Le prince Shōtoku (574-622), régent du Japon de 594 à 622, est l'un des personnages les plus célèbres de toute l'histoire du Japon. Le prince était un grand partisan de la culture chinoise et du bouddhisme qu'il a répandus pendant son règne en encourageant des liens plus étroits avec la Chine, en introduisant les principes du gouvernement chinois, en créant une constitution et en construisant de nombreux temples à travers le Japon, dont des sites célèbres tels que Shitennoji et Horyuji.
Avènement de Shōtoku
Le prince, également connu sous le nom de Umayado no Miko et, à titre posthume, sous le nom de Shōtoku Taisha (qui signifie "Prince de la vertu suprême"), vit le jour en 574. Il était le deuxième fils de l'empereur Yōmei (r. de 585 à 587) et le petit-fils de l'empereur Kinmei (r. de 539 à 571). Le prince avait également des liens avec le puissant clan Soga, qui dominait la politique japonaise à cette époque. En effet, c'est le chef du clan Soga, Soga no Umako, qui complota l'assassinat de l'empereur Sushun (r. de 587 à 592), vainquit l'alliance des clans Nakatomi et Mononobe et plaça sur le trône sa propre nièce, Suiko, veuve de l'empereur Bidatsu (r. de 572 à 585). Umako choisit alors Shōtoku pour assurer la régence au nom de sa tante. On ne sait pas exactement pourquoi Umako choisit le jeune prince héritier pour régner en 594, mais on peut supposer qu'il reconnut ses talents et que, grâce à son soutien au bouddhisme et aux coutumes chinoises, il pensa qu'il pourrait s'avérer un allié très utile pour les intérêts des Soga. En fin de compte, Umako resta dans l'ombre politique et Shōtoku devint la lumière brillante d'un nouveau Japon, un homme qui, régnant jusqu'à sa mort en 622, devint une légende de son vivant et un saint par la suite.
Gouvernance de Shōtoku
On attribue à Shōtoku toutes sortes de petits miracles et de capacités fantaisistes telles que parler dès la naissance, donner des audiences à dix hommes simultanément, ou même donner des conférences si émouvantes que des fleurs de lotus pleuvaient du ciel, mais ce sont ses réformes gouvernementales qui constituent les réalisations les plus concrètes. En 604, Shōtoku introduisit le système chinois des douze rangs pour les fonctionnaires de l'État, chaque niveau étant indiqué par la couleur de la casquette du fonctionnaire. Le prince supprima également le droit à toute personne autre que l'empereur d'imposer des taxes, éradiqua la corruption et réduisit le système des fonctionnaires qui accédaient à leur poste par simple héritage. Il introduisit un calendrier de style chinois et, encourageant le renforcement des liens avec la Chine - considérée comme la grande nation civilisée de la région - il envoya des ambassades officielles à la cour des Sui à partir de 607 environ, puis tout au long du VIIe siècle..
La Constitution en dix-sept articles
Shōtoku est célèbre pour avoir rédigé une nouvelle constitution (ou, peut-être plus exactement, un code éthique) en 604, appelée Constitution en dix-sept articles ou Dix-sept injonctions (Jushichijo-kenpo). Il se peut que la constitution n'ait pas été écrite par Shōtoku, mais qu'elle ait été inspirée par lui et composée en hommage après sa mort. Les points soulevés tentent de justifier la centralisation du gouvernement et soulignent les principes bouddhistes et confucéens, en particulier l'importance de l'harmonie (wa).
La constitution encourageait sans complexe le statu quo, le pouvoir et l'autorité de l'empereur qui, selon Shōtoku, tout comme les lois de la nature, ne devaient pas et ne pouvaient pas être remis en question :
Lorsque vous recevrez les ordres impériaux, ne manquez pas d'y obéir scrupuleusement. Le seigneur est le Ciel, le vassal est la Terre. Le Ciel s'étend et la Terre porte. Lorsqu'il en est ainsi, les quatre saisons suivent leur cours, et les forces de la nature obtiennent leur efficacité. Si la Terre tentait de s'étendre, le Ciel tomberait tout simplement en ruine. C'est pourquoi, lorsque le seigneur parle, le vassal écoute; lorsque le supérieur agit, l'inférieur s'exécute. Par conséquent, lorsque vous recevez les ordres impériaux, ne manquez pas de les exécuter scrupuleusement. Que l'on manque de soin en cette matière et la ruine en est la conséquence naturelle (Article III, Henshall, 499).
Les ministres pouvaient bénéficier d'une légitimation naturelle, voire divine, de leur autorité, mais ils étaient, selon Shōtoku, également liés par certaines considérations morales et éthiques:
Les ministres et les fonctionnaires doivent faire de la bienséance leur principe directeur (article IV, ibid).
En cessant l'avidité et abandonnant les désirs de convoitise, traitez avec impartialité les procès qui vous sont soumis (article V, ibid).
Que les ministres et les fonctionnaires assistent à la Cour tôt le matin et se retirent tard (article VIII, Henshall, 500).
Le contenu des dix-sept points ne fut guère mis en pratique du vivant de Shōtoku, mais il eut certainement une influence durable sur la politique japonaise ultérieure, par exemple en ce qui concerne l'article VIII cité ci-dessous et l'accent mis sur l'importance de la prise de décision collective:
Les décisions sur les questions importantes ne doivent pas être prises par une seule personne. Elles doivent être discutées à plusieurs. Mais les petites questions ont moins d'importance. Il n'est pas nécessaire de consulter plusieurs personnes. Ce n'est que dans le cas de la discussion d'affaires importantes, lorsqu'il y a un soupçon qu'elles puissent échouer, que l'on doit arranger les choses de concert avec d'autres, afin d'arriver à la bonne conclusion. (Article XVII, Henshall, 502)
Soutien au bouddhisme
Le bouddhisme fut introduit au Japon au cours du 6e siècle, traditionnellement en 552. Il fut officiellement adopté par l'empereur Yōmei et encouragé par le prince Shōtoku, qui mit l'accent sur le respect du bouddhisme dans l'article II de sa constitution:
Vénérer sincèrement les trois trésors. Les trois trésors, le Bouddha, la Loi et la Prêtrise, sont le refuge final des quatre êtres générés, et sont les objets suprêmes de la foi dans tous les pays. Quel homme, à quelle époque, peut ne pas révérer cette loi ? Peu d'hommes sont tout à fait mauvais. On peut leur apprendre à la respecter. Mais s'ils ne s'attachent pas aux trois trésors, comment leurs défauts seront-ils redressés ? (Henshall, 499)
Fidèle à sa propre déclaration, Shōtoku fit construisire de nombreux temples et monastères, forma un groupe d'artistes pour créer des images bouddhistes et étudia lui-même ses enseignements, écrivant des commentaires sur trois sutras. Le bouddhisme fut généralement bien accueilli par l'élite japonaise (à l'exception de la résistance initiale des clans pro-Shinto Mononobe et Nakatomi), car il contribua à rehausser le statut culturel du Japon en tant que nation développée aux yeux de ses puissants voisins, la Corée et la Chine, et à légitimer l'empereur en tant que centre des sphères politiques et religieuses japonaises, ce qui accrut également son prestige.
Sous le règne de Shōtoku, 46 monastères et temples bouddhistes furent construits, les plus importants étant le Shitennoji (construit en 593 pour commémorer l'acquisition du pouvoir par les Soga), le Hokoji (596) et le Horyuji. Ce dernier fut achevé en 607 mais brûla vers 670, après quoi il fut reconstruit; c'est le seul monastère de la période d'Asuka qui ait survécu dans son état d'origine. Le complexe, composé de 48 bâtiments classés, dont une pagode de cinq étages, abrite les plus anciens bâtiments en bois du Japon et plusieurs portraits posthumes du prince.
Mort et héritage
Le Nihon Shoki ("Chronique du Japon", également connu sous le nom de Nihongi), publié en 720, raconte la détresse du public après la mort du prince Shōtoku:
Les princes et les grands, et en fait toute la population du royaume, étaient si affligés que les rues étaient remplies des sons de leurs lamentations ; les vieux pleuraient comme la mort d'un enfant cher, et la nourriture dans leur bouche perdait sa saveur, les jeunes comme s'ils avaient perdu un parent bien-aimé. Le paysan qui cultivait ses champs laissa tomber sa charrue, et la femme qui pilait son riz déposa son pilon. Tous dirent : - "Le soleil et la lune ont perdu leur éclat ; le ciel et la terre vont bientôt s'effondrer - à partir de maintenant, en qui placerons-nous notre confiance ? (Keene, 70)
L'impératrice Suiko régna de plein droit à partir de 622, et le fils de Shōtoku poursuivit l'œuvre de son père dans la diffusion du bouddhisme, en fondant notamment le temple de Hokki-ji à Nara. L'historien W. G. Beasley résume ainsi la contribution durable de Shōtoku à l'évolution du gouvernement japonais et à la progression vers un État centralisé, par opposition à l'ancien système de clans concurrents soumis à la puissance militaire de l'empereur:
...ce qu'il a fait est significatif à deux égards. En envoyant des étudiants en Chine, il a permis à ses successeurs de se fonder sur une compréhension beaucoup plus approfondie du gouvernement chinois. (22)
Un culte à sa personne se développa rapidement pour sa contribution à la diffusion de la popularité du bouddhisme au Japon et pour sa réputation de gardien de la bonne gouvernance. Il a été considéré par beaucoup comme une figure sainte, voire un avatar du Bouddha, en particulier pendant la période Kamakura (1185-1333), lorsque d'innombrables portraits de lui, enfant et adulte, en peinture et en sculpture, furent créés. Le prince Shōtoku est encore aujourd'hui vénéré comme l'un des pères fondateurs de la civilisation japonaise et l'un de ses plus grands et plus sages souverains.
This content was made possible with generous support from the Great Britain Sasakawa Foundation.