Le mot labyrinthe vient du grec labyrinthos et décrit toute structure en dédale avec un seul chemin, ce qui le différencie d'un véritable labyrinthe qui peut avoir plusieurs chemins reliés de manière complexe. Étymologiquement, le mot est lié au minoen labrys ou "double hache", symbole de la déesse mère minoenne de Crète, bien que le mot actuel soit d'origine lydienne et soit probablement arrivé en Crète depuis l'Anatolie (Asie mineure) par le biais du commerce.
Les labyrinthes et les symboles labyrinthiques ont été datés de l'âge néolithique dans des régions aussi diverses que la Turquie, l'Irlande, la Grèce et l'Inde d'aujourd'hui, entre autres. Dans les textes tantriques de l'Inde, le labyrinthe figure souvent dans la conception des mandalas, tandis qu'en Grande-Bretagne et en Irlande, il est préfiguré dans les marques d'anneaux et de coupes que l'on trouve souvent dans le travail de la pierre et dans les célèbres dessins en spirale que l'on trouve sur des sites tels que Newgrange.
Le labyrinthe a été défini comme étant différent du dédale en ce sens que, comme indiqué ci-dessus, un labyrinthe a généralement un seul chemin qui serpente à travers lui alors qu'un dédale peut en avoir plusieurs. Néanmoins, les termes labyrinthe et dédale sont souvent utilisés de manière interchangeable. Les chercheurs Alwyn et Brinley Rees discutent de la signification du labyrinthe-dédale et des raisons pour lesquelles sa conception semble avoir eu une telle résonance chez les peuples anciens, en particulier chez les Celtes:
Au cours des trois dernières décennies, on a beaucoup écrit sur la signification rituelle des labyrinthes, à la fois comme protection contre les pouvoirs surnaturels et comme chemin que les morts doivent emprunter pour se rendre dans le monde des esprits. Nous nous contenterons ici de noter que les labyrinthes sont, par rapport aux directions, ce que les entre-deux sont par rapport aux contraires. En traversant un labyrinthe, on ne va pas dans une direction particulière, et ce faisant, on atteint une destination qui ne peut être localisée en se référant aux points cardinaux. Selon la croyance populaire irlandaise, les fées et autres êtres surnaturels peuvent faire perdre à un homme ses repères... c'est lorsque les voyageurs ont perdu leur cap et embarqué leurs rames - lorsqu'ils ne vont nulle part - qu'ils arrivent dans les îles merveilleuses. (346)
Le labyrinthe/dédale peut donc avoir servi à aider une personne à trouver son chemin spirituel en l'éloignant délibérément de la compréhension commune du temps linéaire et de la direction entre deux points. En parcourant le labyrinthe, on se perd de plus en plus dans le monde extérieur et on découvre peut-être de façon inattendue son véritable chemin de vie. Le thème du labyrinthe menant au destin est illustré le plus clairement dans l'une des histoires les plus connues de la mythologie grecque: Thésée et le Minotaure.
Le labyrinthe de Crète
Le labyrinthe le plus célèbre se trouve dans la mythologie grecque, dans l'histoire de Thésée, prince d'Athènes. Ce labyrinthe avait été conçu par Dédale pour le roi Minos de Knossos, en Crète, afin de contenir le féroce mi-homme et mi-taureau connu sous le nom de Minotaure. Alors que Minos rivalisait avec ses frères pour la royauté, il pria Poséidon de lui envoyer un taureau blanc comme neige en signe de bénédiction du dieu pour sa cause. Minos était censé sacrifier le taureau à Poséidon mais, enchanté par sa beauté, il décida de le garder et de sacrifier l'un de ses propres taureaux, de bien moindre qualité. Poséidon, furieux de cette ingratitude, fit en sorte que Pasiphaé, la femme de Minos, tombe amoureuse du taureau et s'accouple avec lui. La créature qu'elle mit au monde fut le Minotaure, qui se nourrissait de chair humaine et ne pouvait être maîtrisé. Minos demanda alors à l'architecte Dédale de créer un labyrinthe dans lequel serait enfermé le monstre.
Comme Minos n'était guère intéressé par l'idée de nourrir la créature avec son propre peuple, il imposa à la ville d'Athènes un tribut qui comprenait l'envoi en Crète, chaque année, de sept jeunes hommes et jeunes filles qui seraient ensuite lâchés dans le labyrinthe et dévorés par le Minotaure. Le labyrinthe de Dédale était si complexe qu'il avait lui-même du mal à le parcourir et, après y être parvenu, Minos l'emprisonna, ainsi que son fils Icare, dans une haute tour pour l'empêcher de révéler le secret de la structure. Plus tard, dans un autre conte célèbre de la mythologie grecque, Dédale et Icare s'échappent de leur prison en utilisant des plumes d'oiseaux liées par de la cire pour former des ailes avec lesquelles ils s'envolent de la tour. Icare vole trop près du soleil, ce qui fait fondre la cire de ses ailes, et tombe dans la mer où il se noie.
Avant leur envol, Athènes envoyait chaque année les 14 jeunes gens en Crète pour qu'ils soient tués dans le labyrinthe, jusqu'à ce que Thésée, fils du roi Égée, ne jure de mettre fin aux souffrances de son peuple. Il se porte volontaire pour faire partie des hommages et quitte Athènes à bord d'un navire dont les voiles noires traditionnelles étaient hissées en signe de deuil pour les victimes. Il dit à son père que s'il réussit, il changera les voiles en blanc pendant le voyage de retour.
Une fois en Crète, Thésée attire l'attention d'Ariane, la fille de Minos, qui tombe amoureuse de lui et lui offre en secret une épée et une pelote de fil. Elle lui dit d'attacher le fil à l'ouverture du labyrinthe dès qu'il sera à l'intérieur et, après avoir tué le Minotaure, il pourra le suivre jusqu'à la liberté. Thésée tue le monstre, sauve les jeunes gens qui l'accompagnaient et s'échappe de Crète avec Ariane, mais l'abandonne sur l'île de Naxos sur le chemin du retour. Dans sa hâte d'atteindre Athènes, il oublie de changer les voiles du navire, et Égée, voyant les voiles noires revenir, se jette à la mer et meurt; Thésée lui succède alors.
Le labyrinthe, symbole du changement
Outre sa fonction de mythe d'origine - la mer Égée est ainsi nommée après la mort du roi Égée -, l'histoire se concentre sur le passage à l'âge adulte du prince Thésée et sur son accession au trône. Thésée est le grand héros qui sauve ses compagnons et délivre sa ville de la malédiction du Minotaure, mais il est aussi profondément imparfait, car il trahit volontairement la femme responsable de son succès et, sans le vouloir, cause la mort de son père en oubliant de changer la couleur des voiles.
Le labyrinthe sert de support à la transformation de Thésée de jeune homme en roi. Il doit entrer dans un labyrinthe que personne ne sait emprunter, tuer un monstre et retourner dans le monde qu'il connaît. Il y parvient tout en conservant ses défauts de jeunesse jusqu'à ce qu'il ne soit changé par la perte de son père et ne doive grandir et assumer des responsabilités d'adulte. Le labyrinthe lui avait donné l'opportunité de changer et de grandir mais, comme beaucoup de jeunes gens, Thésée avait résisté à cette opportunité jusqu'à ce que le changement ne lui soit imposé.
L'archéologue Arthur Evans (1851-1941) découvrit ce qu'il croyait être le labyrinthe de Knossos lors de ses fouilles entre 1900 et 1905. Bien que cette affirmation ait été contestée, le labyrinthe légendaire est toujours associé au site du palais de Minos à Knossos et les auteurs anciens y font référence comme à un site réel et non comme à une construction mythologique. Evans était certain de sa découverte et expliquait l'aspect mythologique du Minotaure par le sport minoen du saut de taureau (illustré dans des fresques sur les murs du palais) dans lequel, en saisissant les cornes du taureau et en sautant par-dessus l'animal, l'homme et le taureau semblaient ne former qu'une seule et même créature.
L'existence d'un réel labyrinthe à Knossos n'est cependant pas aussi importante que la signification du labyrinthe dans l'histoire en tant que symbole de changement et de transformation. Ce même type de symbolisme se retrouve ailleurs, notamment dans le labyrinthe le plus célèbre de l'Antiquité: celui d'Amenemhat III (c. 1860-1815 av. J.-C.) en Égypte.
Le labyrinthe de Hawara
Le labyrinthe de Hawara était si impressionnant que, selon Hérodote, il rivalisait avec toutes les merveilles du monde antique. L'érudit Miroslav Verner note que le complexe labyrinthique d'Amenemhat III fut "mentionné par d'anciens voyageurs" et poursuit:
Hérodote, Diodore de Sicile, Strabon et Pline l'Ancien y font tous référence. Selon Diodore, Dédale fut tellement impressionné par ce monument lors de son voyage en Égypte qu'il décida de construire un labyrinthe pour Minos en Crète sur le même modèle. (430)
Le labyrinthe était une zone de temple égyptien d'un complexe pyramidal comprenant plusieurs cours, construit à Hawara par Amenemhat III de la 12e dynastie pendant la période du Moyen Empire (2040-1782 avant J.-C.). Ce labyrinthe était un complexe mortuaire plus grand et plus complexe que tous les autres construits jusqu'à cette époque. La structure monumentale est décrite par Hérodote:
J'ai vu ce bâtiment, et l'ai trouvé au-dessus de toute expression... Il est composé de douze cours environnées de murs, dont les portes sont à l'opposite l'une de l'autre, six au nord et six au sud, toutes contiguës ; une même enceinte de murailles, qui règne en dehors, les renferme ; les appartements en sont doubles; il y en a quinze cents sous terre, quinze cents au-dessus, trois mille en tout... On ne peut en effet se lasser d'admirer la variété des passages tortueux qui mènent des cours à des corps de logis et des issues qui conduisent à d'autres cours. Chaque corps de logis a une multitude de chambres qui aboutissent à des pastades. Au sortir de ces pastades, on passe dans d'autres bâtiments, dont il faut traverser les chambres pour entrer dans d'autres cours. Le toit de tous ces corps de logis est de pierre ainsi que les murs, qui sont partout décorés de figures en bas-relief. Autour de chaque cour règne une colonnade de pierres blanches parfaitement jointes ensemble. A l'angle où finit le labyrinthe s'élève une pyramide de cinquante orgyies, sur laquelle on a sculpté en grand des figures d'animaux. On s'y rend par un souterrain.. (Histoires, II.148)
Strabon décrit le labyrinthe comme "un grand palais composé de plusieurs palais" et le loue comme étant "comparable aux pyramides" par sa grandeur (Géographie, XVII.I.37-38). Diodore note que "dans les sculptures et, en fait, dans toute l'exécution, ils n'ont rien laissé que les souverains qui leur ont succédé puissent surpasser"(Histoires, I.66) et Pline déclare:
Que Dédale ait pris modèle sur ce labyrinthe pour faire celui de Crète, cela n'est pas douteux; mais il n'en reproduisit que la centième partie, c'est-à-dire celle qui renferme des circuits, des rencontres et des détours inextricables. Il ne faut pas, le comparant à ce que nous voyons sur les pavés en mosaïque, ou dans les campagnes artificielles livrées aux jeux des enfants, y voir un espace étroit, où l'on peut faire plusieurs milliers de pas en se promenant; mais il faut entendre un édifice offrant des portes nombreuses et de fausses issues qui ramenait sans cesse sur ses pas le visiteur égaré.
(Histoire naturelle, XXXVI.19)
On pense que le labyrinthe de Hawara, comme tous les complexes de temples en Égypte, reflétait la vie après la mort. La structure comportait 42 salles que Strabon associe au nombre de nomes (provinces) de l'Égypte, mais qui correspondent également aux quarante-deux juges qui président au destin de l'âme, avec les dieux Osiris, Thot, Anubis et Maât, lors du jugement final dans la salle de la Vérité. Le labyrinthe pourrait donc avoir été construit pour conduire l'âme à travers un labyrinthe confus - un peu comme le paysage de l'au-delà décrit dans les textes des pyramides, les textes des sarcophages et le Livre des morts égyptien - afin de l'amener vers un état éclairé.
Cet impressionnant complexe tomba en ruine à une date inconnue et fut démantelé; les parties furent ensuite utilisées dans d'autres projets de construction. L'importance du site en tant que source de matériaux de construction était telle qu'une petite ville se développa autour des ruines. Aujourd'hui, il ne reste rien de cette grande merveille architecturale, si ce n'est la pyramide ravagée d'Amenemhat III à Hawara, près de l'oasis de Faiyum. Verner écrit qu'"en raison de la destruction précoce du complexe, le plan original du labyrinthe ne peut être reconstitué avec précision", mais note que l'archéologue Flinders Petrie fut le premier à y pénétrer en 1889 et conclut qu'il s'agissait de la même structure que celle connue sous le nom de Labyrinthe dans l'Antiquité (428).
L'érudit Richard H. Wilkinson note que "c'était l'une des plus grandes attractions touristiques de l'Égypte à l'époque gréco-romaine" et que le complexe "représentait une élaboration impressionnante du plan établi des temples" (134). Comme les temples étaient construits à dessein en tant que sites de transformation, le motif du labyrinthe en tant que symbole de transformation est aussi évident ici que dans l'histoire ultérieure du labyrinthe conçu par Dédale.
Les labyrinthes et leur signification
Il existe de nombreux autres labyrinthes dans le monde depuis l'Antiquité, de la structure construite en Italie dans le cadre de la tombe du roi étrusque Lars Porsena (c. 580 av. J.-C.) à celle de l'île de Bolshoi Zayatsky (C. 500 av. J.-C.) dans l'actuelle Russie. On pense que les labyrinthes celtiques faisaient autrefois partie des rituels mortuaires de Grande-Bretagne, d'Irlande et d'Écosse, comme le note le chercheur Rodney Castleden:
Les labyrinthes réapparaissent constamment sous différentes formes à différents stades de l'évolution de la culture celtique et certains d'entre eux sont antérieurs aux labyrinthes minoens. L'idée du labyrinthe est étroitement liée à celle du nœud: la ligne qui s'enroule autour d'un dessin. La différence est que, dans un nœud, la ligne n'a ni début ni fin alors que, dans un labyrinthe, il y a généralement un point de départ et un but. Les deux symbolisent des voyages. Il peut s'agir d'un voyage ou d'une aventure en particulier ou du voyage global de la vie elle-même. Les labyrinthes constituent donc un pendant visuel au conte populaire épique, qui consiste souvent en un long voyage alambiqué dont les épisodes se répètent et se dédoublent. Ils peuvent également symboliser un voyage à la découverte de soi, un voyage vers le centre de soi et vers l'extérieur et, de cette façon, l'ancien symbole apparaît comme un archétype jungien: un outil pour l'exploration de soi et la guérison. (439-440)
Ceci est certainement évident dans les mandalas de la littérature tantrique de l'Inde et, plus particulièrement, dans le Rig-veda (c. 1500 av. J.-C.) dans lequel les différents livres progressent selon les mêmes lignes qu'un labyrinthe où l'on voyage seul sur un chemin spirituel pour finalement fusionner son voyage intérieur avec le monde extérieur. Carl Jung (1875-1961) voyait dans le labyrinthe un symbole de cette réconciliation entre le moi intérieur et le monde extérieur. L'érudite Mary Addenbrooke écrit:
[Jung] décrit l'effet d'être "glorieusement, triomphalement ivre". Il n'y avait plus d'intérieur ni d'extérieur, plus de "je" et d'"autres", le numéro 1 et le numéro 2 n'existaient plus (il fait référence à son sentiment d'avoir deux personnalités dissemblables en lui); "la prudence et la timidité avaient disparu et la terre et le ciel, l'univers et tout ce qu'il contient qui rampe et vole, tourne, s'élève ou tombe, étaient tous devenus une seule et même chose". (1)
Jung évoque le voyage à travers le labyrinthe dans ses Étapes de la vie:
Lorsque nous devons faire face à des problèmes, nous refusons instinctivement d'emprunter le chemin qui mène à l'obscurité et aux ténèbres. Nous ne voulons entendre parler que de résultats sans équivoque et nous oublions complètement que ces résultats ne peuvent être obtenus que lorsque nous nous sommes aventurés dans l'obscurité et que nous en sommes ressortis. Mais pour pénétrer l'obscurité, nous devons faire appel à toutes les forces d'illumination que la conscience peut offrir... Les problèmes graves de la vie ne sont jamais entièrement résolus. Si jamais ils semblent l'être, c'est le signe que quelque chose a été perdu. Le sens et le but d'un problème ne semblent pas résider dans sa solution, mais dans le fait que nous y travaillons sans cesse. Cela seul nous préserve de l'abrutissement et de la pétrification. (11)
Les peuples de l'Antiquité semblent avoir compris ce concept bien avant que Jung ne l'exprime avec tant d'éloquence. Le labyrinthe, enfin, est le voyage du moi vers la plénitude. Même si les anciens Égyptiens et Grecs ne l'ont pas formulé ainsi, leur architecture et leurs mythes indiquent les mêmes conclusions que Jung et d'autres psychologues ultérieurs: c'est en se frayant un chemin dans le labyrinthe de ses circonstances personnelles que l'on parvient à comprendre son but et le sens final de l'existence.