Dans ces deux cas, le stigmate était bien plus grave pour une femme que pour un homme, car la lignée était transmise par la femme. L'historien Jon E. Lewis note :
Bien que les anciens Égyptiens aient eu une attitude détendue à l'égard des relations sexuelles entre adultes consentants (il n'y avait pas de stigmate particulier contre les enfants illégitimes), lorsqu'une femme se mariait, on attendait d'elle qu'elle soit fidèle à son mari. Celui-ci pouvait ainsi être certain que les enfants issus de leur union - ses héritiers et les héritiers de ses biens - étaient les siens. Il n'y avait pas de sanction officielle contre une femme ayant des relations extraconjugales. Les punitions privées étaient le divorce, les coups et parfois la mort. (204)
Bien que cela soit vrai, il existe des documents indiquant que des représentants du gouvernement étaient intervenus dans des affaires et avaient ordonné la mise à mort d'une femme pour adultère lorsque le mari avait porté l'affaire à l'attention des autorités. Dans un cas précis, la femme avait été attachée à un pieu à l'extérieur de sa maison qu'elle avait souillée aux dires des juges et elle fut brûlée à mort.
Les Égyptiens de l'Antiquité et le sexe
Des histoires et des avertissements concernant les femmes infidèles apparaissent fréquemment dans la littérature égyptienne ancienne. L'une des plus populaires est le Conte des deux frères qui raconte l'histoire d'Anubis et de Bata et de la femme d'Anubis. Anubis, le frère aîné, vivait avec sa femme et son jeune frère Bata. Un jour, lorsque Bata revint des champs pour prendre plus de graines à semer, la femme de son frère tente de le séduire. Bata refusa, disant qu'il ne dirait à personne ce qui s'était passé, et retourna aux champs et à son frère. Lorsqu'Anubis rentra à la maison plus tard, il trouva sa femme "étendue là et on aurait dit qu'elle avait subi la violence d'un malfaiteur". Elle prétendit que Bata avait essayé de la violer et cela retourna Anubis contre son frère. Cette histoire, datant d'environ 1200 avant J.-C., est une source d'inspiration possible pour le récit biblique ultérieur de la Genèse 39:7 de Joseph et de la femme de Potiphar.
L'histoire de la femme infidèle était un thème extrêmement populaire en raison des problèmes que l'infidélité pouvait causer. Dans l'histoire d'Anubis et de Bata, leur relation fut détruite et la femme tuée mais, avant de mourir, elle continua à causer des problèmes dans la vie des frères et, plus tard, dans la communauté au sens large. L'importance accordée par les Égyptiens à la stabilité et à l'harmonie sociales dut rendre ce sujet particulièrement intéressant pour le public.
L'une des histoires les plus populaires concernant les dieux était celle d'Osiris et Isis et du meurtre d'Osiris par son frère Seth. Dans la version la plus largement copiée de cette histoire, Seth décide de tuer Osiris après que Nephtys (la femme de Seth) se soit déguisée en Isis pour séduire Osiris. Le chaos qui suit le meurtre d'Osiris, dans un contexte d'infidélité, aurait fait une forte impression sur un public antique. Osiris est considéré comme innocent dans le récit car il pensait coucher avec sa femme. Comme dans les autres contes, la faute est rejetée sur "l'autre femme" ou "l'étrange femme", Nephtys.
Outre ces contes encourageant la fidélité, il n'existe pas beaucoup d'écrits sur le sexe dans l'Égypte ancienne. Il existe très peu d'informations sur les positions et les pratiques sexuelles, ce qui est généralement interprété par les spécialistes comme signifiant que les Égyptiens accordaient peu d'importance à ce sujet. Il n'existe aucune interdiction de l'homosexualité et l'on pense que Pépi II (2278-2184 av. J.-C.), qui vécut longtemps, était homosexuel. Les femmes célibataires étaient libres d'avoir des relations sexuelles avec qui elles voulaient et le papyrus médical Ebers, écrit vers 1542 avant notre ère, fournit des recettes de contraceptifs. L'une d'entre elles se lit comme suit :
Prescription pour qu'une femme cesse d'être enceinte pendant un, deux ou trois ans. Broyez ensemble finement une mesure de dattes d'acacia avec un peu de miel. Humidifiez la laine de graines avec le mélange et insérez-la dans le vagin. (Lewis, 112)
Les avortements étaient également disponibles et ils n'étaient pas plus stigmatisés que les relations sexuelles pré-maritales. En fait, il n'y a pas de mot pour "vierge" en égyptien ancien, ce qui suggère que le degré d'expérience sexuelle d'une personne - ou son absence - n'était pas considéré comme une question de quelconque importance. La prostitution n'était pas non plus considérée comme un problème et, comme le note l'égyptologue Steven Snape, "les preuves de prostitution dans l'Égypte ancienne sont plutôt minces, surtout avant la période tardive" (116). Aucun bordel n'a été identifié en Égypte et la prostitution n'est mentionnée dans aucun ouvrage écrit ou décision juridique.
Le célèbre papyrus Turin 55001, qui décrit diverses rencontres érotiques, continue d'échapper à une interprétation ferme quant à savoir s'il décrit des liaisons sexuelles entre une prostituée et un client ou s'il s'agit d'une farce. Bien plus grave qu'une prostituée ou une femme manquant ou excellant dans les prouesses sexuelles était celle qui pouvait tenter un homme loin de sa femme et de sa famille. Le conseil du scribe Ani met en garde :
Méfiez-vous de la femme qui est une étrangère, qui n'est pas connue dans sa ville. Ne la regardez pas quand elle passe et n'ayez pas de rapports sexuels avec elle. Une femme éloignée de son mari est une eau profonde dont le cours est inconnu. (Lewis, 184)
Comme les Égyptiens appréciaient l'harmonie sociale, il est logique qu'ils aient accordé une importance particulière aux histoires encourageant la tranquillité domestique. Il est intéressant de noter qu'il n'existe pas d'histoires similaires dans lesquelles les hommes sont à blâmer. La monogamie était considérée comme une valeur importante, même dans les histoires de dieux, et les dieux masculins n'avaient généralement qu'une seule épouse ou consort, mais le roi était autorisé à avoir autant d'épouses qu'il pouvait en supporter, comme tout homme royal ayant les moyens de le faire, ce qui influença très probablement la façon dont l'infidélité masculine était perçue. Néanmoins, l'idéal de la relation égyptienne antique était un couple qui restait fidèle l'un à l'autre et qui produisait des enfants.
Le mariage dans l'Égypte ancienne
Il n'y avait pas de cérémonie de mariage dans l'Égypte ancienne. Une femme était mariée à un homme dès qu'elle entrait chez lui avec les biens convenus. Les mariages étaient généralement arrangés par les parents avec une dot convenue et des cadeaux réciproques de la famille du marié à celle de la mariée. Les accords prénuptiaux étaient courants et les biens matériels que la mariée apportait au mariage lui appartenaient et elle pouvait en disposer à sa guise. Le but du mariage était d'avoir des enfants, mais les couples devaient s'aimer et s'honorer mutuellement. L'égyptologue Barbara Watterson commente ce point :
Prendre une femme semble avoir été synonyme de fonder une maison. On attendait de l'homme qu'il aime sa femme, comme l'indique clairement l'exhortation suivante du sage Ptah-hotep : "Aime ta femme, nourris-la, habille-la, rends-la heureuse... mais ne la laisse pas prendre le dessus !". Un autre sage, Ani, propose une recette pour une vie heureuse : "Ne donne pas d'ordre à ta femme dans sa propre maison quand tu sais qu'elle est efficace. Ne lui dites pas sans cesse : "Où est-ce que c'est ? Apporte-le moi !' surtout quand tu sais qu'il est à l'endroit où il doit être !". (15)
Le marié et le père de la mariée rédigeaient un contrat de mariage qui était signé devant témoins et le couple était alors considéré comme marié. Les enfants issus du mariage appartenaient à la mère et, en cas de divorce, allaient avec elle. Même si les mises en garde contre la femme infidèle sont nombreuses, les femmes bénéficient d'une énorme liberté dans le mariage. L'historien Don Nardo écrit :
Dans la plupart des sociétés anciennes, les femmes n'étaient guère plus que des biens aux yeux de la plupart des hommes et l'accent était presque toujours mis sur la façon dont les femmes pouvaient ou devaient rendre les hommes heureux. Il est vrai que, comme d'autres pays antiques, l'Égypte était largement dominée par les hommes et que, dans la plupart des cas, les femmes étaient censées obéir à leurs maris. Pourtant, de nombreux couples égyptiens semblent avoir eu des relations positives et aimantes. (23)
Les peintures des tombes, ainsi que d'autres œuvres d'art et inscriptions, montrent des maris et des femmes mangeant, dansant et travaillant ensemble. Dans les familles royales, un frère pouvait épouser une sœur ou une demi-sœur, mais cette pratique était découragée par le reste de la population. Pour la plupart des gens, le mariage était arrangé pour le plus grand bénéfice des deux parties et on espérait qu'en vivant ensemble, ils finiraient par s'aimer, si ce n'était pas déjà le cas. Nardo écrit :
Même s'il n'était pas profondément amoureux de sa femme, un homme pouvait trouver une certaine dose de bonheur en sachant qu'elle était satisfaite, qu'elle s'occupait volontiers d'une maison bien rangée et bien gérée et qu'elle enseignait les bonnes manières aux enfants. Il pouvait également être fier du fait qu'il travaillait dur pour mettre de la nourriture sur la table et un toit sur leurs deux têtes. (23-24)
L'unité familiale nucléaire stable était considérée comme la base d'une société stable. Bien que les membres de la famille royale étaient libres d'épouser qui ils voulaient (à l'instar des mariages entre frères et sœurs de divinités telles qu'Isis et Osiris ou Nout et Geb), les gens du peuple étaient encouragés à se marier en dehors de leur lignée, sauf dans le cas de cousins. Les filles étaient mariées dès l'âge de 12 ans et les garçons à 15 ans, bien que l'âge moyen semble avoir été de 14 ans pour les filles et de 18 ou 20 ans pour les garçons.
À cette époque, un garçon avait déjà appris le métier de son père et s'y était exercé, tandis qu'une fille, à moins qu'elle n'ait été de souche royale, avait été formée à la gestion du foyer et aux soins à apporter aux jeunes, aux personnes âgées de la famille et aux animaux domestiques. L'historien Charles Freeman note que "la famille était l'unité vivante de la société égyptienne. Les peintures murales et les sculptures montrent des couples satisfaits, les bras serrés l'un contre l'autre, et il y avait un idéal de soins pour les jeunes et les vieux" (Nardo, 25). Cependant, ces mariages ne fonctionnaient pas toujours et, dans ce cas, le divorce était prononcé.
Le divorce égyptien
La fin d'un mariage était aussi simple que son début. L'un des conjoints ou les deux demandaient le divorce, les biens matériels étaient partagés conformément à l'accord prénuptial, un nouvel accord était signé et le mariage était terminé. L'historienne Margaret Bunson note que "ces dissolutions de mariage nécessitaient une certaine ouverture d'esprit concernant les droits de propriété et la survie économique de l'ex-épouse" (156).
Elle entend par là que même les possessions que le mari avait pu considérer comme siennes devaient être partagées avec sa femme conformément à l'accord initial. Tout ce avec quoi elle était entrée dans le mariage, elle était autorisée à l'emporter à la fin de celui-ci. Seule une accusation d'infidélité, amplement prouvée, privait la femme de ses droits au divorce.
Au cours du Nouvel Empire et de la Basse époque, ces accords se compliquèrent car les procédures de divorce semblent être devenues plus codifiées et une autorité centrale était davantage impliquée dans les procédures. Bunson note comment "de nombreux documents des périodes tardives semblent être de véritables contrats de mariage. En cas de divorce, la dot fournie par le marié au moment du mariage revenait à l'épouse pour son entretien ou un paiement unique lui était versé " (156). La pension alimentaire était également une option, le mari envoyant à son ex-femme une allocation mensuelle jusqu'à ce qu'elle ne se remarie, même s'il n'y avait pas d'enfants.
Le mariage éternel
Le mariage était censé durer toute la vie, et se poursuivait même dans l'au-delà. La plupart des hommes ne vivaient que jusqu'à la trentaine et les femmes mouraient souvent en couches dès l'âge de seize ans, mais vivaient un peu plus longtemps que les hommes. Si l'on avait une bonne relation avec son conjoint, l'espoir de le revoir adoucissait quelque peu la perte causée par un décès. Les peintures et les inscriptions des tombes représentent le couple appréciant la compagnie de l'autre dans le champ de roseaux et faisant les mêmes choses que lorsqu'ils étaient sur terre.
La croyance égyptienne en l'éternité était un fondement important du mariage dans la mesure où l'on s'efforçait de rendre sa vie sur terre, et celle des autres, aussi agréable que possible afin d'en profiter pour toujours. Pour les Égyptiens, il n'y avait pas de "paradis" dans un autre monde, mais une continuation directe de la vie que l'on avait vécue. Bunson écrit:
L'éternité était une période d'existence sans fin qu'aucun Égyptien ne devait craindre. L'un de ses anciens noms était nuheh, mais on l'appelait aussi shenu, qui signifie rond, donc éternel ou sans fin, et qui devint la forme des cartouches royaux. (86)
Après la mort, on se présentait devant Osiris et, si on était justifié, on passait au Champ des roseaux. On y trouvait tout ce qu'on avait laissé derrière soi sur terre - sa maison, son arbre préféré, son chien ou son chat préféré, et les personnes qui étaient déjà décédées, y compris son conjoint. Cependant, si l'on n'avait pas bien traité sa femme ou son mari dans la vie terrestre, cette rencontre pourrait ne jamais avoir lieu et, pire, on pourrait trouver sa propre souffrance dans cette vie et dans l'autre. Il existe de nombreux exemples d'inscriptions et de formules magiques destinées à conjurer la malchance ou les circonstances qui, pensait-on, étaient causées par un conjoint dans l'au-delà qui hantait une personne ou se vengeait de l'autre côté par le biais de mauvais esprits.
Parfois, la personne ainsi affligée contactait un prêtre pour qu'il intercède auprès du défunt et mette fin à la malédiction. Dans ce cas, un homme ou une femme se rendait chez le prêtre et faisait rédiger un sort expliquant sa version des faits et implorant l'esprit du conjoint d'arrêter ce qu'il faisait. Si, d'autre part, la personne était réellement coupable d'un méfait, elle devait le confesser et l'expier d'une manière ou d'une autre. Les prêtres prescrivaient l'expiation nécessaire et, une fois celle-ci accomplie, la malédiction était levée. Les tessons de céramique brisés sur différents sites cérémoniels témoignent de la gratitude envers un dieu ou une déesse pour leur intercession dans de telles affaires ou des supplications demandant leur aide pour repousser la vengeance du conjoint.
Une autre façon de résoudre de tels conflits était d'effacer de l'existence tout souvenir de la personne concernée. Cela se faisait en détruisant toutes les images que l'on avait d'elle. Un exemple célèbre est le tombeau mastaba de Kaiemankh, fonctionnaire de la 6e dynastie, qui fit effacer des murs toute trace de sa femme Tjeset. L'esprit d'une personne ne vivait que si les habitants de la terre se souvenaient d'elle, et les grands monuments, obélisques et temples, comme celui de Karnak à Thèbes, étaient autant d'efforts pour assurer la pérennité du souvenir. Une fois que le nom et l'image d'une personne étaient perdus, son âme était diminuée et elle n'était peut-être plus capable de continuer à vivre dans le champ des roseaux. Elle ne pouvait certainement plus causer de problèmes sur terre, car l'esprit devait être capable de voir une image d'elle-même ou de son nom pour pouvoir revenir.
De tels problèmes, espérait-on, pouvaient être évités en vivant sa vie dans la conscience de l'harmonie éternelle et en pratiquant la bonté dans sa vie quotidienne. Le chercheur James F. Romano écrit : "Les Égyptiens aimaient la vie et espéraient en perpétuer les aspects les plus agréables dans l'au-delà" (Nardo, 20). Certains de ces aspects les plus agréables étaient l'amour, le sexe et le mariage, dont on pouvait jouir éternellement à condition d'en tirer le meilleur parti possible sur terre.