Clava Cairns est un site du début de l'âge du bronze en Écosse, situé à l'est de la ville d'Inverness, composé de trois cairns bien préservés (dont deux sont des tombes de passage) et d'un certain nombre de pierres dressées placées stratégiquement à des fins astronomiques. Le nom complet du site est : The Prehistoric Burial Cairns of the Balnuaran of Clava ou les cairns funéraires préhistoriques de Balnuaran de Clava généralement abrégé en The Balnuaran of Clava et, de manière informelle, en Clava Cairns. Bien qu'anciennement classé comme un site de la période néolithique, le professeur Richard Bradley a prouvé de manière concluante en 2000 qu'il avait été construit à l'âge du bronze et, depuis la publication de son travail, on constate de plus en plus de similitudes entre les monuments de Clava Cairns et d'autres sites de l'âge du bronze.
Les cairns datent d'environ 2500 av. JC, mais on pense que le site fut utilisé bien plus tôt, et les ajouts ultérieurs datent d'environ 2000 av. JC. Le site fut utilisé de façon continue pendant plus de 1000 ans et les preuves suggèrent que des communautés le réutilisèrent, par intermittence, jusqu'en 770 ap. JC, comme cimetière et comme centre de rituels. Les cairns eux-mêmes ont été identifiés comme des tombes mais ils furent clairement construits en tenant compte des alignements astronomiques. Les auteurs Alwyn et Brinley Rees définissent la signification d'un cairn :
Un cairn est un monticule de pierres érigé au-dessus d'une sépulture ou sur un autre point ayant des associations avec l'autre monde, par exemple là où un homme est mort à l'extérieur ou là où un cercueil a reposé. (188)
Cependant, un cairn peut aussi représenter une intégralité et spécifiquement la totalité d'un pays, tout un peuple, comme ceux d'Irlande ou d'Écosse, qui possèdent tous les deux un nombre important de cairns. Les auteurs Alwyn et Brinley Rees discutent de la signification des cairns en Irlande :
Chaque tombe à tholos en Grèce est un symbole de l'omphalos (« nombril » de la terre) ; chaque stūpa (tumulus) en Inde est une version miniature du mont Meru au centre du monde. Chez les Yorubas, [l'ethnologue] Léo Frobenius a trouvé de petits objets de culte en argile qui incluent un cône central, représentant le dieu de l'ordre du monde, avec quatre cônes plus petits autour de lui représentant les dieux des points cardinaux. Similairement, chaque cairn en Irlande représente l'ensemble. (187-188)
De la même manière, on pense que les Clava Cairns représentaient l'Écosse dans son ensemble mais, plus important encore, la place spécifique de l'Écosse dans l'univers. Selon Andis Kaulins de Megaliths.net, « Bal » signifiait « Pôle » et « Nuaran » « Rivière de lumière », reliant ainsi le site à la Voie lactée et désignant Balnuaran comme le centre des cieux d'où les anciens pouvaient cartographier les étoiles. Il existe 45 autres cairns dans la proximité d'Inverness et de Nairn qui forment un motif défini correspondant aux planètes, mais ce site particulier semble avoir une résonance spéciale avec les gens, comme en témoigne la construction des cairns dans leur état d'origine, qui diffère des autres sites à une plus grande échelle.
Les spécialistes du site s'accordent à dire qu’autrefois, il s'agissait non seulement d'un observatoire astronomique, mais aussi d'un lieu de sépulture pour les membres les plus prestigieux de la communauté locale. Il est évident que les cairns furent construits pour honorer les morts mais, en même temps, pour marquer le passage des saisons et fournir aux gens un moyen de déterminer un calendrier. Les tombes de passage sont alignées sur le solstice d'hiver et les pierres dressées servent également à des fins astronomiques. En même temps, cependant, les monuments peuvent avoir servi dans un but spirituel/religieux comme le suggèrent les preuves physiques de leur somptueuse construction originale et les marques circulaires sur les pierres.
Les cairns à Clava
Les fouilles sur le site ont commencé en 1828 et se sont poursuivies, par intervalles, jusque dans les années 1990. Les travaux les plus récents et les plus complets ont été réalisés par le professeur Richard Bradley dont l'ouvrage The Good Stones : A New Investigation of the Clava Cairns soutient que l'emplacement des cairns n'était pas seulement essentiel aux observations astronomiques, mais aussi à la communication entre les différentes communautés des différentes régions.
Le site est situé à l'extrémité nord-est du Great Glen des Highlands d'Écosse que les gens utilisaient - et utilisent encore aujourd'hui - pour se déplacer du nord de l'Écosse vers le sud et l'ouest. Clava Cairns auraient donc pu servir de lieu de rencontre central que les clans situés loin au sud auraient pu facilement localiser ; il leur aurait suffi de suivre le Great Glen vers le nord.
Les cairns du site ont été désignés comme étant le cairn nord-est, le cairn central et le cairn sud-ouest. On pense qu'il y avait au moins deux autres cairns sur le site qui n'existent plus. Les cairns nord-est et sud-ouest sont tous deux des tombes de passage avec des entrées construites menant à un centre circulaire. Le cairn central entoure complètement l'espace circulaire à l'intérieur, et on pense que des corps ont pu être incinérés ici, d'après les découvertes faites dans les années 1950, qui ont mis à jour des os incinérés et des preuves de feux récurrents.
Il existe une quatrième structure, mal conservée, sur le site, connue sous le nom de Kerb Cairn qui, aujourd'hui, n'est qu'un cercle de pierres près du cairn central. Les fouilles des années 1950 ont désigné ce cercle de pierres comme un site funéraire, bien qu'aucun reste humain n'y ait été découvert, en se basant sur la similitude de la construction avec l'ancien cimetière voisin de Milton of Clava. Les trois cairns sont entourés de fines pierres dressées, de couleur légèrement différente.
Alors que ces pierres dressées ne portent aucun symbole, on a trouvé des inscriptions circulaires sur certaines des pierres qui composent les cairns. Des exemples de ces mystérieux cercles gravés dans les pierres ont été trouvés dans tout le Royaume-Uni et au-delà. Personne ne sait ce que ces cercles symbolisaient pour les anciens sculpteurs, mais il semble que ces pétroglyphes aient été réalisés à l'aide d'outils en pierre ou en bois de cerf.
Il est possible - et même probable - que les marques circulaires symbolisent une divinité tripartite inconnue ou la triple déesse - jeune vierge, femme mature et vieille-femme - qui apparaît dans un certain nombre de lieux du monde celtique. Les marques pourraient également suggérer le voyage à travers la vie, symbolisé par la spirale, qui reflète la construction des tombes de passage comme une sorte de labyrinthe.
Les fouilles de Bradley
Les tombes de passage du nord-est et du sud-ouest, fouillées par le professeur Bradley dans les années 1990 avec le reste du site, illustrent ces gravures, mais on ignore si elles ont été gravées dans les pierres avant ou après leur mise en place. Le professeur Bradley a conclu que l'ensemble du site fut construit en une seule phase, mais cela signifie seulement que les pierres et les cairns furent érigés en une seule fois, et cela ne permet pas de savoir si les pétroglyphes circulaires furent gravés avant ou après la mise en place des pierres.
Les fouilles sur le site ont révélé des fragments d'os indiquant que ce site, comme d'autres, était très certainement un lieu de sépulture. Bradley déclare :
Quelques particules d'os incinérés ont été trouvées à la surface de la plate-forme [du cairn nord-est], plus d'une centaine d'artefacts lithiques ont été récupérés lors de la fouille et des échantillons ont été prélevés pour être étudiés par micromorphologie du sol, analyse pollinique et datation au radiocarbone. (Bradley, 1, Historic Environment Record)
Il semble toutefois qu'il ait servi de lieu de repos final à un petit nombre de personnes triées sur le volet et qu'il n'ait pas été un cimetière pour le commun des mortels. Aucun squelette complet n'a été retrouvé sur le site, et il est probable qu'une seule personne y ait été enterrée dans chacun des cairns ou, peut-être, une seule personne sur l'ensemble du site.
On a supposé, sur la base de la quantité de quartz trouvée à proximité des cairns, qu'ils étaient autrefois ornés de la pierre blanche qui les aurait presque fait briller, ce qui suggère l'importance du site pour les anciens. Le professeur Bradley a montré que des gravats de pierre furent utilisés pour maintenir en place les plus grosses pierres des cairns et que ces gravats se sont ensuite étendus vers les onze monolithes qui entourent le site. Une fois les pierres des cairns bien en place, ces roches plus petites et ce gravier ont été étalés pour former une plate-forme uniforme entre les structures et les monolithes, de sorte que, combiné aux cairns recouverts de quartz, le site aurait été des plus impressionnants.
Signification astronomique
Le professeur Alexander Thom a démontré de manière concluante, dans les années 1940, que les entrées des tombes de passage s'alignent directement et, en correspondance avec les pierres debout, elles indiquent la position du coucher du soleil en hiver. Les cairns sont maintenant tous à ciel ouvert et s'élèvent à une hauteur d'environ 1,5 m, mais des preuves suggèrent qu'ils étaient autrefois beaucoup plus hauts que les ruines que l'on voit aujourd'hui ; ils faisaient probablement au moins 3 m de haut, et la chambre intérieure de chaque cairn était fermée par un toit.
Au solstice d'hiver, la lumière du soleil pénètre directement dans les chambres des tombes de passage, éclairant les pièces qui auraient été dans l'obscurité le reste de l'année. A ce sujet, Historic Scotland observe :
Le [cairn nord-est] est aligné sur le solstice d'hiver. Ces dernières années, ce phénomène a été observé en recouvrant la chambre et le passage d'une bâche. Cela a montré que, par temps clair, les rayons du soleil couchant descendent le long du passage et divisent la chambre en deux. Un faisceau de lumière intense se concentre sur la paroi arrière. Le même effet aurait été visible dans le cairn sud-ouest où la vue est obstruée par une ferme moderne. (Historic Scotland.gov.uk)
Le solstice d'hiver est reconnu comme un sujet d'importance considérable pour les anciens Celtes, car de nombreuses structures anciennes sont alignées sur lui (comme le célèbre site de Maeshowe dans les Orcades en Écosse, et Newgrange en Irlande, pour n'en citer que deux). Comme pour les sites plus connus, les cairns à Clava sont positionnés avec une telle précision que, lorsqu'ils sont considérés dans une configuration avec d'autres sites voisins, un objectif astronomique est très clairement suggéré. Les historiens John et Julia Keay écrivent :
Il a été noté qu'une ligne traversant par les couloirs des deux tombes de passage pointe exactement vers un point de l'horizon correspondant au coucher du soleil au milieu de l'hiver. Il est peu probable que cela soit fortuit, bien que la signification et le sens de cet alignement soient sujets à controverse. Il apparaît également que les cairns et les cercles de pierres qui les entourent sont disposés avec une précision géométrique complexe, ce qui suggère une connaissance des mathématiques pratiques et de l'astronomie. (165)
La « controverse » à laquelle les Keays font allusion est l'interprétation du site par les visiteurs d'aujourd'hui qui concluent souvent, avec scepticisme, que les cairns ne sont que des monticules de pierres que les fermiers ont retirées de leurs champs et empilées en tas. Cette interprétation est indéfendable si l'on considère la précision avec laquelle les cairns sont construits, leur alignement astronomique et les preuves physiques d'une longue utilisation du site comme lieu de culte. De plus, comme on l'a noté, les cairns à Clava forment un modèle discernable avec d'autres monuments de la région, mais ils ont été construits à une plus grande échelle, ce qui indique clairement que ce site était beaucoup plus important que les autres. Les Keays remarquent :
D'autres cairns de ce type dans la région d'Inverness suggèrent une culture régionale de l'âge du bronze qui a construit ses cairns funéraires selon un modèle légèrement différent des autres régions d’Écosse. Le type de cairns à Clava est très distinctif, bien qu'il incorpore les mêmes éléments - chambre funéraire, passages, bordures - que l'on trouve ailleurs. (165)
La nature distinctive des cairns à Clava avait sans doute une signification spécifique, mais cette signification est inconnue. Il est certain, cependant, que ces cairns - comme d'autres en Écosse, en Irlande, en Grande-Bretagne et ailleurs - ont été construits comme des monuments intimement liés à la mémoire.
La mémoire et les cairns de Clava
Des temps anciens à nos jours, les gens gardent le passé vivant par le biais du souvenir. Les tombes de l'ancienne Mésopotamie portaient le nom et les exploits du défunt, tout comme en Égypte, en Chine, en Grèce, à Rome et ailleurs. Dans la Grèce antique, en fait, le souvenir des morts assurait leur survie dans l'au-delà. En Égypte, des offrandes étaient faites quotidiennement sur les tombes pour assurer la subsistance des défunts. En Chine, le jour du balayage des tombes - au cours duquel on visite et on entretient les tombes de ses proches - a été observé pendant des siècles et continue de l'être de nos jours.
Il est donc probable que, quels que soient les autres usages de Clava Cairns, il s'agissait d'un lieu de commémoration. L'emplacement astronomique des tombes et des pierres dressées n'aurait rien enlevé à l'aspect de ces structures en tant que monuments commémoratifs d'un individu, d'un groupe, d'un événement ou d'un rappel de la nature essentielle de la vie en tant que changement et du voyage éternel après la mort. L'historien Rodney Castleden écrit :
Les mémoires longues sont caractéristiques des communautés celtiques. Les druides s'appuyaient totalement sur la mémoire. Ils devaient se consacrer à de grands efforts d'apprentissage. Jules César a noté que les druides « apprennent par cœur, dit-on, un grand nombre de vers ». Ils allaient jusqu'à rejeter l'écriture afin d'intensifier leur dépendance à la mémoire. En druidisme, il existe un lien profond et durable entre la mémoire et la nature. La terre elle-même est considérée comme se souvenant de tout ; elle est un témoin de l'histoire d'une manière que nous ne pouvons pas pleinement apprécier. (447)
Quiconque a passé un peu de temps en Irlande ou en Écosse connaît la puissance et la force de la mémoire celtique. Dans cette optique, les cairns auraient servi de monuments commémoratifs, même si ce qu'ils commémoraient exactement reste incertain. Les marques circulaires sur le site continuent de défier les efforts d'interprétation - comme c'est le cas ailleurs - mais elles pourraient représenter le concept mystique de la règle de trois dans lequel « multiplier une image était un moyen simple de la mettre en valeur » et « la façon la plus courante de le faire était de multiplier une image par trois » (Castleden, 459). Les divinités sont fréquemment représentées par trois dans l'iconographie celtique - comme partout ailleurs - mais les pétroglyphes circulaires pourraient également représenter des individus ou, placés comme ils le sont à Clava Cairns, il pourrait représenter le concept de spirale du labyrinthe.
Les labyrinthes, que ce soit dans l'Égypte ou la Grèce antique, étaient associés aux morts et au voyage dans l'au-delà, mais ils sont également associés à la vie avant la mort et au voyage vers la plénitude. Les choix que l'on fait à l'intérieur d'un labyrinthe sont soit confus et ils conduisent à la frustration et à la perte, soit renforcés et ils conduisent à l'achèvement et à l'épanouissement. Castleden observe que « la spirale est la forme la plus simple de labyrinthe, une forme dans laquelle aucun choix n'est présenté au-delà du choix de voyager. C'est un chemin unique, un chemin vers le centre et un chemin de retour » (467). Les tombes de passage à Clava Cairns ne présentent certainement que ce seul choix et les marques circulaires pourraient avoir été sculptées pour souligner la nature cyclique de la vie si inhérente à la mythologie et au savoir celtiques.
Dans cette optique, rien ni personne ne meurt jamais; toutes les choses changent simplement et deviennent autre chose. Le chemin apparemment linéaire que l'on parcourt entre la naissance et la mort ne commence pas réellement à la naissance et ne se termine pas avec la mort; tout ce qui meurt revient sous une forme renouvelée ou continue éternellement. Les cairns à Clava ont pu être dressés pour souligner cette compréhension et commémorer ceux qui sont passés à la phase suivante de l'existence dans leur voyage éternel.