Germanicus (15 avant J.-C. - 19 après J.-C.) était un commandant de l'Empire romain jouissant d'une excellente réputation à l'époque de l'empereur Tibère. Sa position dans l'Empire romain était unique et importante. Son mariage avec Agrippine l'aînée (petite-fille d'Auguste) lia les branches juliennes et claudiennes de la famille impériale. Avec leurs enfants, ils devinrent la famille la plus populaire de Rome. Sa mort déclencha des troubles politiques qui résultèrent dans l'exil de sa femme et de leur fils aîné, ainsi que la mort de leur second fils. Néanmoins, en raison de sa popularité et de sa carrière militaire, les deux empereurs suivants, Caligula et Claude, dont aucun n'avait de références militaires propres, évoquèrent constamment son nom et leur relation avec lui dans son rôle de substitut auprès de l'armée.
Enfance de Germanicus
Germanicus Julius Caesar naquit en 15 av. J.-C. de Nero Claudius Drusus (Drusus l'Ancien), fils de Livia, l'épouse d'Auguste, issu de son premier mariage, et d'Antonia Minor, fille d'Octavia, la sœur d'Auguste, issue de son mariage avec Marc-Antoine. Le nom de Germanicus lui fut donné lorsqu'il fut attribué à son père à titre posthume en l'honneur de ses victoires en Germanie.
En 4 avant J.-C., il devenait urgent pour Auguste de prendre des dispositions pour continuer le principat après sa mort. Ses tentatives précédentes, l'adoption de son neveu Marcellus et plus tard de ses petits-fils Gaius et Lucius, échouèrent avec leur mort prématurée. Auguste adopta alors son beau-fils Tibère et Postumus Agrippa, frère cadet des défunts Gaius et Lucius. L'empereur demanda ensuite à Tibère d'adopter Germanicus afin d'assurer la succession, malgré le fait que Tibère avait lui-même un fils, Nero Claudius Drusus (Drusus le Jeune), qui avait quelques années de moins que Germanicus.
Le plan d'Auguste en l'an 4 de notre ère prévoyait que Germanicus épouse Agripinne l'aînée. Outre le fait qu'elle apportait le prestige de son sang julien à la branche claudienne de la famille, Agripinne se révéla très fertile, donnant naissance à neuf enfants au cours des quatorze années suivantes, dont six survécurent à leur père.
En tant que jeune homme de la famille impériale, la carrière de Germanicus dans les arènes militaires et politiques de Rome progressa rapidement. Il fut autorisé à se présenter à la questure en 7 de notre ère, à l'âge de 20 ans, soit quatre ans plus tôt que l'âge minimum autorisé pour ce poste sous l'Empire. Il accéda ensuite directement au poste de consul en 12 de notre ère. Dans ses fonctions militaires, sa femme Agrippine, fille d'un grand général, était toujours à ses côtés. Ses enfants devinrent également une ressource importante pour les relations publiques de la famille impériale. En plus de voyager avec Germanicus et Agrippine, les enfants étaient "exhibés" aux côtés d'Auguste et de Germanicus chaque fois que l'occasion se présentait.
Germanicus occupa des postes subordonnés sur la frontière du Danube sous Tibère de 7 à 9 de notre ère. Tibère fut ensuite transféré à la frontière du Rhin en réponse au désastre qui frappa Publius Quinctilius Varus lorsque ses trois légions furent piégées et massacrées à la bataille de la forêt de Teutobourg par une alliance de tribus germaniques dirigée par Arminius. Germanicus rejoignit Tibère en Allemagne en l'an 11 de notre ère et partit passer l'an 12 à Rome en tant que consul, renforçant ainsi sa propre position de second en ligne pour le principat. Postumus Aggripa, qui était l'héritier du principat avec Tibère, était entre-temps tombé en disgrâce et banni.
Mutinerie des légions du Rhin
Auguste mourut en 14 de notre ère, suivi de peu par Postumus Agrippa. La stabilité de l'Empire romain fut mise à l'épreuve par la première transition du pouvoir impérial. Des mutineries éclatèrent aux frontières du Danube et de l'Allemagne, où Germanicus exerçait la fonction de gouverneur. Germanicus était, à ce moment-là, un chef très populaire - plus populaire que Tibère, et pour une légion romaine, la loyauté envers un commandant de campagne était une évidence. Les relations de Germanicus avec Auguste étaient également utiles, et sa tactique de relations publiques consistant à habiller son jeune fils Gaius en petit soldat (ce qui valut à Gaius le surnom de Caligula, ou "petites bottes") rendit Germanicus et sa famille encore plus adulés. Les légionnaires de l'ouest proposèrent de prêter serment à Germanicus comme nouvel empereur plutôt qu'à Tibère. Germanicus refusa d'accepter leur serment d'allégeance, mais il dut tout de même tenter d'aider les soldats à réprimer la rébellion tout en gardant leurs faveurs. Germanicus devait agir rapidement en raison de la menace d'une attaque ennemie. Il tenta de les calmer en les menaçant de se suicider, ce qui s'avéra inefficace car certains soldats lui offrirent leurs épées pour qu'il puisse se poignarder. Après s'être regroupés, sa solution fut de falsifier une lettre de Tibère qui donnait aux soldats tout ce qu'ils avaient demandé. Le paiement des légions était le moyen le plus rapide de régler cette mutinerie et d'accroître la popularité de Germanicus auprès des soldats.
Puis les envoyés de Tibère arrivèrent de Rome, et les soldats comprirent rapidement que la lettre était un faux. Ils tirèrent Germanicus hors de son lit et menacèrent sa femme et son fils Caligula qui étaient avec lui. En larmes, selon Tacite, Germanicus demanda à ses hommes de le laisser renvoyer sa femme et son jeune fils. Ce discours adressé à ses troupes au moment où Agrippine et Caligula se préparaient à quitter le camp eut plus d'effet que n'importe quelle autre de ses actions.
Germanicus réussit à mettre fin à la mutinerie en incitant ses soldats à montrer qu'ils étaient désolés. Les soldats, honteux d'eux-mêmes, se préparèrent à punir et à exécuter eux-mêmes les chefs rebelles. Toujours très conscient de son image, Germanicus laissa les soldats régler cette affaire. Il choisit de ne pas intervenir, ni en donnant l'ordre, ni en endossant quelque responsabilité que ce soit. Ainsi, il put faire punir les chefs rebelles sans encourir de ressentiment à son égard. Il obtint que les soldats se disciplinent eux-mêmes et se préserva de tout désagrément. Cependant, en coulisses, Germanicus ordonna à son général Aulus Caecina Severus de rassembler quelques hommes de confiance parmi les deux légions encore hostiles, et de leur faire tuer les chefs de la révolte dans leurs tentes. Germanicus, une fois la mutinerie terminée, paya également ses soldats de sa propre poche afin de s'assurer de leur loyauté envers lui.
Germanicus traverse le Rhin
Germanicus était assez astucieux pour se rendre compte que l'oisiveté jouait un grand rôle dans les mutineries. Pour détourner ses soldats et récupérer non pas une enseigne légionnaire romaine mais bel et bien trois, perdues par les légions de Varus, Germanicus fit traverser le Rhin à 12 000 légionnaires romains avec des détachements d'auxiliaires et de cavaliers. En 15 de notre ère, il effectua un raid soudain contre les Chattes. Au milieu de cette guerre, Tibère lui décerna un triomphe et fit de Germanicus un membre d'un nouveau collège de prêtres d'Auguste. Comme il était en pleine guerre, Germanicus dut retarder son retour à Rome pour le triomphe promis. Prenant les Chattes par surprise, il les massacra et refusa de négocier la paix. N'oubliant jamais sa diplomatie, il sauva le chef germain Ségeste et ses compatriotes d'un siège d'Arminius, qui avait vaincu Varus et ses légions, gagnant ainsi la gratitude de Ségeste et de Tibère.
L'an 16 fut marqué par des troubles en Orient. Germanicus construisit une grande flotte de mille navires dont l'objectif était le delta du Rhin. Son père Drusus avait été le premier romain à naviguer sur l'océan germanique. Le fils fit le voyage jusqu'au Zuyderzee sans encombre. Le voyage de retour fut entaché de graves dégâts causés aux navires par de violentes tempêtes. Germanicus, qui atteignit la terre ferme en toute sécurité, envoya des bateaux pour sauver les survivants. Puis ils rentrèrent dans leurs quartiers d'hiver. Des lettres urgentes de Tibère les attendaient, lui demandant de revenir enfin à Rome pour le triomphe qui avait été décrété en son nom. Germanicus retourna donc à Rome en tant qu'homme du jour. Le triomphe de Germanicus eut lieu le 26 mai de l'an 17. Ses cinq enfants vivants l'accompagnaient dans le défilé ce qui promettait un avenir long et stable à Rome.
Maius imperium (pouvoir suprême)
En 18 de notre ère, Germanicus fut à nouveau nommé consul, et cette fois, il partagea l'honneur avec l'empereur, une distinction réservée à un futur héritier. Tibère lui avait donné le maius imperium - une autorité suprême sur le territoire à l'est de l'Adriatique, un commandement qui était non seulement géographiquement illimité, mais qui supplantait également l'autorité de tous les gouverneurs de la région. Le besoin de cette autorité était dû aux luttes de pouvoir au sein des territoires romains d'Asie Mineure ainsi qu'à la nécessité de donner à Germanicus une responsabilité qui corresponde à son statut d'héritier désigné. Germanicus fit route vers sa nouvelle base à Antioche, la province impériale de Syrie, par un grand tour de la Méditerranée orientale, s'arrêtant à Actium, Athènes et sur le site de l'ancienne Troie.
Une fois en Syrie, Germanicus entra en conflit avec Gnaeus Calpurnius Piso (Pison), que Tibère avait nommé gouverneur de cette province au moment où Germanicus recevait son autorité. Germanicus et Pison, ainsi que leurs épouses, pensaient chacun que l'autre outrepassait sa juridiction. Germanicus remplit les ordres de Tibère pour afficher une présence romaine dans la région et régler les affaires internes. En Arménie, il couronna Artaxias, qui était un allié, et installa le premier gouverneur romain de la nouvelle province de Cappadoce.
Germanicus quitta l'Asie mineure en 19 de notre ère pour se rendre en Égypte. Bien que ce voyage ait été programmé en réponse à des rapports de famine dans la région, il comprenait une visite touristique de ses sites antiques renommés. Germanicus fut chaleureusement accueilli et il se rendit encore plus populaire auprès des autochtones en baissant le prix du grain et en ouvrant lui-même les portes des entrepôts à grain. Malheureusement, en baissant le prix du grain, il commit l'erreur d'interférer avec les règles impériales et fut donc réprimandé par l'empereur. L'Égypte était le grenier de l'Empire et pratiquement un domaine impérial privé. En agissant de la sorte, il se mettait également à dos Tibère.
Lorsque Germanicus retourna en Syrie à la fin de l'été, il constata que Pison avait défait tous les arrangements qu'il avait pris. Germanicus renonça à son amicitia (amitié) avec Piso et le bannit de sa compagnie. Pison prétendit également que Germanicus lui avait ordonné de quitter son poste ainsi que la province. Pison abandonna son commandement et se rendit sur une île au large de la côte afin de pouvoir revenir lorsque l'occasion se présenterait. Germanicus tomba malade peu après son retour d'Égypte. Il soupçonna Pison de l'avoir maudit en plaçant des objets de magie noire dans sa maison et d'être en train de l'empoisonner.
La mort de Germanicus
Germanicus mourut à Antioche le 10 octobre de l'an 19. Les sources antiques font état de traces de poison sur son cadavre, telles que des ecchymoses et de l'écume à la bouche. Les panégyriques le comparent à Alexandre, qui mourut au même âge. Ses aides en Syrie désignèrent Gnaeus Sentius Saturninus pour occuper le poste abandonné par Pison. Pison tenta de retrouver son ancien poste de gouverneur en affirmant que Germanicus l'avait illégalement forcé à quitter la province parce qu'il était le seul assez fort pour empêcher Germanicus de tenter un coup d'État contre Tibère. Pison revint en Syrie avec sa propre force militaire. Son retour fut cependant facilement contré et il fut renvoyé à Rome pour y être jugé pour trahison. Mort, peut-être même martyrisé, Germanicus demeurait néanmoins une force formidable dans la politique romaine.
La mort de Germanicus au milieu de sa carrière prometteuse l'empêcha de devenir empereur. Il n'en influença pas moins l'histoire pendant les cinquante années suivantes, non seulement par la réputation qu'il s'était forgée de son vivant, mais aussi par son rôle de père d'un empereur (Caligula), de frère d'un autre (Claude) et de grand-père d'un troisième (Néron).