Firdousi

Définition

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 20 mai 2020
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol, Turc
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Ferdowsi (by gzlkj, CC BY-NC)
Firdousi
gzlkj (CC BY-NC)

Abū-l-Qāsim Manṣūr ibn Ḥasan al-Ṭūṣī Firdousi (c. 940-1020, également connu sous les noms de Abū-l-Qāsim Manṣūr ibn Ḥasan al-Ṭūṣī) est l'auteur du Shahnameh (Le Livre des rois persan), l'une des plus grandes œuvres de la littérature mondiale et l'épopée nationale de l'Iran. Il est considéré comme l'un des plus importants poètes ayant écrit sous la dynastie samanide (819-999) et la dynastie ghaznavide qui lui succéda (977-1186).

Firdousi (dont le nom signifie "du paradis", généralement interprété comme "homme du paradis") commença le Shahnameh après que son contemporain, le poète Daqiqi (c. 935-977), qui avait commencé une version, eut été assassiné par un esclave. L'œuvre, commandée par les Samanides, était une entreprise ambitieuse, racontant l'histoire de la Perse depuis le début du monde jusqu'à la chute de l'empire sassanide en 651 aux mains des Arabes musulmans. La culture persane avait été supprimée par la suite mais, sous le califat abbasside (750-1258), elle avait repris vie et avait été pleinement adoptée et encouragée par les Samanides.

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Le Shahnameh est l'œuvre de la vie de Firdousi, écrite entre 977 et 1010 et composée de 50 000 couplets rimés.

Le Shahnameh est l'œuvre de la vie de Firdousi, écrite entre 977 et 1010 et composée de 50 000 couplets rimés. La façon dont il fut reçu par les Ghaznavides après son achèvement est sujette à débat, même s'il est établi que les Ghaznavides n'avaient pas la même appréciation de la culture persane que les Samanides. Le poète Nizami Aruzi (vers 1110-1161) rapporte que Firdousi fut maltraité par son protecteur ghaznavide, une affirmation que Firdousi lui-même fait vers la fin de son poème et qui est donc généralement acceptée. Firdousi comprenait parfaitement l'importance de ce qu'il avait accompli, même s'il n'avait pas reçu le salaire qu'il méritait, et il affirmait que son nom vivrait à jamais grâce à son œuvre, ce qui s'est avéré vrai puisqu'il reste l'un des poètes les plus connus et les plus respectés de la littérature mondiale.

La littérature persane et la conquête arabo-musulmane

Pour apprécier l'engagement de Firdousi dans son œuvre, il faut comprendre le contexte historique et culturel dans lequel il vécut. Le spécialiste Dick Davis commente:

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Bien qu'il ne fasse aucun doute que Firdousi était un musulman sincère [...], il ne tente pas d'inclure des éléments de la cosmologie coranique/musulmane dans son poème, ni d'intégrer la chronologie légendaire persane du début de son poème à une chronologie coranique. Contrairement à d'autres écrivains qui ont traité des sujets similaires et qui ont tenté d'entrelacer les deux chronologies, il ignore tout simplement la cosmologie et la chronologie islamiques et place les mythes perses de la création au premier plan. (xix-xx)

Firdousi avait choisi cette orientation parce que son objectif en écrivant l'ouvrage était la préservation d'un passé qui avait presque été perdu par la conquête. Il est probable qu'il ait écrit l'ouvrage, sans promesse de paiement, afin de créer un paysage littéraire qui donnerait accès pour toujours, à quiconque ouvrirait son livre, à ce que signifiait être persan et à l'importance de se souvenir de son passé et de l'honorer.

Persian Hero Garshasp
Héros persan Garshasp
Baloo1000 (Public Domain)

Bien que la littérature persane se soit développée sous l'empire achéménide (c. 550-330 av. J.-C.), tout ce qui était écrit sur des tablettes d'argile ou inscrit dans la pierre fut perdu lors de la conquête d'Alexandre le Grand. La poésie, les écritures, les légendes et le folklore persans furent transmis oralement après la chute des Achéménides jusqu'à ce qu'ils soient mis par écrit pendant la période de l'Empire sassanide (224-651 de notre ère). Les premiers écrits sont des commentaires religieux accompagnant l'Avesta, les écritures zoroastriennes, qui inspirèrent la création d'autres textes. Parmi ceux-ci, selon des auteurs ultérieurs, figure un ouvrage connu sous le nom de Khodaynamag (également donné comme Khwaday-Namag "Le livre des seigneurs"), une histoire des Perses combinant des événements connus avec des récits mythologiques et légendaires.

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La littérature se développa depuis le règne du premier monarque sassanide, Ardachir Ier (r. de 224 à 240 de notre ère), jusqu'au dernier, Yazdegerd III (ou Yazdgard III, r. de 632 à 651), lorsque l'empire tomba aux mains des Arabes musulmans. Les conquérants détruisirent les bibliothèques, les temples et les textes dans le but de soumettre le peuple et les œuvres qui n'avaient pas été cachées ou emportées hors de la région furent perdues. Il semble que le Khodaynamag ait été préservé (avec l'Avesta, divers commentaires et quelques autres ouvrages), mais cela n'aurait été qu'un maigre réconfort face à la perte catastrophique d'un si grand nombre de livres. Davis note:

La conquête arabe du VIIe siècle fut un choc écrasant, d'autant plus qu'il a dû sembler pendant un certain temps que la civilisation persane allait disparaître en tant qu'entité distincte de la culture des autres pays englobés dans le califat. La dynastie des Omeyyades (661-750) n'avait que peu d'égards pour la civilisation et les sensibilités persanes et traitait même les convertis à l'islam comme des citoyens de seconde zone s'ils n'étaient pas de souche arabe. (xvii)

Cette situation commença à changer avec l'arrivée au pouvoir des Abbassides. Pour renverser le califat omeyyade, la dynastie abbasside s'assura l'aide des Perses, dont le statut s'améliora considérablement par la suite. La maison régnante était liée par le sang aux Perses, le persan était parlé à la cour et, avec le temps, l'intérêt pour la culture persane favorisa une résurgence des efforts littéraires persans, en particulier de la poésie.

Renaissance sous les Samanides

La poésie a toujours été la langue des œuvres persanes, quel qu'en soit le sujet, comme en témoignent les textes ultérieurs sur la science, la médecine, les mathématiques, l'histoire et les commentaires religieux, ainsi que l'Avesta à proprement dit. La forme poétique, cependant, ce que l'on qualifierait de composition poétique, était considérée comme la forme d'expression la plus élevée et trouva grâce aux yeux des monarques de la dynastie samanide qui régnaient avec l'autorisation des Abbassides.

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Le premier grand poète de cette période fut Roudaki (859 - c. 940), considéré comme "le père de la littérature persane", qui devint célèbre - et riche - en tant que poète de la cour de l'émir Nasr II (r. de 914 à 943). Bien que Roudaki soit plus étroitement associé à ce monarque, et que certaines sources affirment qu'il n'aurait été amené à la cour que sous le règne de Nasr II, son œuvre existante montre qu'il était déjà poète de cour sous le père de Nasr II, l'émir Ahmad Samani (r. de 907 à 914), pour lequel il composa une élégie à la mort du père d'Ahmad.

Statue of Rudaki
Statue de Roudaki
Ninara (CC BY)

Le poète de la cour jouait un rôle important sous la dynastie samanide qui avait fait revivre un certain nombre d'anciennes coutumes persanes, et la poésie, comme on l'a vu, était une valeur culturelle centrale de la Perse. Le spécialiste Sassan Tabatabai commente:

Traditionnellement, le poète de la cour, dont la fonction allait bien au-delà de celle d'un simple amuseur, faisait partie intégrante de la cour persane. Ardashir Babakan, le fondateur de la dynastie sassanide au troisième siècle, considérait le poète comme "une partie du gouvernement et un moyen de renforcer le pouvoir". Outre l'éloge du souverain et de son royaume, le poète devait être une source de conseils et d'orientation morale. En tant que tel, un poète comme Roudaki devait être bien au fait de la tradition. Il devait connaître l'ensemble de la littérature didactique du passé et s'en inspirer en cas de besoin. (3)

Le succès de Roudaki à la cour fut suivi plus tard par le poète Daqiqi à la cour de l'émir Mansour Ier (r. de 961 à 976). On sait peu de choses sur la vie et l'œuvre de Daqiqi, mais il devait être un poète de renom pour conserver un poste à la cour de l'émir. Il est principalement connu pour avoir tenté de s'inspirer de la vaste tradition orale du passé et des œuvres qui avaient survécu à la conquête arabe musulmane, afin de créer une grande épopée nationale à la demande de son mécène. Daqiqi utilisa le Khodaynamag et un autre ouvrage en prose (Le livre des rois d'Abu Mansour) comme sources principales et avait composé 1 000 vers avant d'être assassiné par son esclave.

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La vie de Firdousi et le Shahnameh

Son travail fut repris par Firdousi, qui semble avoir commencé peu après la mort de Daqiqi. Firdousi appartenait à l'élite des propriétaires terriens de la classe supérieure, connue sous le nom de dehqan. La désignation de dehqan jouissait d'un grand prestige, car elle était presque synonyme de "vrai Persan". Ce statut et ses talents de poète l'auraient recommandé pour compléter l'œuvre de Daqiqi, mais il était également instruit et ami de l'aristocrate Abou Mansour (mort en 987), qui avait commandé le Livre des rois en prose.

L'érudit Djalal Khaleghi-Motlagh note que "jusqu'à cette époque, le poète avait dû produire des poèmes qui ont été perdus depuis"(Encyclopedia Iranica, Firdousi, 5). C'est sans doute vrai, car Firdousi aurait dû faire preuve d'un certain talent avant d'être accepté comme successeur de Daqiqi. Conformément aux observations de Tabatabai concernant la nécessité pour le poète de cour d'être imprégné de tradition et de pouvoir s'appuyer sur la littérature du passé, Firdousi aurait été un choix évident, même si rien ne prouve qu'il ait été le poète de cour de Mansour Ier ou d'Abou Mansour.

Battle of Al-Qadisiyya
Bataille d'Al-Qadisiyya
British Library (Public Domain)

On ne sait presque rien de la vie de Firdousi, si ce n'est sa classe sociale et sa croyance religieuse (il était musulman chiite), qu'il était originaire de la ville de Tus (Tusi), qu'il était marié, qu'il avait un fils qui est décédé avant lui et une fille pour laquelle il aurait écrit le Shahnameh afin de lui fournir une dot. Il fut d'abord bien payé par Abou Mansour jusqu'à la mort de ce dernier en 987 et fut ensuite aidé financièrement par le fils d'Abou Mansour, Mansour Tusi. Lorsque les Ghaznavides remplacèrent les Samanides, Firdousi demanda le patronage du sultan Mahmoud de Ghazni (r. de 999 à 1030) afin d'achever son œuvre. Mahmoud accepta de lui verser une pièce d'or pour chaque couplet au fur et à mesure de l'avancement de l'œuvre, mais Firdousi préféra recevoir l'ensemble en une seule fois une fois l'œuvre achevée.

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Selon le récit de Firdousi, donné à la fin de l'ouvrage, il ne fut jamais payé ce qui lui avait été promis. Il écrit:

Des nobles et des grands écrirent ce que j'avais écrit sans me payer: Je les observais de loin, comme si j'étais un de leurs servants. Je ne reçus d'eux que leurs félicitations; ma vésicule biliaire était prête à éclater avec leurs félicitations! Leurs bourses de pièces thésaurisées restaient fermées, et mon cœur brillant se lassa de leur avarice. (Davis, 962)

D'autres détails sur la vie du poète proviennent de Nizami Aruzi, qui visita la tombe de Firdousi vers 1116 et consigna les histoires racontées à son sujet. Selon Nizami, Firdousi avait mis trente ans à écrire le Shahnameh et, une fois l'œuvre achevée, le sultan avait accepté de lui verser la somme de 60 000 pièces d'or. Cependant, le coursier chargé de la livraison était un musulman sunnite qui méprisait Firdousi pour ses sympathies chiites et avait donc échangé les pièces d'or contre de l'argent. Il les remit à Firdousi dans un établissement de bains et, lorsque le poète s'aperçut qu'il avait été payé en argent au lieu de l'or convenu, il s'acheta une bière à un stand situé à l'extérieur, puis donna la moitié de l'argent au vendeur de bière et l'autre moitié au gardien des bains, avant de quitter la région. Dans une autre version de cette même histoire, le sultan était complice du remplacement de l'or par de l'argent pour la même raison.

Firdousi craignait d'être puni pour avoir refusé le geste du sultan et se déplaça d'un endroit à l'autre pour éviter ce qu'il considérait comme une arrestation certaine et une exécution probable. Il trouva refuge à la cour du monarque Sepahbad Shahreyar où, en représailles de ses mauvais traitements, il composa une satire de Mahmoud qu'il ajouta à la préface du Shahnameh, en fit la lecture à Shahreyar et proposa de lui dédier l'œuvre au lieu de la dédier à Mahmoud. Shahreyar le rémunéra pour ses efforts dans la rédaction de la satire, prit l'œuvre et la fit retirer du Shahnameh. La section satirique existerait encore aujourd'hui, mais son authenticité a été contestée.

Ferdowsi's Tomb
Tombeau de Firdousi
Saif Alnuweiri (CC BY-NC-ND)

À ce stade, le récit de la vie du poète devient vague, mais il semble que Firdousi soit retourné dans sa ville natale de Tus et que, peu après (selon une version de l'histoire), le sultan ait découvert la tromperie du messager, l'ait fait exécuter et ait envoyé à Firdousi les 60 000 pièces d'or dans sa ville natale. Au moment où la caravane transportant l'argent aurait franchi les portes de la ville, le cortège funèbre de Firdousi en sortait. Il serait mort d'une crise cardiaque.

Selon Khaleghi-Motlagh, le sultan Mahmoud n'envoya que 20 000 dinars à Firdoussi, regrettant son comportement antérieur, mais, comme dans le récit légendaire, le paiement serait arrivé trop tard. Khaleghi-Motlagh commente:

Firdousi n'a laissé qu'une fille, et le poète avait voulu que le paiement du roi serve de dot pour elle. Mais après la mort du poète, sa fille n'accepta pas le paiement et, sur ordre de Mahmoud, l'argent fut utilisé pour construire le caravansérail de Caha à Tus, sur la route qui va de Nishapur à Marv (Encyclopedia Iranica, Firdousi, 6).

Quels que soient les détails de la fin de la vie du poète, l'impression générale qui se dégage des premières sources est que Firdousi serait mort avec le sentiment d'avoir été mal utilisé par ceux sur qui il comptait le plus, que sa santé déclinait bien avant la crise cardiaque et qu'il vivait très probablement des revenus des terres de sa famille, en particulier du verger où il allait être enterré. Firdousi lui-même, cependant, affirme à la fin de son œuvre que, quoi qu'il lui arrive, son nom continuera à vivre à travers le Shahnameh.

Conclusion

La conviction de Firdousi quant à la valeur de son œuvre était justifiée dans la mesure où celle-ci est non seulement lue et admirée depuis des siècles, mais a également atteint l'un des principaux objectifs de Firdousi: la préservation de l'histoire, de la culture et de la langue persanes. Un certain nombre de lignes du Shahnameh montrent clairement le ressentiment de l'auteur à l'égard de ceux qui avaient tenté de détruire sa culture. Le Shahnameh était sa réponse à toute tentative future de faire la même chose. Davis écrit:

Quoi qu'il en soit, le Shahnameh est le seul artefact culturel incontestablement important qui tente d'affirmer la continuité de la mémoire collective à travers le moment de la conquête; au moins, il a sauvé l'histoire légendaire de l'Iran d'avant la conquête et l'a mise à la disposition du peuple iranien en tant que mémorial d'une grande civilisation distinctive. (xxxiii)

Le Shahnameh a tellement influencé la culture iranienne jusqu'à aujourd'hui que les spécialistes, dont Davis, lui attribuent la préservation de la langue persane intacte. Le persan moderne conserve la forme essentielle de l'époque de Firdousi et cela est largement dû à son œuvre qui est devenue une lecture standard dans le système éducatif iranien.

Bien que le Shahnameh soit tombé en disgrâce sous différents régimes au cours de l'histoire du pays, l'intérêt qu'il suscite est toujours ravivé et l'œuvre reste populaire, non seulement en Iran mais dans le monde entier, pour la même raison que toute grande œuvre littéraire: parce qu'en racontant la vérité sur les luttes et les triomphes d'un peuple, l'auteur touche à un sujet commun à tous.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Joshua J. Mark est cofondateur et Directeur de Contenu de la World History Encyclopedia. Il était auparavant professeur au Marist College (NY) où il a enseigné l'histoire, la philosophie, la littérature et l'écriture. Il a beaucoup voyagé et a vécu en Grèce et en Allemagne.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2020, mai 20). Firdousi [Ferdowsi]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18950/firdousi/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Firdousi." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le mai 20, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18950/firdousi/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Firdousi." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 20 mai 2020. Web. 20 janv. 2025.

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