Situé à environ 11 miles au sud de l'ancienne ville portuaire de Milet, sur la côte occidentale de la Turquie actuelle, le temple d'Apollon de Didymes (ou Didymaion) était le quatrième plus grand temple du monde grec antique. L'oracle du temple, deuxième en importance après celui de Delphes, joua un rôle important dans la vie religieuse et politique de Milet et du monde méditerranéen. De nombreux souverains, d'Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.) à l'empereur romain Dioclétien (244-313 av. J.-C.), se rendirent ou envoyèrent des délégations à cet oracle pour demander les conseils et les faveurs d'Apollon. L'oracle joua un rôle important dans le déclenchement de la "Grande Persécution" des chrétiens sous Dioclétien et le temple fut converti en église au cours du 5e ou du 6e siècle de notre ère.
Le Didymaion était le troisième et le plus grand temple construit par les Grecs autour d'une source naturelle, qu'ils croyaient être la source du pouvoir prophétique de l'oracle. Le premier temple était une humble structure qui remplaçait un sanctuaire carien beaucoup plus ancien. Au VIe siècle avant notre ère, les habitants de la ville voisine de Milet commencèrent la construction d'un second temple, beaucoup plus grand. Plus large et aussi long que le Parthénon d'Athènes, ce second temple reflétait la renommée et l'influence croissantes de l'oracle. Ce temple fut cependant pillé et détruit, soit en 494 avant notre ère par le roi perse Darius Ier, soit en 479 avant notre ère par son fils et successeur Xerxès Ier. La légende veut que la source sacrée ait cessé de couler jusqu'à ce que nul autre qu'Alexandre le Grand ne passe par là lors d'une de ses propres conquêtes et ne consacre à nouveau le site en 331 avant notre ère. Il n'est pas surprenant que les premières déclarations enregistrées de l'oracle rétabli aient été en faveur du jeune roi macédonien.
Tandis qu'Alexandre rouvrait le site de Didymes, le siège de Milet endommagea fortement la ville et les droits de douane imposés aux citoyens pour les punir de leur résistance paralysèrent financièrement la ville pendant des dizaines d'années. Lorsque Milet commença enfin à se rétablir - quelque trente ans après la conquête d'Alexandre - les citoyens entreprirent la construction d'un autre temple à l'emplacement de la source sacrée. C'est ce troisième et dernier temple qui est aujourd'hui connu sous le nom de temple d'Apollon à Didymes ou Didymaion hellénistique. Comme de coutume pour les temples grecs d'une telle taille, la construction se poursuivit pendant des siècles et le temple ne fut jamais achevé. Même à la fin du IVe siècle de notre ère, le temple n'avait pas de fronton ni de corniche et une grande partie de l'ornementation sculpturale et même plusieurs des colonnes massives restaient inachevées. Néanmoins, le temple devait être un spectacle magnifique, car même les ruines peuvent laisser les visiteurs d'aujourd'hui stupéfaits.
Le Didymaion hellénistique
Les Milésiens avaient conçu le Didymaion hellénistique pour rivaliser avec le plus grand temple du monde grec, le temple d'Artémis d'Éphèse, l'une des sept merveilles du monde antique. Le Didymaion était en effet plus grand à certains égards et plus petit à d'autres, mais les deux temples étaient bien deux fois plus grands que le Parthénon d'Athènes. Comme le temple d'Artémis, le Didymaion avait été construit pour ressembler de l'extérieur à un temple grec ordinaire, bien qu'énorme. Le Didymaion possédait une énorme plate-forme de temple ou podium qui créait une surface de construction plane de plus de 5 500 mètres carrés. Sur cette plate-forme surélevée reposaient 122 immenses colonnes, chacune d'un diamètre de 2,5 mètres, qui soutenaient à leur tour un toit à caissons élaboré s'étendant sur l'ensemble de la plate-forme. À l'état presque achevé, les murs du temple s'élevaient à une hauteur vertigineuse de près de 28 mètres au-dessus du sol.
Si l'extérieur du Didymaion ressemblait à un temple grec ordinaire, l'intérieur était tout à fait unique. La salle intérieure ou adyton d'un temple grec traditionnel était construite directement sur la plate-forme ou le podium du temple. Le temple de Didymes, cependant, était construit autour d'une source sacrée et le sol de l'adyton devait donc être au niveau du sol. Les architectes du Didymaion trouvèrent une solution ingénieuse: ils construisirent deux tunnels voûtés longs et étroits, de plus de 21 mètres de long et d'un peu plus d'un mètre de large chacun, qui partaient du sommet de la plate-forme du temple et descendaient jusqu'au sol herbeux de l'adyton. Cette conception "creuse" intelligente permit aux Milésiens de construire un temple d'aspect traditionnel qui rivalisait avec l'Artémision d'Éphèse, tout en préservant la source naturelle qui avait longtemps été considérée comme la source sacrée du pouvoir de l'oracle. De plus, alors que de l'extérieur le temple semblait entièrement couvert, la salle intérieure du Didymaion était ouverte sur le ciel. Cela permettait au personnel du temple de cultiver un bosquet d'arbres sacrés sur le sol de l'adyton. Dans cet environnement idyllique, au milieu des arbres et à côté de la source sacrée, se trouvait un temple beaucoup plus petit ou naiskos qui abritait la statue de culte d'Apollon.
Importance politique et religieuse du Didymaion
Dans un monde où "l'Église et l'État" étaient inséparables, le temple d'Apollon à Didymes jouait un rôle essentiel dans la vie religieuse et politique de l'ancienne Milet. Le complexe du temple accueillait d'importantes fêtes religieuses, des sacrifices et des offrandes votives, tandis que l'oracle exerçait une influence significative sur les statuts civiques, les traités et les entreprises publiques de Milet, et on comptait sur lui pour assurer la protection contre les ennemis et pour aider à diriger les affaires publiques et étrangères (Fontenrose, 105).
En raison de l'importance du site, la fonction de grand prêtre (à ne pas confondre avec l'oracle), dont le rôle était de présider le sanctuaire, était immensément puissante et très recherchée. Élus pour un mandat d'un an, les grands prêtres étaient souvent des "aristocrates de Milet, profondément impliqués dans la politique et le commerce de cette ville... et dont la responsabilité la plus évidente était de financer de nombreuses activités liées au sanctuaire" (Robinson, 12). En fait, cette fonction était si prestigieuse et le sanctuaire si crucial pour les affaires religieuses et politiques de Milet et de l'ensemble de la Méditerranée que de nombreux empereurs romains, dont Trajan, Hadrien et Julien, furent "élus" (c'est-à-dire qu'ils se nommèrent eux-mêmes) à ce poste. Les empereurs étaient bien plus intéressés par l'obtention du titre honorifique que par l'exercice effectif des fonctions, qu'ils laissaient à quelqu'un d'autre. Néanmoins, ils contribuèrent de manière significative à la construction et à l'entretien du sanctuaire. Jules César et Caligula étaient tous deux mécènes du sanctuaire. Trajan fit construit une nouvelle Voie sacrée reliant le complexe du temple à Milet, qui fut réparée par l'empereur Julien en 359 de notre ère dans le cadre de ses efforts pour revitaliser les traditions religieuses gréco-romaines. Le mécénat des empereurs pour ce site souligne à la fois l'état inachevé du temple et le fait que ce sanctuaire massif continua à exercer une immense influence sur les affaires religieuses et politiques du monde méditerranéen jusque dans les dernières années de l'Empire romain.
Le Didymaion dans l'Antiquité tardive
Si presque tous les empereurs occidentaux, de César à Julien, consultèrent l'oracle de Didymes, le cas le plus célèbre (ou le plus notoire) se produisit en 303 de notre ère, sous le règne de l'empereur Dioclétien. Selon le De mortibus persecutorum de Lactance, Dioclétien aurait envoyé une délégation à Didymes pour demander à l'oracle ce qu'il devait faire face au nombre croissant de chrétiens dans l'empire et aux plaintes généralisées selon lesquelles les chrétiens dérangeaient les dieux; même les citoyens de Milet se plaignaient que les chrétiens avaient élu domicile à l'extérieur du temple de Didymes et que leur religion hérétique "empêchait les prophéties exactes" (Digeser, p. 57). Selon Lactance, la réponse de l'oracle (elle-même perdue dans l'histoire) aurait incité Dioclétien à lancer la persécution des chrétiens la plus sévère et la plus systématique de l'histoire romaine.
Bien que le sanctuaire ait continué à fonctionner jusqu'au 4e et peut-être même au 5e siècle de notre ère, le rôle de l'oracle dans la "Grande Persécution" resta bien vivant dans les mémoires. Au cours des Ve et VIe siècles, alors que la grande majorité des temples grecs et romains étaient simplement abandonnés et laissés à l'abandon, le Didymaion fut choisi pour être réutilisé par les chrétiens; une petite basilique à trois nefs fut construite au cœur de l'adyton du temple. En raison de la conception unique du Didymaion, la réutilisation chrétienne de ce site se distingue des autres exemples d'appropriation de temples. La plupart des exemples de ce phénomène rare (la grande majorité des temples "païens" étaient simplement abandonnés et laissés à l'abandon au fil du temps) suggèrent que les chrétiens préféraient construire des églises là où elles étaient très visibles - sur le bord de la plate-forme du temple - et évitaient complètement les principales salles centrales de l'ancien temple (Hahan, 12). À Aphrodisias, par exemple, les chrétiens construisirent une église qui engloutit complètement la plate-forme de l'ancien temple d'Aphrodite. Le temple étant le point central de toute la ville, l'église était très visible et témoignait avec force de l'ascension de la communauté chrétienne. Ce type d'appropriation n'était cependant pas possible à Didymes, car le Didymaion ne donnait que l'apparence d'une plate-forme traditionnelle sur laquelle une église aurait pu être construite. Néanmoins, la communauté chrétienne construisit son église sur le sol non pavé de l'adyton, où elle était totalement invisible pour les passants à l'extérieur de l'ancien temple.
Reconstruction
Malheureusement, il n'y a plus grand-chose à dire sur cette église, car les archéologues allemands du début du XXe siècle enlevèrent à la hâte tous les vestiges de cette église, avec peu de documentation, dans le but de restaurer le temple dans sa forme hellénistique (voir Wiegand). Il convient toutefois de considérer que la raison de la construction de cette basilique à un tel endroit avait moins à voir avec le rôle de l'oracle dans la "Grande Persécution" qu'avec l'association du temple avec le dieu Apollon. De nombreux chercheurs ont démontré que les chrétiens aimaient établir des parallèles entre Apollon, source d'inspiration des prophéties païennes, et le Christ, source des prophéties chrétiennes (Kerkeslager, 119). L'appropriation de ce sanctuaire oraculaire indique peut-être que les chrétiens locaux, comme les Romains, les Grecs et les Cariens avant eux, considéraient également la source naturelle comme une source de prophétie qu'il suffisait de purifier ou de sanctifier par le biais d'un rituel chrétien approprié; il est particulièrement intéressant de noter que c'est à côté de cette même source que les chrétiens construisirent un baptistère pour accueillir de nouveaux membres.