Dix Grands Poètes Persans

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Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 18 mai 2020
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol, Turc
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La littérature persane est issue d'une longue tradition orale de récits poétiques. Le premier exemple de cette tradition est l'inscription de Behistun de Darius Ier (Darius le Grand, r. de 522 à 486 av. J.-C.), gravée sur une falaise vers 522 avant J.-C. pendant la période de l'empire achéménide (c. 550-330 av. J.-C.).

Les autres œuvres écrites à cette époque ont été perdues lors de la chute de l'empire aux mains d'Alexandre le Grand en 330 avant notre ère, mais la tradition orale perdura et trouva sa plus grande expression dans les poètes persans du Moyen Âge (476-1500 de notre ère) et, en particulier, dans les dix poètes considérés comme les plus influents:

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Ces poètes ont créé la littérature écrite de leur culture en combinant leurs traditions, leurs mythes et leurs croyances religieuses avec celles des Arabes musulmans qui avaient conquis la région en 651 et imposé la nouvelle religion de l'islam à la population. Avec le temps, les deux cultures se sont entremêlées et la poésie des Persans en est venue à exprimer complètement les concepts les plus élevés de la croyance islamique, en particulier les aspects mystiques, même lorsque les œuvres n'étaient pas écrites en persan ou même par des Persans. Ces dix poètes ont non seulement influencé le développement de la littérature dite musulmane, mais ils ont également influencé les arts littéraires des cultures du monde entier et continuent d'inspirer les lecteurs d'aujourd'hui.

Persian Poet Nizami
Poète persan Nizami
Jacobolus (CC BY-SA)

Religion, destin et amour dans la poésie persane

En 651, l'empire sassanide - qui avait entamé le processus de mise par écrit de la tradition orale - tomba aux mains des envahisseurs arabes musulmans, qui détruisirent de nombreuses œuvres littéraires dans le cadre de leurs efforts de domination du peuple. À l'époque du califat abbasside (750-1258), cependant, la culture, la langue, les coutumes et la littérature persanes étaient non seulement acceptées par l'élite arabe musulmane, mais encouragées. Sous la dynastie samanide (819-999), qui régnait par la grâce des Abbassides, l'art, la science et la littérature persans s'épanouirent et jetèrent les bases de l'avenir des arts littéraires persans.

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Il est impossible de dissocier l'œuvre de ces poètes de leur religion, l'islam, car leur foi imprègne leur travail.

Il est impossible de dissocier l'œuvre de ces poètes de leur religion, l'islam, bien que certains traducteurs et commentateurs modernes aient tenté de le faire, car leur foi influence leur travail. Des allusions aux hadiths (commentaires) et au Coran sont présentes dans presque toutes les œuvres de ces poètes et même lorsqu'elles sont absentes (comme chez Ferdowsi), la foi du poète en un bien supérieur et en un sens ultime de la vie imprègne son œuvre.

Néanmoins, l'ancienne religion persane du zoroastrisme exerça une influence tout aussi puissante sur l'œuvre de ces artistes et, en particulier, la soi-disant "hérésie" du zorvanisme, qui affirmait que le temps était le père de l'existence et encourageait la croyance dans le fatalisme. Puisque le temps fait avancer l'individu dans la vie et vers la mort, il n'y a rien que l'on puisse faire pour changer son destin. En opposition à ce concept, dans toutes les œuvres des poètes suivants, on trouve la foi dans le pouvoir de l'amour qui transcende le temps et donne un sens à la vie. Cet amour peut être pour un autre être humain ou dirigé vers le Divin, mais sans lui, la vie est considérée comme dépourvue de sens.

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La diction poétique, le recours au symbolisme, à la métaphore et à la simulation sont librement utilisés dans toutes les formes de littérature persane, des traités médicaux aux histoires, mais la poésie formelle était considérée comme le summum de l'expression et, bien que de nombreux autres grands poètes aient contribué à la tradition, les dix suivants sont considérés comme les plus grands.

Statue of Rudaki
Statue de Roudaki
Ninara (CC BY)

Roudaki (859 - c. 940)

Abdullah Jafar Ibne Mohammed Roudaki, plus connu sous le nom de Roudaki, était le poète de la cour de l'émir samanide Nasr II (r. de 914 à 943), qui l'appréciait tellement qu'il le rendit riche. Le spécialiste Sassan Tabatabai note qu'"au sommet de sa gloire, [Roudaki] possédait, dit-on, deux cents esclaves et avait besoin de cent chameaux rien que pour transporter ses bagages" (2). Bien qu'il soit souvent cité comme étant arrivé à la cour sous Nasr II, les œuvres conservées montrent clairement qu'il était déjà un poète respecté sous le père de Nasr II, l'émir Ahmad II Samani (r. de 907 à 914). Ce haut niveau de respect était dû à l'immense talent de Roudaki et à son habileté à maîtriser toutes les formes poétiques. Peu de ses œuvres ont survécu (seulement 52 œuvres sur plus d'un million référencées par des auteurs ultérieurs), mais elles montrent clairement qu'il était un poète d'une puissance incroyable, capable d'exprimer des états émotionnels complexes à l'aide d'une imagerie simple. Il est considéré par beaucoup comme le "père de la littérature persane", car il créa le concept du diwan (recueil des œuvres courtes d'un poète) et développa les formes littéraires de la poésie, notamment le ghazal, les qasidas et les rubais.

Daqiqi (c. 935-977)

Abu Mansur Daqiqi connut le même succès en tant que poète de la cour de l'émir Mansour Ier (r. de 961 à 976). À cette époque, tout poète qui travaillait devait compter sur le patronage d'un riche admirateur, tout comme ce serait le cas plus tard, mais un poète de cour pouvait espérer bien plus qu'un revenu fiable tant qu'il plaisait au monarque. Le poète écrivait des vers immortalisant le nom et les actions du monarque et était récompensé par des cadeaux somptueux, et il en fut de même pour Daqiqi. À cette époque, l'histoire et les traditions persanes suscitaient un intérêt croissant. Mansour Ier commanda donc un ouvrage ambitieux sur l'histoire, les traditions et les légendes persanes, de la nuit des temps jusqu'alors. Daqiqi commença le travail en s'inspirant d'un manuscrit plus ancien, le Khodaynamag (également appelé Khwaday-Namag "Le livre des seigneurs") datant de l'époque de l'empire sassanide. Il avait achevé 1000 vers de ce qui aurait été le Shahnameh ("Livre des rois") lorsqu'il fut assassiné par l'un de ses esclaves. Tout comme pour Roudaki, peu d'éléments de son œuvre ont survécu, mais les vers qui subsistent montrent qu'il écrivait dans un style très formel conforme aux œuvres épiques. Il est surtout connu pour avoir commencé l'œuvre qui allait rendre le nom de Firdousi éternel.

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Battle of Al-Qadisiyya
Bataille d'Al-Qadisiyya
British Library (Public Domain)

Firdousi (940-1020)

Abū-l-Qāsim Manṣūr ibn Ḥasan al-Ṭūṣī était un membre du dehqan, la classe supérieure des propriétaires terriens de la société, comparable aux seigneurs féodaux en Europe. On ne sait presque rien de sa vie, si ce n'est qu'il était manifestement instruit, qu'il était marié et qu'il avait une fille (bien qu'une élégie insérée dans le Shahnameh s'adresse à un fils qui l'a précédé dans la mort). Après l'assassinat de Daqiqi, Firdousi releva le défi d'écrire le Shahnameh pour l'émir Mansour Ier (prétendument pour fournir une dot à sa fille) en 977, mais la dynastie samanide tomba peu après et fut remplacée par la dynastie ghaznavide (977-1186) qui n'avait pas le même niveau d'appréciation de la littérature persane que les Samanides. Malgré cela, Firdousi fut encouragé à poursuivre son travail, qu'il acheva en 1010. L'accueil réservé au Shahnameh et la question de savoir si Firdousi fut justement récompensé de ses efforts par les Ghaznavides font l'objet d'un débat, car les récits à ce sujet sont largement légendaires. Quelle que soit la manière dont l'œuvre fut accueillie à l'origine, elle jouit d'une popularité durable depuis lors. Tout ce que Firdousi a pu composer d'autre a été perdu, mais l'épopée du Shahnameh, qui relate l'histoire, les légendes et les coutumes de la Perse antique, de l'origine du monde à la conquête musulmane, est depuis longtemps considérée comme l'un des plus grands chefs-d'œuvre de la littérature mondiale et constitue aujourd'hui l'épopée nationale de l'Iran.

Sanaï (1080 - c. 1131)

Hakim Abul-Majd Majdūd ibn Ādam Sanā'ī Ghaznavi était le poète de la cour du sultan ghaznévide Bahrâm Shâh (r. de 1117 à 1157), qui admirait tellement l'œuvre du poète qu'il lui fit épouser sa fille. À cette époque, Sanaï avait déjà écrit un certain nombre de pièces faisant l'éloge du sultan lorsque Bahrâm Shâh décida de faire la guerre à l'Inde et demanda à Sanaï de l'accompagner. Sur le chemin de la cour, Sanaï passa devant un jardin dans lequel un homme ivre, parlant tout seul, critiquait bruyamment la folie de Bahrâm Shâh qui poursuivait des conquêtes sans raison et gaspillait tant de vies. L'homme se lamentait également sur la vie de Sanaï, le décrivant comme un poète talentueux qui gaspillait ses dons à la louange d'un monarque vain et insensé. Sanaï comprit immédiatement la vérité de ce que disait l'homme, démissionna de son poste à la cour et devint l'élève d'un maître soufi. Le mysticisme du soufisme imprègne toute l'œuvre de Sanaï, notamment son chef-d'œuvre Le jardin muré de la vérité, qualifié d'"épopée mystique" dans son exploration de la relation de l'individu avec Dieu. Les écrivains ultérieurs (notamment Attar et Rûmî) furent fortement influencés par Sanaï, qui insistait sur le fait que "l'erreur commence avec la dualité" et que l'on ne doit reconnaître aucune distance entre le moi et Dieu. Il n'y a aucune raison de "chercher Dieu" puisque Dieu réside dans le moi. Il faut donc s'efforcer de se connaître soi-même pour connaître le Divin. Ce concept, ainsi que l'utilisation du vin comme symbole de la nature enivrante de l'amour de Dieu, seraient développés par de nombreux poètes après lui.

Attar (1145 - c.1220)

Farīd ad-Dīn ʿAṭṭār était un apothicaire qui exerçait la profession de son père et qui semble avoir mené une vie aisée si l'on en croit les références de son œuvre. Il écrivait principalement sous le pseudonyme d'Attar ("le chimiste"), apparemment pour son propre plaisir, car rien n'indique qu'il ait eu un mécène. Il n'était pas connu en tant que poète de son vivant (bien qu'il ait été cité plus tard comme poète sous le nom d'Attar de Nishapur) et il dénonçait les efforts des poètes qui acceptaient d'être payés pour faire l'éloge de monarques qui n'étaient pas dignes de leur talent. Il se concentrait sur des vers qui rapprochaient le lecteur d'une compréhension de la nature de l'existence et de la proximité de Dieu. Tout comme Sanaï, il était un musulman sunnite qui embrassa le mysticisme du soufisme, dont son œuvre s'inspire. Il est surtout connu pour La conférence des oiseaux, un poème allégorique dans lequel tous les oiseaux du monde se réunissent pour décider qui sera leur roi. La huppe, connue pour sa sagesse, les guide dans un voyage à travers sept vallées - en perdant beaucoup en chemin - jusqu'à ce qu'ils n'atteignent le repaire du grand oiseau mystique Simorgh, où ils comprennent qu'ils doivent se gouverner et se diriger eux-mêmes. Ses autres œuvres traitent de thèmes similaires en développant la compréhension soufie de Dieu et de la relation de l'individu avec le Divin. Il fut tué vers 1220 lorsque les Mongols envahirent sa ville de Nishapur.

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Rûmî (1207-1273)

Djalāl ad-Dīn Muḥammad Rûmî était un érudit islamique polyglotte, un théologien et un juriste avant de rencontrer le mystique soufi Shams-e Tabrîzî en 1244 et de devenir le poète mystique le plus célèbre de son époque. Né en Afghanistan ou au Tadjikistan dans une famille de lettrés, il était très instruit, multilingue (il écrivait en persan, en arabe, en grec et en turc, sa langue maternelle) et avait beaucoup voyagé. Selon la légende, à l'âge de 18 ans, il rencontra Attar à Nishapur, qui lui donna un de ses livres en reconnaissant la spiritualité du jeune homme. Cette rencontre aurait jeté les bases de l'éveil transcendant que Rûmî connaîtra plus tard. Il était déjà un érudit respecté lorsqu'il rencontra le derviche soufi Shams, qui devint son meilleur ami et son mentor spirituel. Ils n'étaient ensemble que depuis quatre ans lorsque Shams disparut une nuit et ne fut jamais revu. Rûmî chercha son ami jusqu'à ce qu'il ne se rende compte que le lien spirituel qu'ils partageaient ne pouvait être rompu ni par la mort ni par aucune distance, et il ressentit la force vitale de Shams comme la sienne propre. Par la suite, il commença à composer des poèmes qu'il attribua à l'esprit de Shams. Son talent littéraire et sa perspicacité spirituelle étaient si vastes qu'on l'appelait Mawlawi ("notre maître"). Son œuvre majeure est le Masnavi, une exploration poétique en six volumes de la relation entre l'individu et Dieu, qui fait référence au folklore, au spiritualisme soufi, au Coran, aux légendes et aux traditions musulmanes, ainsi qu'à une multitude d'autres sources littéraires, historiques et religieuses. Ses œuvres plus courtes font toujours référence à la même chose, tissant des contes populaires et des allusions coraniques avec une voix narrative s'adressant directement à son public, tantôt clarifiant, tantôt approfondissant, afin d'impliquer complètement le lecteur dans le sujet traité. Il est considéré non seulement comme l'un des plus grands poètes persans, mais aussi comme l'un des plus influents et des plus lus au monde.

Page from the Masnavi
Page du Masnavi
Walters Art Museum Illuminated Manuscripts (Public Domain)

Saadi (1210 - c. 1291)

Abū-Muḥammad Muṣliḥ al-Dīn bin Abdallāh Shīrāzī était issu d'une famille religieuse de la ville de Shiraz, en Iran, et fut déraciné très jeune lorsque les Mongols envahirent sa patrie. Sa vie et sa philosophie furent fortement marquées par cet événement et par la guerre quasi permanente qui ravagea la région. Il est connu comme un poète d'une grande profondeur et d'un grand talent, mais il peut également être considéré comme un écrivain voyageur, car il passa une grande partie de sa vie à se déplacer d'un endroit à l'autre (lieux et expériences qu'il inclut dans son œuvre), un historien (car ses œuvres font référence à des événements de première main) et un existentialiste, car il se concentre sur l'importance de vivre sa vie en étant pleinement conscient de la condition humaine et de sa responsabilité vis-à-vis des autres et de soi-même. Il reçut une bonne éducation, peut-être une bourse d'études à l'université de Bagdad, avant de voyager en Syrie, en Égypte, en Arabie et en Inde. Tout au long de ses voyages, il évita les cours de l'élite et les milieux universitaires, préférant la compagnie des gens du peuple, en particulier ceux qui avaient été déplacés par l'invasion mongole et les conflits entre chrétiens et musulmans. Il retourna à Chiraz vers 1257 et commença à écrire. Il est surtout connu pour son œuvre poétique, le Bustan ("Le Verger"), qui explore l'importance et la pratique de la vertu dans la vie d'un individu et s'inspire du mysticisme des derviches soufis pour appréhender le Divin.

Nizami (c. 1141-1209)

Nizami est connu comme le principal poète romantique de son époque, puisant ses sources d'inspiration dans les œuvres de Sanaï et de Firdousi.

Nizami Ganjavi vit le jour à Ganja (dans l'Azerbaïdjan actuel). Il devint orphelin très jeune et fut élevé par un oncle qui l'encouragea à s'instruire. Les vers de Nizami témoignent de la réussite de son oncle vu qu'il est considéré comme l'un des poètes persans les plus cultivés. Nizami est connu comme le principal poète romantique de son époque, puisant ses sources et son inspiration dans les œuvres de Sanaï et, surtout, de Firdousi. Des chercheurs ont émis l'hypothèse que Nizami aurait mémorisé le Shahnameh, l'œuvre de Firdousi influençant considérablement la sienne. Nizami poursuit la tradition de ses prédécesseurs en mettant l'accent sur l'amour - que ce soit entre deux individus ou entre l'individu et Dieu - comme l'aspect le plus important de l'existence humaine. Le spécialiste Husayn Ilahi-Ghomshei note que "Nizami enseigne que le seul rôle que l'homme est apte à jouer dans tout le théâtre de l'existence est celui de l'amant" (Lewisohn, 78). Il est surtout connu pour sa Khamsa ("Quintette"), une œuvre de cinq poèmes interdépendants s'inspirant à la fois de Sanaï et de Firdousi, traitant du sujet des relations humaines et contenant son célèbre conte de Khosrow et Shirin. Nizami pensait que, sans amour, la vie n'avait pas de sens et qu'une vie individuelle ne valait que ce qu'elle investissait dans l'amour des autres.

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Omar Khayyam (1048-1131)

Abu'l Fath Omar ibn Ibrahim al-Khayyam vit le jour à Nishapur de parents de la classe supérieure qui veillèrent à ce qu'il soit éduqué par les principaux érudits de l'époque. Il figure dans cette liste non pas parce qu'il était considéré comme un grand poète, mais parce que sa poésie - traduite en anglais par Edward Fitzgerald (1809-1883) - est devenue populaire au XXe siècle et a encouragé l'intérêt de l'Occident pour la littérature persane. À son époque, il était connu comme astrologue et mathématicien, à tel point que les chercheurs modernes se sont demandé si la célèbre Rubaiyat d'Omar Khayyam était bien son œuvre originale. Khayyam est surtout connu pour avoir contribué au calendrier Jalali, une carte solaire innovante qui corrigeait les inexactitudes du calendrier islamique. Sa vie, telle qu'elle est connue par ses contemporains et ceux qui ont écrit peu après sa mort, a été consacrée à la science et à la recherche astrologique. Sa renommée en tant que poète repose entièrement sur les efforts de Fitzgerald, dont le Rubaiyat n'est pas une traduction de la poésie persane originale, mais ce que l'on appelait une "imitation", un rendu approximatif du matériau original, que Fitzgerald lui-même qualifiait de "transmogrification" (Lewisohn, xiii). La "traduction" de Fitzgerald, qui n'a d'abord reçu aucune attention lors de sa publication en 1859, est devenue l'une des œuvres les plus populaires de la fin du XIXe et du XXe siècle et demeure l'une des œuvres littéraires les plus souvent citées et anthologisées à l'heure actuelle.

Hâfez (1315-1390)

Chamsoddin Mohammed Hâfez vit le jour à Shiraz, en Iran, vraisemblablement de parents instruits, mais on ne sait pas grand-chose de sa vie en dehors des références à ses œuvres. Il est considéré comme le plus grand poète persan, presque comme un saint, en raison de la perspicacité et de l'élévation spirituelle de son œuvre. Il s'inspira, très probablement, de tous les poètes mentionnés ci-dessus, mais très certainement de Sanaï, Attar, Rûmî et Nizami dans son exploration de l'amour en tant que valeur centrale de l'existence humaine. On dit qu'il connaissait le Coran par cœur et qu'il embrassait complètement le mysticisme du soufisme comme moyen de connaître le Bien-Aimé - Dieu - qu'il considérait comme l'objet final des désirs terrestres de chaque individu. Tout ce à quoi l'on aspire dans sa vie est d'être récompensé par l'union avec Dieu, que l'on peut atteindre en vivant en renonçant à ce qui est socialement accepté afin de poursuivre son propre chemin. Il s'empara du symbole du vin de Sanaï, qui représente l'effet d'élévation de Dieu sur l'Amant de la Vérité, et rejeta les règles de la religion légaliste en faveur de l'union individuelle et mystique avec le Divin par la connaissance de soi, l'autodiscipline et la patience face au silence apparent de Dieu en présence d'une supplication sincère. Il fut reconnu en son temps comme la plus grande voix de sa génération et un grand tombeau fut érigé sur sa tombe peu après sa mort. Ce tombeau a été agrandi et orné dans les années 1930 et constitue aujourd'hui un lieu de pèlerinage pour les admirateurs laïques et religieux de la vision du poète.

Tomb of Hafez
Tombeau de Hâfez
Sasha India (CC BY)

Conclusion

Les œuvres de ces poètes, et de bien d'autres, ont jeté les bases de la pérennité de la culture et des valeurs persanes et leur ont permis de s'épanouir et d'influencer le monde que l'on connaît aujourd'hui. L'éclat de ces artistes dans l'expression des fondements de la condition humaine et du pouvoir transformateur de l'amour a résonné à travers le temps et continue d'encourager la foi en un but supérieur et un sens à la vie.

La littérature de toute culture est le reflet des valeurs communes du peuple, l'expression individuelle d'une réponse collective à l'être humain. Le poète exprime ce que les autres ressentent, souvent sans le savoir, et ce qu'ils désirent, même s'ils n'avaient aucune idée de leur besoin avant de lire les mots de l'artiste. Toute la littérature mondiale résonne de cette même valeur de découverte personnelle et culturelle, mais la littérature persane, sous la forme de la poésie, offre l'expérience unique d'un mélange harmonieux entre le monde de la vie quotidienne et la transcendance de l'éternité, non seulement à une époque ou à travers l'œuvre d'un seul artiste, mais continuellement depuis sa création jusqu'à ceux qui perpétuent la tradition aujourd'hui.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2020, mai 18). Dix Grands Poètes Persans [Ten Great Persian Poets]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1554/dix-grands-poetes-persans/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Dix Grands Poètes Persans." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le mai 18, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1554/dix-grands-poetes-persans/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Dix Grands Poètes Persans." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 18 mai 2020. Web. 18 oct. 2024.

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