Radbod Ier, roi des Frisons (alias Redbad, c. 680- c. 719) est connu dans l'histoire du haut Moyen Âge pour sa contribution au maintien de la culture frisonne. Il refusa de se convertir à la nouvelle religion et poussa les adeptes des coutumes païennes à la révolte. Sous son règne, les énormes soulèvements conduisirent à la domination du royaume frison.
La Frise dans l'Antiquité
Les sources littéraires mentionnent pour la première fois le contact entre la Frise et les Romains lorsque Rome commença à s'étendre vers les territoires situés au nord du Rhin. La première expérience enregistrée de la communauté locale avec la civilisation méditerranéenne fut sa soumission à l'armée romaine en 12 avant Jésus-Christ. Le politicien et commandant romain Drusus (38-9 avant J.-C.), patricien claudien, les obligea à payer des tributs annuels en peaux de vache, car l'élevage était très répandu dans la région. En 28 de notre ère, les Frisons, se servant de la demande outrancière de tributs en peaux de vache par l'Empire romain pour excuse, finirent par s'organiser et se révolter contre la domination romaine. La rébellion fut écrasée.
Bien que le général romain Corbulon (7-67 de notre ère), beau-frère de l'empereur romain Caligula, ait mené une autre expédition contre les Frisons en 47 de notre ère, Rome ordonna aux troupes de ne pas se déplacer vers le nord à partir de la frontière du Rhin. La retraite romaine donna le prétexte aux habitants de s'organiser davantage, et en 69-70 de notre ère, les Frisons, les Bataves, qui vivaient dans les parages de la frontière du Rhin, les Cananefates, qui vivaient au sud du territoire frison, et les Chauques du front oriental de la région se soulevèrent lors de la révolte des Bataves. La rébellion finit par être réprimée, et les interactions entre Frisons et Romains se poursuivirent par le biais de relations commerciales et mercenaires.
À la fin du IIe siècle de notre ère, la présence romaine cessa après l'inondation massive de la région située au-dessus de la frontière rhénane. Les informations sur les Frisons réapparurent au 6e siècle, lorsque l'on rapporte des relations commerciales et une interaction culturelle des habitants des zones de la région avec les communautés de Scandinavie ainsi qu'avec les Anglo-Saxons. Le contact avec les zones côtières de la Scandinavie se reflète dans la saga de Beowulf où le premier roi frison connu est mentionné. Finn monta sur le trône avant 523 environ et fut décrit comme le roi de la région de l'estuaire du Rhin.
Au cours de cette période, les Frisons commencèrent également à interagir avec les Francs en raison de leurs revendications sur les régions situées au-dessus du Rhin. La vigueur de la culture païenne frisonne est attestée par l'abandon des missions des représentants chrétiens francs.
La Grande Frise et l'ascension de Radbod
Le début du 7e siècle représente la période de la Grande Frise, la domination frisonne dans la région. Le roi Aldgisl se convertit au christianisme et introduisit la nouvelle religion dans son royaume. Ses interactions avec le christianisme commencèrent peut-être en 678, lorsque l'archevêque Wilfried (vers 633-709/10), fuyant York, chercha la protection des Francs à Utrecht, jetant ainsi les bases de futures relations économiques et culturelles avec York. Ainsi, divers missionnaires anglo-saxons arrivèrent dans la région et convertirent les communautés locales. On rapporte qu'en 678, Aldgisl contrôlait Dorestad, un important centre de commerce qui se situait à quelques kilomètres à l'est de la ville moderne d'Utrecht.
En 680, Radbod Ier monta sur le trône et hérita d'un vaste royaume qui s'étendait du nord de la Flandre à la vallée de la Weser dans l'Allemagne moderne. Il fut un souverain totalement différent de son prédécesseur et joua un rôle important dans le retour à l'ancien mode de vie païen des Frisons. Avant 690, les Francs sous Pépin II (vers 635-714) avaient conquis la partie sud de la Frise, y compris Dorestad. La mentalité hostile de Radbod, combinée aux différences religieuses entre les deux cultures, mit à mal les relations entre les Frisons et les Francs. Néanmoins, éviter un conflit ouvert était dans l'intérêt des deux parties. Un traité conclu entre eux reconnut la région située au nord du Rhin comme une frontière entre les royaumes. Il est intéressant de noter que les sources franques ne font pas référence à Radbod en tant que rex (roi), mais comme dux, ce qui indique le besoin des Francs de démontrer que Radbod était un usurpateur, justifiant ainsi leur expansion vers le nord.
La région nouvellement annexée servit de base aux opérations franco-chrétiennes contre les Frisons païens locaux. En 695, Saint Willibrord (c. 658-739) fut consacré premier évêque d'Utrecht, et donc, avec la loi du côté de l'Église médiévale, ils auraient pu convertir encore plus de membres des communautés du nord. Pendant que le nouvel ordre administratif s'établissait dans la région d'Utrecht, Pépin, qui avait déjà construit son fort dans la ville, commença à frapper des pièces franques à Dorestad dès 696. La production de pièces franques en Frise traduisait l'intention d'intégrer la société étrangère à l'État franc par l'introduction du nouveau système économique et l'exploitation des ressources régionales.
La conversion au christianisme était applaudie par Pépin II, qui offrait une protection spéciale aux nouveaux croyants. Bien que la vie économique, culturelle et politique ait été dominée par l'élite chrétienne, les Frisons firent preuve d'une grande résistance à l'abandon de leurs racines païennes. Pour cimenter la domination franque, dans un geste d'unification, Pépin chercha à marier son fils cadet Grimoald (mort vers 714) avec la fille de Radbod Ier, Theudesinde.
Retombées
En 714, la mort de Pépin entraîna le chaos et la guerre civile. Radbod sauta sur l'occasion et reprit la majeure partie de la basse Frise. En 716, il navigua encore plus loin et menaça Cologne, mais en 717, Charles Martel (c. 688-741) mena les Francs contre les habitants de la Frise et sortit victorieux lors de la bataille d'Utrecht en 718. L'année suivante, Radbod mourut, sans que l'on sache exactement de quoi. Le chef franc avança alors vers le nord, rattachant le Kennemerland à ses possessions et forçant les Frisons à se retirer dans la région nord-ouest.
Les forces frisonnes devaient être redoutables car Pépin se préparaient pour la bataille depuis les années 690, et les experts modernes affirment donc que la nouvelle de la mort de Radbod Ier dut apporter un soulagement aux royaumes souverains chrétiens, car cela signifiait la fin de la lutte ouverte. Cependant, la mort de Radbod, le roi frison qui ralliait les croyants aux anciennes traditions, provoqua des bouleversements et des troubles dans les territoires frisons. La lutte des Frisons pour l'indépendance ne prit pas fin et la majeure partie de la Frise (ce qui est aujourd'hui les Pays-Bas modernes) fut reconquise en 734.
La lutte pour l'autonomie se reflète dans les interactions continues des missionnaires, tels que saint Willibrord et saint Boniface (c. 675-754), qui organisèrent des raids pour convertir et apaiser le mécontentement des habitants. La mort de Radbod donna à Saint Boniface l'occasion de porter son activité missionnaire dans la vallée au-dessus du Rhin. Cependant, la défiance des Frisons persistait et, en 754, Saint Boniface fut tué par des païens. Ce n'est qu'à la fin du 8e siècle, sous le règne de Charlemagne de la dynastie carolingienne (768-814), que les Frisons furent conquis et finirent par être intégrés dans ce vaste royaume occidental.
Culture
Les communautés, que l'on peut considérer comme les premiers Frisons, se formèrent avant le 5e siècle avant J.-C. par des mouvements de population vers les territoires marécageux du nord des Pays-Bas. La plupart des populations qui avaient immigré en Frise depuis les régions du sud-est étaient des fragments de mouvements plus importants de personnes provenant de la moyenne vallée de la Weser. D'autres, en plus petit nombre, étaient arrivés dans les territoires septentrionaux moins denses en provenance de la zone plus large de la Hollande du Nord et du Sud modernes. Une partie des populations nouvellement arrivées s'installa dans l'actuelle province de la Drenthe, où elle se mêla aux premiers habitants de la région, tandis que d'autres se déplacèrent vers les régions côtières septentrionales de la mer du Nord (actuelles Frise et Groningue) qui avaient récemment vu le jour car les niveaux d'eau avaient énormément baissé par rapport aux années précédentes, offrant ainsi des terres supplémentaires aux explorateurs en herbe.
La nature imprévisible de la topographie permit aux Frisons de s'adapter magnifiquement à cet environnement hostile. Même si le paysage a un accès ouvert à la mer, il comprend un réseau de criques et de ravins creusés par les marées. Les anciennes communautés de la région étaient un petit collectif de fermes, de granges et d'ateliers de travail. Outre la séparation avec l'intérieur des terres européen, la différence culturelle des habitants est attestée par les terps (terpen). Ce mot frison signifiait à l'origine "village" et définit les monticules d'habitation surélevés de la Frise côtière. Ils servaient de barricade contre la montée imprévue et parfois houleuse du niveau de la mer. La zone surélevée offrait un lieu de résidence sûr et sec où l'on pouvait également pratiquer l'élevage. Par ailleurs, cet environnement hostile offrait un potentiel considérable de développement des opérations commerciales. Jusqu'à l'arrivée des Vikings au 9e siècle de notre ère, c'était les Frisons qui dominaient le commerce en Europe du Nord; ils avaient des avantages sur les commerçants scandinaves et anglais car ils contrôlaient le delta Rhin-Maas-Escaut: ils avaient ainsi accès au cœur de l'Europe.