Après que l'empereur romain Claude (r. de 41 à 54 ap. J.-C.) eut réussi à conquérir la Bretagne insulaire en 43 de notre ère, quatre légions furent laissées sur place pour maintenir la paix: XIV Gemina, II Augusta, IX Hispana et XX Valeria Victrix. Cependant, à la fin de la décennie, la XIVe Gemina fut remplacée par la IIe Adiutrix.
Progressivement, les légions étendirent le contrôle romain à l'ouest du Pays de Galles et au nord de l'Écosse, mais malgré la présence continue des légionnaires, la Bretagne insulaire n'accepta jamais pleinement l'autorité de Rome. La révolte de Boadicée, en 60 de notre ère, en est une preuve évidente: quatre cohortes du IX Hispana tombèrent dans une embuscade et furent anéanties.
Sous le commandement de Petilius Cerialis, II Adiutrix participa à sa campagne contre les Brigantes et à la campagne d'Agricola en Écosse de 79 à 84 de notre ère, avant d'être rappelée au Danube en 87 de notre ère. Temporairement, seules trois légions restèrent en Grande-Bretagne romaine jusqu'à l'arrivée de VI Victrix en 122 de notre ère. Les tentatives de conquête de l'Écosse conduisirent à la construction du mur d'Hadrien (122 de notre ère) et du mur d'Antonin (140 de notre ère). En raison de la crise du troisième siècle, des invasions et de divers autres problèmes qui affectèrent l'Empire romain d'Occident aux troisième et quatrième siècles de notre ère, la capacité à contrôler l'île s'affaiblit. À la fin de l'occupation romaine, il ne restait plus qu'une légion, VI Victrix, et la province fut abandonnée en 410 de notre ère.
Noms et emblèmes des légions
La dénomination et la numérotation des légions sont peu cohérentes. Certaines légions portaient le nom d'une campagne victorieuse, d'autres, comme Vespasien et Trajan, celui de la famille impériale. Avant les réformes mariales, chaque légion portait cinq étendards. Marius (157-86 av. J.-C.) changea cela en donnant à chaque légion un étendard commun, l'aigle d'argent (plus tard d'or). Plus tard, chaque légion adopterait son propre étendard et son propre emblème, ce qui susciterait un sentiment d'identité, d'unité et de fierté.
L'emblème qui ornait le bouclier d'un légionnaire romain variait, mais il s'agissait souvent d'un animal (taureau et sanglier) ou d'un oiseau (aigle). Il existe cependant un certain nombre d'emblèmes uniques, comme le pégase de la légion II Augusta ou le centaure de la légion II Parthica. Le signe de naissance d'une légion représentait le mois au cours duquel elle avait été organisée. De nombreuses légions ayant été fondées pendant les mois d'hiver, le Capricorne était un signe de naissance courant.
Legio II Augusta
La fondation de la Legio II Augusta (emblème: Pégase; signe de naissance : Capricorne) est sujette à controverse. Il est possible qu'elle ait été fondée par César (100-44 av. J.-C.) vers 48 av. J.-C. et qu'elle ait été utilisée par Marc-Antoine lors de la bataille de Mutina en 43 av. J.-C., ou par Pompée le Grand (106-48 av. J.-C.) lors de ses campagnes en Espagne. Certaines sources suggèrent qu'elle aurait été formée par Auguste (r. de 27 av. J.-C. à 14 de notre ère) - d'où le nom d'Augusta - et qu'elle était l'une des sept légions qui le rejoignirent dans sa campagne de Cantabrie. La légion resta en Espagne jusqu'à la désastreuse bataille de la forêt de Teutoburg en 9 de notre ère, au cours de laquelle Publius Quinctilius Varus perdit trois légions. Elle fut ensuite transférée en Germanie supérieure, avec un camp de base à Moguntiacum (aujourd'hui Mayence). Comme d'autres légions, la IIe Augusta servit sous Germanicus (15 av. J.-C. - 19 av. J.-C.) contre les Chattes. Par la suite, la légion fut déplacée à Argentoratum (aujourd'hui Strasbourg) et, en 21 de notre ère, participa à la répression d'une rébellion en Gaule menée par Julius Sacrovir.
En 43 de notre ère, la légion participa à l'invasion de la Grande-Bretagne sous la direction du futur empereur Vespasien (r. de 69 à 79 de notre ère). Au cours des quatre années suivantes, elle prit part à 30 batailles et s'empara d'au moins 20 villes. Bien que la légion ait remporté des succès lors de ses premières campagnes, occupant même l'île de Wright, elle ne participa pas à la répression des rebelles de Boadicée. Le préfet du camp aurait ignoré les ordres de soutien au gouverneur provincial Suetonius Paulinus et se serait suicidé par la suite.
En 69 de notre ère, des cohortes de la IIe Augusta combattirent aux côtés d'Othon puis de Vitellius contre Vespasien au cours de l'année des quatre empereurs. La défaite de Vitellius étant imminente, la légion choisit sagement de soutenir son ancien commandant Vespasien. Après le retour des cohortes en Bretagne, le gouverneur Julius Frontinus (74-78 ap. J.-C.), conscient de la nécessité de pacifier le Pays de Galles, lança une série de campagnes. La Legio II Augusta fut affectée à une nouvelle forteresse à Isca Silurum, où elle resterait basée pendant les 200 années suivantes. De 77 à 84, ce sont des cohortes de la légion qui se déplacèrent vers le nord et firent campagne avec le nouveau gouverneur Cnaeus Julius Agricola. Bien qu'elle ait été présente à la bataille de Mons Graupius en 83 de notre ère, elle n'y particpa pas.
Après 122, la légion participa à la construction du mur d'Hadrien, puis du mur d'Antonin. En 192 de notre ère, la mort de l'empereur Commode (r. de 180 à 192) provoqua une guerre civile entre les prétendants possibles. Le gouverneur de la Bretagne insulaire, Clodius Albinus, emmena plusieurs cohortes avec lui pour combattre Septime Sévère (r. de 193 à 211), mais il fut vaincu. Plus tard, Sévère mena une expédition en Écosse, mais ses fils Caracalla et Geta abandonnèrent l'incursion. Vers 290, la légion retourna en Écosse pour combattre les Pictes et les Scots, mais on ne sait pas grand-chose d'elle après le IIIe siècle de notre ère.
Legio VI Victrix
Bien que la Legio VI Victrix (emblème: taureau; signe de naissance: Gémeaux) ait peut-être fait partie de l'armée de Pompée, la plupart des gens s'accordent à dire qu'elle fut fondée par Octave pendant la guerre civile, prenant part au siège de Pérouse en 41 avant notre ère et à la bataille d'Actium en 31 avant notre ère. Après avoir été stationnée en Hispania Terraconensis, elle participa à la campagne d'Auguste lors de la guerre des Cantabres et reçut ensuite le cognomen d'Hispaniensis.
En 68 de notre ère, la légion proclama le gouverneur de l'Espagne, Servius Sulpicius Galba, "légat du Sénat et du peuple romain". Avec la VIIe Gemina nouvellement formée, Galba marcha vers Rome, laissant derrière lui la VIe Victoire. À la mort de Néron (r. de 54 à 68 ap. J.-C.), le Sénat romain nomma Galba empereur. Cependant, il ne put se maintenir sur le trône et fut assassiné en janvier 69 de notre ère, ce qui marqua le début de l'année des quatre empereurs. La Legio VI Victrix resta en Espagne jusqu'en 70 de notre ère, lorsque Vespasien l'envoya, avec d'autres légions, aider Petillius Cerialis à réprimer la révolte des Bataves.
Sous Vespasien, la légion resta en Germanie inférieure et aida à reconstruire la forteresse de Novaesium (l'actuelle Neuss) qui avait été détruite par les Bataves. En 89 de notre ère, elle se joignit à I Minervia, X Gemina et XXII Primigenia pour vaincre le gouverneur de la Germanie supérieure qui s'était rebellé contre l'empereur Domitien (r. de 81 à 96 ap. J.-C.), recevant le cognomen Pia Fidelis Domitiana; la Domitiana serait retirée après l'assassinat de l'empereur. Plus tard, Novaesium fut abandonnée et la légion fut transférée à Xanten, remplaçant la XXII Primigenia. Une partie de la légion aurait peut-être participé à la campagne de Trajan lors des guerres daciques (101-106 ap. J.-C.).
En 122 de notre ère, l'empereur Hadrien (r. de 117 à 138 ap. J.-C.) se rendit en Grande-Bretagne, emmenant avec lui le gouverneur de Germanie inférieure, Aulus Platorius Nepos, et VI Victrix pour travailler sur le mur d'Hadrien, mais aussi pour construire un pont sur la rivière Tyne et, plus tard, le mur d'Antonin.
En 191, Clodius Albinus devint gouverneur de Bretagne insulaire. En 193 de notre ère, se déclarant empereur, il emmena la légion en Gaule pour combattre Septime Sévère. Après la défaite d'Albinus, la légion retourna en Grande-Bretagne. Lorsque Sévère arriva en Grande-Bretagne pour combattre les tribus écossaises rebelles, la légion remonta avec lui vers le nord, ce qui lui valut le titre de Britannicus Pia Fidelis. Finalement, la légion fut la dernière à quitter la Grande-Bretagne. L'historien Stephen Dando-Collins écrit que la légion combattit sous Stilicon en 401 de notre ère et qu'elle fut anéantie par Alaric en 410 de notre ère.
Legio IX Hispana
Comme beaucoup d'autres légions, l'origine de la Legio IX Hispana (emblème: taureau; signe de naissance: Capricorne) n'est pas claire. César disposait d'une neuvième légion lors de ses campagnes en Gaule, mais elle fut dissoute vers 45 avant notre ère. Plus tard, Octave fonda une légion à partir de vétérans de l'ancienne Neuvième. Cette nouvelle légion aurait peut-être servi avec lui en Macédoine lors de la bataille de Philippes en 42 avant notre ère, ce qui lui aurait valu le titre de Macedonica. La Legio IX Hispana fit campagne avec Auguste lors des guerres de Cantabrie, ce qui lui valut le titre d'Hispaniensis (stationnée en Espagne), qui fut ensuite modifié en Hispana (espagnole). Après un court séjour en Espagne, la légion fut transférée dans les Balkans et, en 14 de notre ère, elle se trouvait en Pannonie où, avec d'autres légions, elle se mutina pour protester contre les mauvaises conditions de vie. Six ans plus tard, la légion fut envoyée en Afrique où elle combattit les rebelles numides aux côtés de la IIIe Augusta, avant de retourner en Pannonie en 22 de notre ère.
En 42 de notre ère, la neuvième légion accompagna le gouverneur de Pannonie Aulus Plautius lors de l'invasion de la Bretagne insulaire, traversant la Manche en 43 de notre ère. On sait peu de choses de ses deux premières décennies en Bretagne, mais en 61 de notre ère, la légion, sous le commandement de Petillius Cerialis, affronta les rebelles de Boadicée. Cerialis et une partie de la cavalerie s'échappèrent, mais l'infanterie fut mise en déroute. Les cohortes du XXIe Rapax remplacèrent les légionnaires perdus.
Pendant l'année des quatre empereurs, des cohortes de la neuvième soutinrent Vitellius, l'accompagnant dans sa marche vers Rome et lors de la seconde bataille de Bedriacum. En 71 de notre ère, Cerialis retourna en Bretagne en tant que gouverneur, où il mena campagne contre les Brigantes. Lorsque Cerialis fut remplacé par Agricola, la neuvième légion accompagna le nouveau gouverneur dans ses campagnes en Écosse (77-84 ap. J.-C.), où la légion fut attaquée et vaincue par des tribus calédoniennes. L'historien Tacite relate la défaite de la légion face aux Calédoniens:
....Ils changèrent soudain de plan et, avec toute leur force, attaquèrent de nuit la neuvième légion, la plus faible, et, abattant les sentinelles endormies ou prises de panique, ils pénétrèrent dans le camp. (692)
Des cohortes de la neuvième légion, ainsi que d'autres légions, firent campagne sous le commandement de Lucius Aelianus contre les Chattes et, en 83 de notre ère, sous le commandement de Caius Rufus, participèrent aux guerres des Daces. Les années suivantes ne sont pas claires pour la légion. Elle futpeut-être détruite en 119 de notre ère ou plus tard - peut-être lors de la révolte juive de 131 à 135 de notre ère. L'historien Duncan Campbell affirme que la légion fut détruite en Arménie en 161 de notre ère.
XX Valeria Victrix
La fondation de la Legio XX Valeria Victrix (emblème: sanglier; signe de naissance: Capricorne) n'est pas claire. L'historien Stephen Dando-Collins affirme qu'elle provenait à l'origine des enrôlements de César dans les guerres civiles, mais il y a des indications qu'elle aurait servi à la fois sous Octavien et Marc-Antoine. En l'an 6 de notre ère, la légion fut transférée de sa base d'Illyricum à Carnuntum, sur le Danube, pour préparer la bataille de Tibère (r. de 14 à 37 de notre ère) contre les Marcomans. Bien que la campagne ait été abandonnée, des cohortes de la Valeria Victrix engagèrent le combat avec certains des rebelles, ce qui valut à son commandant Valerius Messalinus des honneurs triomphaux. Du 6 au 9 de notre ère, la légion combattit aux côtés de Germanicus dans les guerres de Pannonie. Après le désastre de Varus, la légion fut transférée sur le Rhin où, avec d'autres légions de la frontière rhénane, elle sécurisa les frontières de l'empire contre toute intrusion germanique potentielle. En 14 de notre ère, elle fut l'une des quatre légions qui protestèrent contre les mauvaises conditions de travail, de rémunération et de traitement. En 15 de notre ère, la légion était aux côtés de Germanicus lorsqu'il combattit les Chattes.
Bien que certains pensent que la vingtième légion était avec Caligula lors de son "invasion" de la Bretagne, elle traversa la Manche sous le commandement de Claude en 43 de notre ère. Cependant, jusqu'à son engagement contre les rebelles de Boadicée, on ne sait pas grand-chose des activités de la légion. Comme d'autres légions en Bretagne insulaire, la vingtième soutint Vitellius pendant l'année des quatre empereurs et envoya des cohortes pour l'aider. En 70 de notre ère, Vespasien envoya Cnaeus Agricola pour commander la légion et imposer la discipline - la légion sous Marcus Coelius avait été déloyale et peut-être mutine. À propos de la solution proposée par Agricola, Tacite écrit que la légion "avait été lente à prêter le nouveau serment d'allégeance et que son officier sortant avait été signalé comme agissant de manière déloyale" (681). Il ajoute qu'Agricola espérait "...avoir trouvé plutôt que formé une soldatesque obéissante" (681). Les fauteurs de troubles furent transférés à II Adiutrix.
En 77 de notre ère, Agricola retourna en Grande-Bretagne en tant que gouverneur et emmena une partie de la Vingtième vers le nord pour construire des forts et des camps. En 84 de notre ère, la légion se battit contre les Calédoniens lors de la bataille du Mont Graupius. Des preuves montrent que la légion participa à la construction du mur d'Hadrien et du mur d'Antonin. La légion se rangea du côté de Clodius Albinus dans sa revendication de l'empereur contre Septime Sévère. XX Valeria Victrix se retira de Grande-Bretagne vers la fin du quatrième siècle, mais on ne sait pas grand-chose d'autre, si ce n'est qu'elle fut peut-être détruite par les Francs ou les Vandales.