La garde prétorienne (cohortes praetoriae) était, dans la République romaine, la garde personnelle du commandant, puis, à l'époque impériale, une force d'élite chargée de protéger l'empereur et Rome. Au fil des ans, la garde devint une menace dangereuse pour le pouvoir impérial et les empereurs étaient contraints de s'attirer ses faveurs pour assurer leur règne. Au cours des 1er et 2e siècles de notre ère, de nombreux empereurs furent assassinés grâce à la participation de la garde prétorienne, et un homme issu de ses rangs, Macrin, fut même déclaré empereur. Le corps spécialement créé pour protéger la personne de l'empereur devint alors son plus grand handicap.
Évolution
À l'époque républicaine, les prétoriens constituaient une petite escorte chargée de protéger le commandant d'une armée, un général ou un gouverneur. Leur nom dérive de la tente du commandant, le praetorium. Cette petite force se développa au cours des guerres civiles de Rome, chaque dirigeant disposant d'une importante garde personnelle. Le premier empereur de Rome, Auguste, alla plus loin en créant, en 27 avant notre ère, une garde permanente composée de neuf cohortes totalisant au moins 4 500 hommes pour assurer sa protection et celle de la famille royale: la garde prétorienne. Cette garde s'ajoutait au petit groupe de gardes du corps, pour la plupart germaniques, que lui-même et nombre de ses successeurs employaient.
En l'an 2 avant notre ère, Auguste nomma deux préfets (praefectus praetorio) pour commander la garde prétorienne, tous deux étant directement responsables devant l'empereur. Curieusement, ils étaient les seuls hommes autorisés à porter une épée en présence de l'empereur. Au fil du temps, ces préfets, qui possédaient le rang équestre le plus élevé, devinrent membres du conseil consultatif de l'empereur et acquirent même certaines fonctions judiciaires, financières et logistiques de l'armée. Leur nombre augmenta également, puisqu'ils étaient cinq sous le règne de Constantin Ier.
Sous le règne de Tibère, successeur d'Auguste, la garde fut portée à 12 cohortes. Vitellius (r. 69 de notre ère) l'élargit à nouveau en y ajoutant une partie de son armée rhénane, de sorte que la Garde comptait désormais seize cohortes de 1 000 hommes. Domitien (r. de 81 à 96 de notre ère) réduisit ensuite le nombre de cohortes à dix cohortes de 1 000 hommes, chacune commandée par un tribun. Les unités de 100 hommes étaient commandées par un centurion, le plus haut gradé étant le trecenarius.
Une aile de cavalerie fut également ajoutée, les equites singulares Augusti, qui comprenaient d'abord 500 chevaux, puis plus tard 1 000. De plus en plus, à partir du IIe siècle de notre ère, la garde prétorienne fut utilisée comme une réserve militaire utile et elle se rendit souvent sur le champ de bataille pour aider l'empereur à défendre l'empire ou le futur empereur à atteindre son objectif. Sur le terrain, le préfet prétorien était le commandant en second si l'empereur était présent, ou le commandant en charge dans le cas contraire.
Privilèges
Les membres de la Garde jouissaient de privilèges particuliers indiqués sur un diplôme signé par l'empereur. Avant l'an 13 avant notre ère, ils servaient pendant 12 ans, contre 20 ans pour les légionnaires. Après les réformes de l'an 5 de notre ère, les prétoriens servaient pendant 16 ans et les légionnaires pendant 25 ans. Les gardes recevaient également une solde trois fois supérieure à celle des légionnaires ordinaires. Leur statut supérieur fut clairement démontré lorsque Auguste légua à chaque membre 1 000 sesterces dans son testament, alors qu'un légionnaire n'en recevait que 300. Les prétoriens se distinguaient également par leur armure plus fine et leur bouclier ovale, par opposition au bouclier rectangulaire des autres légions. Ils avaient leur propre étendard lorsqu'ils combattaient, probablement un aigle et une couronne. Comme ils servaient pendant une période plus courte, les gardes prétoriens étaient en mesure d'accéder à des commandements militaires plus élevés à un plus jeune âge, une fois démobilisés. D'autres privilèges leur furent accordés par les différents empereurs, comme l'immunité fiscale accordée par Vespasien sur les terres cédées à la fin de leur service.
Les campements
Les gardes prétoriens venaient principalement d'Italie ou des provinces entièrement romanisées afin de mieux s'assurer de leur loyauté. Trois cohortes étaient stationnées à Rome et les autres restaient dans les villes autour de la capitale. Cette situation, ainsi que l'absence d'uniforme complet (tout en portant des armes) pour ceux qui se trouvaient à Rome, était probablement due à la tradition républicaine selon laquelle l'armée d'un commandant ne devait pas pénétrer dans la ville. Toutefois, la situation changea en 23 de notre ère, lorsque le préfet Aelius Sejanus (Séjan) convainquit Tibère de permettre à la Garde de camper en tant qu'unité unique dans le castra praetoria, dans les banlieues nord-est de Rome. Sous Aurélien (r. de 270 à 275 de notre ère), le camp fut intégré aux murs de fortification de la ville et ses vestiges sont encore visibles aujourd'hui. L'argument en faveur d'un camp unique était que si les gardes étaient tous stationnés ensemble, ils seraient mieux à même de répondre à une situation d'urgence, de contrôler les troubles dans la ville ou simplement de dissuader les conspirateurs potentiels. Lorsque l'empereur partait en campagne, un détachement de la garde prétorienne, dirigé par l'un des préfets, l'accompagnait.
Pouvoir et influence
Alors que le trône impérial oscillait au gré d'intrigues toujours plus nombreuses, la garde prétorienne joua un rôle important dans les complots visant à usurper le pouvoir de l'empereur. En 41 de notre ère, Claude, après le meurtre de son prédécesseur Caius (Caligula) par la garde prétorienne (dont les officiers avaient été humiliés par lui), amadoua la garde en lui distribuant de grosses sommes d'argent - 15 000 sesterces par homme. Pour renforcer cette relation, Claude fit frapper une série de pièces de monnaie sur lesquelles la garde le saluait en tant qu'empereur. Par la suite, chaque nouvel empereur prit soin d'offrir à la garde une somme forfaitaire et l'honneur d'un discours impérial, même si la garde n'occupa jamais de position officielle dans la structure du pouvoir de l'empire ou n'exerça jamais de leadership politique d'importance. Lorsque la garde prétorienne soutint Othon contre Vitellius en 69 de notre ère et qu'elle perdit, ce dernier élargit le recrutement pour permettre aux meilleurs vétérans de n'importe quelle légion de s'engager. Vespasien tenta de s'assurer de leur loyauté par un autre moyen, en faisant de son fils, le futur empereur Titus, un préfet prétorien.
À l'époque de Commode, à la fin du IIe siècle de notre ère, la Garde était devenue un fardeau indiscipliné. En 193 de notre ère, ils assassinèrent Pertinax - qui, après tout, ne leur avait offert qu'une somme dérisoire de 12 000 sesterces chacun lors de son accession - et prêtèrent ensuite allégeance à quiconque pouvait les payer suffisamment, le vainqueur étant Didius Julianus (Dide Julien). Didius proposa de payer l'énorme somme de 25 000 sesterces à chaque membre de la garde, soit l'équivalent de cinq années de salaire, et lorsqu'il fut nommé empereur, il augmenta même la récompense à 30 000 sesterces par homme. Cette somme éclipsa les 20 000 sesterces que Marc Aurèle avait donnés à chaque membre lorsqu'il était devenu empereur, bien qu'il se soit agi d'un véritable cadeau et non d'un pot-de-vin.
Le pouvoir de la garde prétorienne conduisit l'empereur Septime Sévère à remplacer les membres les plus notoires par des légionnaires loyaux issus de ses armées danubiennes. En 217, Macrin, un praefectus praetorio, organisa l'assassinat de Caracalla et fut déclaré empereur par ses propres hommes. Enfin, Constantin Ier dissolut la garde prétorienne en 312 après qu'elle eut soutenu son rival Maxence. Les préfets prétoriens survivraient cependant, car ils devinrent d'importants administrateurs des régions de l'Est, de la Gaule, de l'Illyrie et de l'Italie, un rôle qu'ils continueraient à jouer pendant la période byzantine.