Ptolémée XII Néos Dionysos (r. de 80 à 51 av. J.-C.) était roi de l'Égypte ptolémaïque et père de Cléopâtre VII (r. de 51 à 30 av. J.-C.). Sa naissance illégitime et son ivrognerie lui valurent des moqueries et il fut surnommé "Aulète" ("le joueur de flûte") pour ses talents de musicien. Il régna pendant près de 30 ans, soudoyant des dirigeants de la République romaine comme Pompée et Jules César pour empêcher l'annexion de l'Égypte par les Romains.
En 58 avant notre ère, dans un contexte de troubles économiques et de sentiments anti-romains, sa fille Bérénice IV usurpa son trône. Ptolémée XII corrompit le proconsul romain Aulus Gabinius pour qu'il le rétablisse en 56 avant notre ère. Ces pots-de-vin de plus en plus importants l'obligèrent à emprunter de l'argent aux banquiers romains, et ses enfants, Cléopâtre VII et Ptolémée XIII, héritèrent de dettes colossales. Cependant, ses actions assurèrent également la pérennité de la dynastie lagide en protégeant l'Égypte des guerres romaines.
Jeunesse
Ptolémée XII était membre de la dynastie grecque des Ptolémées qui régna sur l'Égypte ptolémaïque après la conquête d'Alexandre le Grand. Ptolémée XII vit le jour à une date inconnue, probablement après 100 avant notre ère, si l'on en croit la description qu'en fait Cicéron, un contemporain romain, alors qu'il était adolescent en 80 avant notre ère. Il est le fils illégitime de Ptolémée IX et d'une mère inconnue. Les historiens modernes ont émis l'hypothèse que sa mère aurait été une courtisane grecque ou syrienne ou une aristocrate égyptienne. Les enfants nés hors mariage étaient considérés avec mépris dans l'Égypte ptolémaïque, et il était appelé "Nothos" ("le bâtard" en grec).
En 88 avant notre ère, le rival et demi-frère de Ptolémée IX, Ptolémée X Alexandre, mourut en tentant de s'emparer de Chypre. Avant de mourir, Ptolémée X aurait légué l'Égypte à la République romaine dans son testament. Rome ignora ce legs car Ptolémée IX contrôlait le royaume. En outre, le Sénat romain craignait que le général qui aurait conquis l'Égypte ne soit suffisamment riche et populaire pour se transformer en tyran. La menace d'une annexion romaine fut constante tout au long de la vie de Ptolémée XII.
Ptolémée XII passa son adolescence en Syrie pour des raisons inconnues. Mithridate VI du Pont (r. de 120 à 63 av. J.-C.) l'aurait peut-être fait prisonnier lorsqu'il conquit l'île de Kos, sous contrôle égyptien, en 88 av. J.-C. Certains historiens modernes ont émis l'hypothèse qu'il était en fait l'un des fils de Cléopâtre III et de Ptolémée VIII, envoyés à Kos avant 113 avant notre ère. Cependant, ces princes étaient légitimes et bien plus âgés que Ptolémée XII.
Couronnement et mariages
Après la mort de Ptolémée XI lors d'un soulèvement populaire à Alexandrie, des rumeurs se répandirent selon lesquelles son testament léguerait le royaume ptolémaïque à Rome. Pour empêcher Rome d'annexer l'Égypte, les Alexandrins s'empressèrent de le remplacer par un nouveau roi. Des générations de guerres civiles ayant tué la majeure partie de la dynastie lagide, Ptolémée XII fut choisi pour régner sur l'Égypte, tandis que son frère Ptolémée se vit confier Chypre. La reine séleucide Cléopâtre Séléné Ire, qui avait des ancêtres ptolémaïques, fit valoir que ses fils avaient de meilleures prétentions au trône. Séléné et ses fils se rendirent à Rome en 75 avant notre ère et firent don d'un magnifique candélabre au temple de Jupiter Capitolin, mais le Sénat romain ne reconnut pas leurs prétentions.
En 79 avant notre ère, Ptolémée XII épousa la princesse ptolémaïque Cléopâtre V Tryphaena pour asseoir ses prétentions au trône. Les inscriptions égyptiennes anciennes décrivent Ptolémée XII et Cléopâtre V comme des "dieux frères", mais il s'agit d'une formule utilisée pour tous les couples régnants ptolémaïques. Cléopâtre V était probablement la fille de Ptolémée X et de Cléopâtre IV, ce qui faisait d'elle la cousine de Ptolémée XII. Le couple eut au moins une fille légitime, Bérénice IV. Son enfant le plus célèbre, Cléopâtre VII, serait peut-être née de ce mariage, bien que l'historien romain Strabon ait affirmé qu'elle était illégitime.
En 69 ou 68 avant notre ère, Cléopâtre V disparaît des inscriptions officielles, soit parce qu'il aurait divorcé, soit parce qu'elle serait morte. Il eut ensuite une fille nommée Arsinoé IV et deux fils, Ptolémée XIII (r. de 51 à 47 av. J.-C.) et Ptolémée XIV (r. de 47 à 43 av. J.-C.), avec une femme inconnue. Les historiens ont supposé que cette femme était une aristocrate grecque, une courtisane ou une prêtresse égyptienne. À un moment donné de sa vie, il semble avoir été fiancé à Mithridatis, fille de Mithridate VI de Pont. Une inscription du temple d'Isis à Philæ identifie également trois danseurs - Tryphon, Nicolaus et Strouthion - comme ses amants.
Règne et réputation
Ptolémée XII était réputé pour son ivrognerie et sa frivolité. Il organisait souvent des concours musicaux et s'y produisait, ce qui était considéré comme une pratique de bas étage. Son instrument favori était l'aulos, et il était surnommé par dérision "Aulète" ("le joueur de flûte"). Sa consommation d'alcool et ses intérêts musicaux étaient associés au culte mystérieux de Dionysos, le dieu du vin, de la musique et de l'inspiration divine. Ptolémée XII se donna l'épithète de "Neos Dionysos" ("Nouveau Dionysos") et se fit représenter avec les attributs du dieu. La dynastie lagide avait toujours vénéré Dionysos, qui, dans la mythologie grecque, avait conquis l'Asie et était considéré comme le pendant grec du dieu égyptien Osiris.
Les auteurs anciens décrisent Ptolémée XII comme paresseux et indigne d'être roi, mais il accomplit de nombreuses réalisations au cours de son règne. Il noua des relations étroites avec les prêtres égyptiens, construisant de nombreux nouveaux temples et rénovant les anciens. Il se rendit souvent dans la ville sainte de Memphis pour rendre hommage au temple de Ptah. En outre, le commerce prospéra et enrichit l'Égypte ptolémaïque.
Son règne marqua la renaissance de la bibliothèque d'Alexandrie, qui avait décliné après que Ptolémée VIII (r. de 170 à 116 av. J.-C.) eut persécuté les érudits. De nombreux intellectuels importants prospérèrent sous le patronage de Ptolémée XII, notamment les médecins Zopyre et Apollonius de Citium, les philosophes Antiochos d'Ascalon et Arius Didyme, et Timagène d'Alexandrie, l'historien le plus influent de sa génération. Les élèves de Timagène, Strabon et Nicolas de Damas, ont écrit des récits historiques qui font autorité et sur lesquels s'appuient les historiens modernes. De nouvelles écoles philosophiques furent également fondées et elles influencèrent fortement la philosophie romaine.
Relations avec la République romaine
L'armée ptolémaïque n'était plus une puissance mondiale au 1er siècle avant notre ère, et l'Égypte comptait sur la protection romaine contre l'Empire séleucide. Les hommes politiques romains Marcus Licinius Crassus (115-53 av. J.-C.) et Jules César (100-44 av. J.-C.) proposèrent l'annexion de l'Égypte en 65 avant notre ère. Des sénateurs comme Marcus Tullius Cicero s'y opposèrent, craignant que cela ne mette en péril la république.
Ptolémée XII utilisa la corruption et la diplomatie pour créer un réseau d'alliés au sein du Sénat romain, capables de bloquer les tentatives d'annexion. Il souhaitait également obtenir la confirmation officielle que Rome le reconnaissait en tant que roi légitime de l'Égypte. Son principal allié fut Pompée le Grand (106-48 av. J.-C.), qu'il invita à Alexandrie en 67 av. J.-C. et, l'année suivante, il envoya 8 000 soldats égyptiens et du matériel pour soutenir la guerre de Pompée contre Mithridate VI. En 59 avant notre ère, Pompée et César adoptèrent une loi déclarant l'Égypte amie et alliée de la République romaine, après que Ptolémée XII leur eut versé un pot-de-vin de 6 000 talents, soit l'équivalent du revenu annuel de l'Égypte.
Pour payer ces pots-de-vin, Ptolémée XII emprunta de grosses sommes d'argent aux créanciers romains, se forgeant une réputation de mendiant et d'escroc. Il augmenta les impôts en Égypte pour aider à rembourser ses dettes, ce qui provoqua des grèves ouvrières et une résistance civile. Les sentiments anti-romains augmentèrent considérablement à Alexandrie sous son règne, ce qui entraîna le lynchage d'un Romain en visite en 60 avant notre ère.
En 58 avant notre ère, Clodius Pulcher proposa l'annexion de Chypre, riche en terres agricoles, afin de financer la distribution de céréales subventionnées par l'État à la population romaine. Pour justifier la guerre, il accusa Ptolémée de Chypre de coopérer avec les pirates de l'ancienne Méditerranée. Caton le Jeune (955-46 av. J.-C.) se vit confier le commandement de la campagne de Chypre en raison de sa loyauté envers la République et parce que Clodius voulait l'éloigner de Rome. Caton proposa au roi d'abdiquer son trône et de se réfugier au temple d'Aphrodite à Paphos. Ptolémée de Chypre se suicida et Caton annexa l'île.
Usurpation
Ptolémée XII ne fit rien pour empêcher la mort de son frère et la perte de Chypre, ce qui le fit passer pour un faible aux yeux de ses sujets. Cette année-là, il fut contraint à l'exil et sa fille Bérénice IV devint reine. Elle partagea brièvement le pouvoir avec une femme nommée Cléopâtre VI Tryphaena, que l'historien Porphyre décrit comme sa sœur. Cependant, il est possible qu'il se soit agi de l'épouse de Ptolémée XII, qui portait le même nom.
Ptolémée XII s'enfuit à Rhodes avec sa fille adolescente Cléopâtre VII, où ils furent accueillis par Caton. Selon Plutarque, Caton avertit Ptolémée XII de retourner en Égypte au lieu de faire confiance aux politiciens corrompus de Rome. Malgré cet avertissement, il se rendit à Rome et vécut en tant qu'invité dans la villa de Pompée.
Les Alexandrins envoyèrent une ambassade de 100 citoyens pour convaincre les Romains de ne pas aider Ptolémée XII, mais celui-ci arrêta les ambassadeurs par une combinaison de pots-de-vin, d'intimidations et d'assassinats. De nombreux Romains puissants souhaitent que Ptolémée XII reprenne le contrôle de l'Égypte afin de pouvoir rembourser l'argent qu'il leur avait emprunté. Les opposants à l'idée d'une intervention romaine firent valoir, avec un certain succès, que les prophéties et les présages avaient annoncé le malheur si Rome rétablissait un roi égyptien. Privé de toute aide, Ptolémée XII se réfugia dans le temple d'Artémis à Éphèse en 57 avant notre ère.
Gabinius vainquit les Alexandrins et rétablit Ptolémée au pouvoir, mais il fut lui-même banni par le Sénat pour avoir envahi l'Égypte sans son autorisation et pour avoir entrepris une guerre que les Romains considéraient comme malvenue, car interdite par les livres sibyllins.
(Appien, Guerres d'Espagne, 8.51, trad. Horace White)
En 56 avant notre ère, Pompée chargea Aulus Gabinius, le proconsul romain de Syrie, d'aider Ptolémée XII malgré l'opposition du Sénat. Ptolémée XII promit de payer Gabinius et son armée en échange. Gabinius conduisit son armée en Égypte, laissant la Syrie vulnérable à la piraterie et au banditisme. C'était la première fois qu'une armée romaine occupait l'Égypte. Avec son lieutenant Marc Antoine (83-30 av. J.-C.), il battit rapidement Bérénice IV et rétablit Ptolémée sur son trône. Plus tard, Antoine devint l'allié et l'époux de Cléopâtre VII. Après la guerre, Gabinius fut jugé pour avoir défié le Sénat afin d'aider Ptolémée XII. Il fut acquitté de l'accusation de trahison grâce à l'influence de Pompée, mais il fut reconnu coupable d'extorsion et fut exilé en 54 avant notre ère.
Suite du règne
De retour au pouvoir, Ptolémée XII fit exécuter Bérénice IV et les citoyens importants qui l'avaient soutenue, confisquant leur argent et leurs biens. Il réprima les rébellions en utilisant les Gabiniani, une force mercenaire de 2 500 soldats romains laissée par Gabinius. Cette armée fut renforcée par des esclaves enrôlés, des criminels et des mercenaires provenant d'autres régions de la République romaine. Leur réputation féroce impressionna même César lorsqu'il envahit l'Égypte en 48 avant notre ère.
Les pots-de-vin versés pour assurer sa restauration ayant multiplié sa dette, Ptolémée XII augmenta à nouveau les impôts. L'une de ses premières mesures fut de nommer le banquier romain Gaius Rabirius Postumus au poste de ministre des finances de l'Égypte. Rabirius chercha avant tout à récupérer l'argent que lui et d'autres Romains avaient donné à Ptolémée XII, et il extorqua les contribuables par le biais de réformes fiscales abusives. L'économie de l'Égypte ptolémaïque souffrit de la réduction de la teneur en argent des pièces de monnaie. Les citoyens d'Alexandrie finirent par attaquer Rabirius en signe de protestation. Ptolémée XII prit Rabirius sous sa protection et le renvoya chez lui avant qu'il ne soit tué. Rabirius fut jugé à Rome pour extorsion de fonds et César prit possession des dettes restantes, dans l'intention de les recouvrer auprès des Égyptiens.
En 52 avant notre ère, Ptolémée XII nomma Cléopâtre VII sa corégente et se prépara à ce qu'elle règne après lui. Dans son testament, il laissa son royaume à ses enfants les plus âgés: Cléopâtre VII, 18 ans, et Ptolémée XIII, 10 ans. Il envoya une copie de son testament à Rome pour qu'elle soit conservée dans le trésor, espérant que le Sénat romain l'appliquerait en cas de conflit de succession. Pompée s'empara du testament avant qu'il ne parvienne au Trésor afin de pouvoir exercer un pouvoir sur les héritiers en agissant en tant qu'exécuteur testamentaire.
Mort et héritage
Ptolémée XII mourut de causes naturelles au printemps 51 avant notre ère, alors qu'il était âgé d'une quarantaine d'années. Bien qu'il ait souhaité que ses enfants règnent ensemble pacifiquement, ils se battirent pour le contrôle exclusif de l'Égypte. En 48 avant notre ère, César vainquit Pompée lors d'une guerre civile, et Pompée s'enfuit en Égypte où il fut exécuté par Ptolémée XIII. César arriva en Égypte peu après dans l'intention de recouvrer les dettes de Ptolémée XII. Il intervint dans la crise de succession égyptienne en aidant Cléopâtre VII à vaincre et à tuer Ptolémée XIII en 47 avant notre ère. Au cours de ce conflit, César et Cléopâtre devinrent amants, et donnèrent naissance à Césarion, le premier petit-enfant de Ptolémée XII.
Tout au long de son long règne, l'objectif principal de Ptolémée Aulète fut d'assurer son emprise sur le trône d'Égypte afin de le transmettre à ses héritiers. Pour atteindre cet objectif, il était prêt à sacrifier beaucoup: la perte de riches terres ptolémaïques, la majeure partie de sa fortune et même, selon Cicéron, la dignité même sur laquelle reposait la mystique de la royauté lorsqu'il se présenta devant le peuple romain en tant que simple suppliant. (Siani-Davies, p. 340)
Cléopâtre VII poursuivit la politique pro-romaine de son père afin de garantir l'indépendance de l'Égypte. La littérature romaine se souvient d'elle comme d'une souveraine plus compétente et plus intelligente que lui, mais les historiens modernes ont depuis réévalué son règne. Malgré sa brutalité occasionnelle et ses politiques économiques rigoureuses, il réussit finalement à protéger l'Égypte et à accumuler des richesses considérables. Ses plans visant à assurer une transition pacifique du pouvoir après sa mort échouèrent pour des raisons indépendantes de sa volonté.